Les États-Unis face au risque de stagflation.

Les États-Unis face au risque de stagflation.

L’inflation aux États-Unis était relativement élevée avant même l’entrée en vigueur des droits de douane majorés. La dépréciation du dollar et les mesures de lutte contre l’immigration illégale pourraient accroître les tensions inflationnistes. Une chose qui nuirait à la popularité de Donald Trump qui a fait campagne sur l’amélioration du niveau de vie des Américains.

En mars 2025, l’inflation totale aux États-Unis s’élevait à 2,4%, tandis que l’inflation hors énergie et alimentation atteignait 2,8%. L’inflation n’a pas retrouvé son niveau d’avant la crise sanitaire.

L’effet des droits de douane : 1.7% d’inflation. 

La majoration des droits de douane constitue potentiellement une taxe sur les consommateurs. Dans sa version initiale du 2 avril dernier, la hausse prévue était de 22,5 points. Dans la version révisée du 9 avril, elle a été ramenée à 12,5 points. La question clé est celle de la transmission aux prix de cette majoration. Dans quelle proportion la hausse des droits de douane se répercutera-t-elle sur les prix des importations ?

Les entreprises exportant vers les États-Unis, tout comme les distributeurs, pourraient choisir de réduire leurs marges pour limiter cet impact. Selon certaines études, la transmission serait forte, de l’ordre de 0,94. Une hausse de 12,5 points des droits de douane augmenterait ainsi le prix des importations de 12 %. Compte tenu du poids des importations de biens et services dans le PIB (14 % en 2024), l’effet mécanique sur les prix intérieurs américains pourrait atteindre jusqu’à 1,7 point en cas d’absence de réduction des marges.

La dépréciation du dollar

Donald Trump souhaite, par ailleurs, une dépréciation du dollar afin d’améliorer la compétitivité et favoriser la réindustrialisation des États-Unis. Ses différentes annonces, combinées aux perspectives de ralentissement économique, ont déjà provoqué une baisse du taux de change. L’euro est passé de 1,02 à 1,15 dollar entre janvier et avril.

@Adobestock
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Stephen Miran, le chef des conseillers économiques de la Maison-Blanche, prône une dépréciation encore plus marquée du dollar, visant même à lui faire perdre son statut de monnaie de réserve. Un dollar plus faible renchérit le prix des produits importés, constituant ainsi une source potentielle d’inflation. Toutefois, l’effet de transmission serait plus limité que celui des droits de douane. Le taux de transmission sur les prix des produits importés ne serait que de 0,22 %.

Lutte contre l’immigration et hausse des salaires

Un troisième facteur d’inflation est lié à la lutte contre l’immigration clandestine. On estime à 11 millions le nombre d’immigrés sans papiers aux États-Unis, dont 8,3 millions occupent un emploi, soit 4,8% des emplois totaux. Ils sont principalement présents dans l’agriculture, l’hôtellerie-restauration, le transport et la logistique. L’arrêt des flux migratoires ou le retrait du marché du travail d’une partie de ces immigrés pourrait générer des tensions sur le marché du travail. Mais également favoriser une hausse des salaires, lesquels augmentaient déjà de manière significative depuis l’épidémie de Covid-19.

Le salaire nominal progresse actuellement de 3,8% par an. Au premier trimestre 2025, 40% des entreprises déclarent rencontrer des difficultés de recrutement, contre 35% au milieu de l’année 2024. On comptait, en 2024, un emploi vacant pour un chômeur aux États-Unis, contre 0,5 en 2015.

La hausse de l’inflation provoquée par les droits de douane, la dépréciation du dollar et la lutte contre l’immigration devraient s’accompagner d’un ralentissement de la croissance. Ce qui pourrait déboucher sur une situation de stagflation. La Réserve fédérale pourrait être contrainte de maintenir des taux d’intérêt élevés afin d’éviter une spirale inflationniste. Or, Donald Trump souhaite au contraire une baisse des taux.

Le président des États-Unis se trouve ainsi confronté à un dilemme. Ses choix économiques, destinés à renforcer l’industrie nationale et à améliorer le niveau de vie, pourraient, à moyen terme, peser sur la consommation et fragiliser sa base électorale. Face à ces tensions, la Réserve fédérale pourrait privilégier la stabilité des prix au détriment des injonctions politiques, exacerbant encore les contradictions d’une stratégie économique ambitieuse mais risquée.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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