Le Royaume-Uni devrait rester dans l’UE jusqu’au 31 octobre et prendre part aux élections européennes de mai, Theresa May ayant obtenu une nouvelle prolongation afin d’éviter une sortie sans accord.
L’UE a accordé une deuxième prolongation au Royaume-Uni, afin que les parlementaires britanniques trouvent un terrain d’entente sur la manière dont ils veulent quitter l’Union.
« S’il vous plait, cessez de perdre le temps (qu’on vous donne) », a demandé aux députés britanniques le président du Conseil européen Donald Tusk, après la discussion du sommet d’urgence.
Selon l’accord trouvé entre Londres et Bruxelles, la prolongation courra jusqu’au 31 octobre, mais cela n’exclut pas complètement un Brexit sans accord, puisque le Royaume-Uni sera renvoyé de l’Union s’il ne parvient pas à organiser des élections européennes le 23 mai. Le gouvernement britannique a déjà pris ses dispositions pour organiser le scrutin.
Les dirigeants européens évalueront aussi la situation lors du Conseil européen des 20 et 21 juin. « Le but de la discussion de juin n’est pas de revoir la date, seulement d’évaluer la situation », a clarifié un diplomate.
La plupart des États membres étaient optimistes quant à la perspective d’une « coopération sincère », les diplomates soulignant le fait que le Royaume-Uni ne pourrait pas bloquer un accord sur le budget pluriannuel de l’UE et aurait, en pratique, peu, voire aucune, occasion d’utiliser son véto.
La participation britannique aux élections européennes pourrait toutefois changer l’équilibre politique de la prochaine législature européenne, craignent les responsables européens. Les Britanniques risquent en effet de choisir un contingent solide d’eurodéputés eurosceptiques, au vu de la colère du public face à l’échec de concrétisation du Brexit.
Les responsables européens ont aussi évoqué l’idée d’une prolongation du mandat de la Commission si les Britanniques obtenaient un long report de la date du Brexit.
Les diplomates irrités par Macron
Lorsque les discussions ont commencé le 10 avril au matin, le président français, Emmanuel Macron, – avec le soutien de la Belgique, de l’Autriche, et de plus petits États membres de l’UE –s’est montré intransigeant sur le Brexit et a appelé à un report beaucoup plus court, de quelques semaines seulement, en demandant des garanties solides sur la participation de Londres aux affaires européennes durant cette période.
Un certain nombre de diplomates d’autres États membres se sont montrés contrariés que Paris ajoute encore plus d’incertitudes et Emmanuel Macron s’est vite retrouvé isolé.
« Ce comportement est irritant, car ils veulent juste se positionner pour montrer à quel point ils sont importants et puissants », a déclaré un diplomate. « D’un côté, ils disent qu’une sortie sans accord n’est pas si grave et de l’autre ils demandent de l’aide à l’UE pour leur secteur de la pêche en cas de Brexit sans accord. C’est soit l’un soit l’autre. »
« Emmanuel Macron est dans une situation schizophrène : son public national veut une position forte sur le Brexit pour des raisons historiques, mais en cas de ‘no deal’ la France fera partie des plus grandes victimes collatérales », explique un autre diplomate.
Le président français a finalement cédé et décrit le report au 31 octobre comme le « meilleur compromis possible », qui permettra au Royaume-Uni de mener à bien sa sortie et de préserver le fonctionnement de l’UE.
Même si la nouvelle extension est beaucoup plus longue que le délai du 30 juin demandé par Theresa May, les responsables britanniques ont expliqué qu’en pratique, cette nouvelle date ne changeait pas grand-chose puisque la Première ministre veut que les députés adoptent l’accord de retrait dans les prochaines semaines pour éviter de participer aux élections européennes.
« Je continue de penser que nous devons quitter l’UE avec un accord le plus tôt possible », a soutenu Theresa May après le sommet extraordinaire. « Si nous trouvons un accord dans les trois premières semaines de mai, nous n’aurons pas besoin de participer aux élections européennes et nous quitterons officiellement l’UE le 1er juin. »
« Les choix que nous devons maintenant faire sont durs et clairs », a-t-elle ajouté. « Je ne sous-entends pas que les prochaines semaines seront faciles pour sortir de l’impasse. »
Theresa May n’a pas besoin d’obtenir l’aval de la Chambre des communes pour la prolongation, et son ambassadeur auprès de l’UE, Tim Barrow, a déjà officiellement accepté le report au nom de son gouvernement.
La perspective d’un long report risque toutefois d’intensifier la pression au sein même de son parti conservateur, qui devrait essuyer un lourd échec lors des élections européennes.
Report au-delà d’octobre ?
Ce nouveau délai empêche les rebelles conservateurs de renverser la Première ministre, puisque les règles du parti stipulent qu’il ne peut pas y avoir de vote de défiance de la direction de son parti avant décembre.
Octobre pourrait cependant ne pas être la date butoir finale. L’impasse à Westminster montre peu de signes d’issue, même si les responsables de Theresa May ont assuré que les « discussions techniques » avec l’opposition travailliste se poursuivraient le 11 avril.
Finalement, ni Donald Tusk ni la chancelière allemande Angela Merkel n’excluent un autre report après octobre, mais le président du Conseil estime toutefois que « six mois devraient être suffisants pour trouver une bonne solution avec un peu de volonté ».
« C’est une bonne chose que de notre côté nous ne mettions pas la pression », a expliqué Angela Merkel devant les journalistes. « Nous avons un Conseil en juin, nous avons un Conseil en octobre et nous nous sommes accordés sur le fait que nous y évaluerons la situation. »
Dans le même temps, le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, qui avait d’abord défendu une prolongation d’un an, a prévenu que si elle ne parvenait pas à faire ratifier son accord d’ici à octobre, « il y aura bel et bien un Brexit sans accord ».
Pour bon nombre d’Européens et de Britanniques, ce long report rapproche un peu la lointaine possibilité d’une annulation du Brexit. « Peut-être que nous pouvons éviter une sortie du Royaume-Uni de l’UE – ce n’est évidemment pas mon rôle, mais c’est mon rêve personnel », a osé Donald Tusk.
Alexandra Brzozowski, Beatriz Rios et Benjamin Fox
Laisser un commentaire