De 1950 à 2009, les dépenses américaines de santé sont passées de 5 à 17 % du PIB. Les États-Unis sont de loin le pays dont le poids des dépenses de santé est le plus important au niveau mondial. Mais ces dernières ont connu une progression forte dans tous les États. En vingt ans, au sein de l’OCDE, elles sont ainsi passées de 7 à 9 % du PIB.
Entre la fin des années 1970 et le milieu des années 2010, les dépenses publiques britanniques de santé ont augmenté de 4 % par an en termes réels, bien plus vite que la croissance économique de 2 % par an. De 1980 à 2010, si les prix ont augmenté de 150 %, les dépenses de santé ont progressé de 250 %. La progression de ces dernières a été longtemps considérée comme une bonne mesure de l’amélioration des conditions de vie.
Les soins de santé sont des « biens supérieurs ». Ils sont censés augmenter plus vite que le PIB. Quand les citoyens s’enrichissent d’un dollar, ils s’attendent à ce que leurs dépenses de santé augmentent de plus d’un dollar. Les Américains dépensent ainsi le plus en dépenses de santé car les États-Unis sont la première puissance économique mondiale.
Reprendre le contrôle des dépenses de santé afin d’éviter, malgré le vieillissement de la population, un dérapage
Depuis quelques années, les dépenses de santé sont perçues non plus comme un symbole de progrès mais comme une contrainte, comme un poids pesant sur les finances publiques. Avec l’épidémie de covid, elles ont connu une rapide augmentation mais celle-ci endiguée, les pouvoirs publics entendent reprendre le contrôle des dépenses de santé afin d’éviter, malgré le vieillissement de la population, un dérapage. Au sein de l’OCDE, les dépenses de santé s’élèvent à 2 000 milliards de dollars, soit leur niveau de 2009.
La maîtrise de ces dépenses est variable, selon les pays. Le ratio des dépenses de santé par rapport au PIB s’est contracté par rapport à son pic d’avant covid en Australie et en Suède. En Norvège, il a baissé de 2,5 points de pourcentage de PIB par rapport à son niveau de 2016. Même aux États-Unis, selon le Bureau of Economic Analysis, la part des dépenses consacrées aux soins de santé est désormais inférieure à son niveau d’avant pandémie.
Depuis une dizaine d’années, les pouvoirs publics ont pesé sur les prix des soins. S’ils augmentaient auparavant plus vite que l’inflation et le PIB, c’est maintenant l’inverse qui se produit en moyenne.
Même en France, pourtant connue pour l’augmentation de ses dépenses de soins, leurs prix augmentent désormais conformément à la moyenne des prix. À la fin des années 1990, les gouvernements prennent conscience que l’évolution des dépenses de santé menace l’équilibre des finances publiques. Le président des États-Unis, Barack Obama, en 2009, souligne « notre problème de santé est notre problème de déficit ». En 2017, l’organisme de surveillance budgétaire britannique mentionne qu’une « croissance excessive des coûts dans le secteur de la santé pourrait ajouter 90 % du PIB à la dette britannique d’ici les années 2060 ».
Le développement de l’ambulatoire, les innovations technologiques ont permis d’importants gains de productivité
Pendant des années, le système de santé a été considéré comme incapable de générer des gains de productivité. Soigner exige du temps et des moyens de plus en plus importants d’où l’idée que le système soit soumis à la loi des rendements décroissants. Le recours à de nombreux soignants ne pouvait déboucher que sur une hausse des coûts.
Le caractère bureaucratique de ce système est par nature inflationniste. Selon le Bureau of Labor Statistics américain, la productivité du travail dans les services de santé a baissé de 13 % entre 1990 et 2000, mais a, depuis, rattrapé tout le terrain perdu entre 2000 et 2019. Au Royaume-Uni, entre 2004 et 2017, d’après une étude du National Health Service (NHS), la productivité dans le secteur de la santé s’est accrue de 17 % quand celle de l’ensemble de l’économie n’a progressé que de 7 %. Le développement de l’ambulatoire, les innovations technologiques ont permis d’importants gains de productivité.
La maîtrise des dépenses de santé est également liée aux mesures de régulations adoptées ces dernières années dans de nombreux pays. Aux États-Unis, l’Affordable Care Act (ACA), adoptée en 2010, a durci les modalités de remboursement par le gouvernement des entreprises qui dispensent des traitements. L’ACA a également rendu plus difficile pour les médecins de prescrire des traitements inutiles.
L’usage des génériques représentait en 2022, 50 % des médicaments vendus contre 33 % en 2010
Pendant des années, les gouvernements ont faiblement revalorisé les rémunérations des personnels de santé. De nombreux pays ont pratiqué un malthusianisme en matière santé en ayant recours à des numerus clausus pour la formation de nouveaux médecins et à des fermetures d’établissements. Au sein des pays européens, l’usage des génériques s’est généralisé. Ces derniers représentaient, en 2022, 50 % des médicaments vendus contre 33 % en 2010.
La maîtrise des dépenses de santé s’est imposée par l’érosion de la croissance. Les dépenses de santé n’augmentent plus, en partie car l’économie est en panne. La pression pour leur hausse est forte. L’épidémie de covid a souligné la vulnérabilité des systèmes de santé, la faible rémunération des professionnels de santé et le problème des effectifs. La multiplication des pénuries de médicaments et le manque de médecins sont monnaie courante au sein de l’OCDE.
Le vieillissement de la population devrait conduire à une forte augmentation des dépenses de santé. En cas de faible croissance et en cas d’absence de gains de productivité, la maîtrise des finances publiques risque d’être mise à rude épreuve.
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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