Les ministres européens des Finances ont trouvé un accord sur un budget de la zone euro, mais son envergure est bien en deçà des attentes françaises et presque tous les aspects de ce dossier, y compris la source de financement, continent de diviser.
Les partenaires de la zone euro n’ont pris aucune décision supplémentaire pour renforcer l’union économique et monétaire, malgré les encouragement à agir de la Commission européenne et du FMI à agir avant que ne frappe la prochaine crise financière.
Après deux ans de croisade politique menée par la France, six mois de discussions entre les ministres des Finances et un torrent d’avertissements de la part des experts et universitaires sur la nécessité de compléter l’union économique avec un pilier budgétaire, l’Eurogroupe n’est pas parvenu ce 14 juin à s’accorder sur un véritable budget de la zone euro.
Les orientations édulcorées adoptées par les dirigeants en décembre dernier avaient déjà signé le renoncement au véritable budget de la zone euro.
À cette époque, un groupe emmené par les Pays-Bas avait accepté d’ouvrir les discussions seulement si la nouvelle réserve budgétaire était dépourvue de tout rôle de stabilisateur. Les dirigeants avaient aussi limité sa puissance aux ressources provenant du cadre financier pluriannuel (CPF), le budget de l’UE à long terme. Dans ce contexte, certaines estimations évaluaient cette réserve à 17 milliards d’euros.
Aucun progrès
Après 15 heures de négociations, les Pays-Bas et d’autres ont continué à s’opposer à toute extension des sources de revenus. La Haye et comparses voulaient aussi mettre l’accent sur la dimension de soutien plutôt que sur celle d’investissement, défendue par la France, l’Espagne, le Portugal ou la Commission.
Les décideurs de la zone euro ont reconnu que les progrès réalisés étaient loin de ceux qui étaient nécessaires.
« D’une certaine manière, c’est vrai que ce ne sont que de petites étapes », a admis le commissaire aux affaires économiques, Pierre Moscovici. Il a toutefois déclaré que la décision « ouvre la porte » à d’autres progrès pour atteindre un véritable budget de la zone euro.
« C’est le meilleur accord que nous pouvions trouver dans l’état actuel des choses », a-t-il ajouté, ciblant les Pays-Bas. Pierre Moscovici a souligné le « symbolisme » des mesures prises.
Le Maire enthousiaste
Ses commentaires ont été ignorés par son compatriote et grand défenseur d’un budget de la zone euro, le ministre français des Finances, Bruno Le Maire.
« Nous avons un budget de la zone euro », a déclaré ce dernier devant les journalistes. Selon lui, les conclusions de l’Eurogroupe correspondent aux engagements pris par Emmanuel Macron durant sa campagne.
« C’est une mini-révolution… un véritable changement », a assuré Bruno Le Maire, qui fait campagne pour devenir le prochain commissaire français.
Pourtant, l’idée première du président français était d’avoir un budget de la zone euro « équivalent à plusieurs points de PIB » de la zone euro. Un résultat dont on est pour l’heure bien loin.
Le ministre des Finances a donc souligné qu’il était conscient que « du chemin restant à parcourir » par rapport au financement du budget. Pour lui, l’idée est de commencer petit à petit et de donner au nouvel instrument « le potentiel de croître au fil du temps. »
Refiler la patate chaude
Selon des sources de l’UE, ces commentaires contrastent totalement avec ce qu’il s’est passé dans la salle de réunion. Autour de minuit, la France et les pays favorables à un budget de la zone euro avaient déjà compris que peu de progrès seraient atteints durant la rencontre de l’Eurogroupe.
Selon Mario Centeno, président de l’Eurogroupe, les chefs d’État doivent fournir des lignes directrices sur la source de financement, le volume du fonds ou les objectifs à financer.
Ceux favorables à un budget de la zone euro, comme Pierre Moscovici ou la ministre espagnole des Finances, Nadia Calviño, ont trouvé du réconfort dans le fait que rien n’a été exclu et que le futur instrument pourra toujours jouer un rôle de stabilisateur pour amortir les chocs économiques.
Malgré des progrès limités, Nadia Calviño s’est dite convaincue qu’un jour il existerait un budget pour la zone euro, étant donné qu’il s’agit d’un instrument budgétaire « essentiel » complétant l’union économique et monétaire.
Elle doute toutefois du fait que les dirigeants revoient les termes établis en décembre étant donné que le programme du sommet des 20 et 21 juin est déjà bien chargé et sera dominé par la nomination aux hauts postes de l’UE.
CFP
Les discussions se poursuivront au niveau ministériel et technique, dans le but de trouver un accord avant la clôture du CFP (2021-2027), probablement durant le premier trimestre de l’année prochaine.
Le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, a souligné que son pays était prêt à tout pour conclure un accord durant la présidence allemande de l’UE, qui aura lieu à la deuxième moitié de 2020.
Olaf Scholz a adhéré aux conclusions optimistes de Bruno Le Maire, mais s’est montré moins enthousiaste. « Personne ne s’attendait à ce que nous en soyons encore là » un an après l’accord passé entre la France et l’Allemagne à Meseberg pour renforcer la zone euro.
Pas de SEAD
L’Eurogroupe n’a pas non plus avancé sur un des gros dossiers en suspens : le Système européen d’assurance des dépôts.
Après six mois de discussions techniques, l’Allemagne continue de faire obstacle. Berlin a passé plus de cinq ans à s’opposer à la mutualisation des dépôts jusqu’à ce que les risques diminuent davantage. Pourtant, les prêts « toxiques » dans l’UE ne représentent que 3,3 % du total.
Pierre Moscovici et le directeur du Mécanisme européen de stabilité, Klaus Regling, ont exprimé leur déception vis-à-vis de ce manque d’avancées.
Les ministres des Finances n’ont réussi que la réforme du mécanisme européen de stabilité.La révision du mécanisme lui permettrait d’apporter un soutien au fonds de l’UE destiné à résoudre le problème des banques en difficulté afin qu’elle ne perde jamais leur capacité maximale d’environ 60 milliards d’€ en cas de crise bancaire comme en 2008. De nouvelles fonctionnalités ont également été ajoutées pour aider les États membres en détresse avant qu’ils ne demandent un véritable programme de renflouement.
La conclusion du processus de renforcement de l’Union économique et monétaire, qui a duré deux ans, est cependant loin de solidifier les défenses de l’euro contre une future crise.
Le 9 mai 2010, après près de 10 heures de discussion, les ministres de la zone euro s’étaient mis d’accord sur l’embryon du MES. À cette époque, l’Europe était en pleine crise. La monnaie unique devra probablement attendre la prochaine récession pour se rapprocher de l’âge adulte. Et certains pensent que la prochaine grosse tempête risque d’arriver plus tôt que prévu.
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