La spirale maléfique du protectionnisme semble bel et bien enclenchée. Jusqu’au dernier moment, les investisseurs pensaient que Donald Trump bluffait et que ses menaces de relèvement des droits de douane visaient avant tout à obtenir des concessions de la part de ses partenaires. Or, ils ont découvert un tout autre scénario. Lors de sa conférence de presse du 2 avril dernier, Donald Trump a renvoyé ad patres quatre-vingts ans de libéralisation des échanges commerciaux. Les investisseurs ont été surpris par l’ampleur des droits de douane imposés au reste du monde. En outre, la réponse de la Chine, avec des mesures de rétorsion de grande ampleur, semble indiquer qu’une spirale protectionniste est bel et bien en train de se mettre en place. Cette dernière , synonyme de baisse des échanges mondiaux et, par conséquent, de ralentissement de la croissance.
Une récession mondiale
Les investisseurs jugent désormais plausible une récession mondiale, du moins une récession aux États-Unis. Ce vendredi 4 avril, les autorités chinoises ont déclaré qu’elles imposeraient, à compter du 10 avril, des droits de douane de 34 % sur les produits américains en réaction à ceux que les États-Unis appliqueront aux produits chinois dès le 9 avril.
Compte tenu de l’accumulation des taxes, les produits chinois pourraient être taxés à hauteur de 54 % aux États-Unis. Les produits en provenance de l’Union européenne s’en sortent pour l’instant mieux, avec un taux moyen de 20 %. Même si certains articles sont frappés d’un droit de 25 %. Par ailleurs, la Chine a annoncé qu’elle saisirait l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et a déclaré mettre en place des contrôles à l’exportation sur sept éléments de terres rares. Tels que le gadolinium — utilisé notamment en imagerie par résonance magnétique — et l’yttrium, présent dans l’électronique grand public.
De son côté, l’Union européenne a averti qu’une réponse forte serait apportée avec, à la clé, des mesures ciblant les entreprises technologiques américaines et une possible limitation des investissements en direction des États-Unis. Le Canada a également réagi en imposant des droits de 25 % sur les véhicules fabriqués aux États-Unis. Le CAC 40 a chuté de 4 % le vendredi 4 avril, portant son recul hebdomadaire à 7,40 %. Il a terminé à 7 274 points. Ce sont les valeurs bancaires qui ont le plus souffert : Société Générale a perdu plus de 10 %. Des industriels comme ArcelorMittal, SaintGobain ou Stellantis ont également enregistré des baisses significatives en raison de l’importance de leurs exportations vers les États-Unis. Le DAX allemand a lui aussi connu une semaine difficile, avec un recul supérieur à 8 %.
Le Nasdaq a reculé de plus de 18 % depuis le 1er janvier
Outre-Atlantique, la correction est encore plus sévère. Les valeurs technologiques, particulièrement exposées en raison de leur dépendance aux importations asiatiques, sont sous pression. Elles sont également susceptibles de faire l’objet de mesures de rétorsion, notamment de la part de l’Europe. Le Nasdaq a reculé de près de 9 % sur la semaine, et de plus de 18 % depuis le 1er janvier. Le S&P 500 a perdu 8,66 % sur la semaine, et le Dow Jones 7,13 %. La capitalisation du S&P 500 a fondu de 5 400 milliards de dollars au cours des séances des 3 et 4 avril. Les trois grands indices de la Bourse de New York ont ainsi enregistré, jeudi et vendredi, leur plus forte baisse en deux jours depuis la pandémie de Covid-19.
Dans ce contexte, les bons chiffres de l’emploi sont passés inaperçus, éclipsés par la tempête provoquée par le relèvement des droits de douane. En mars, l’économie américaine a créé 228 000 emplois, selon les données publiées vendredi par le ministère du Travail. Les analystes tablaient sur environ 140 000 créations.
L’or a battu de nouveaux records
Donald Trump s’est attribué ce résultat, estimant qu’il est la conséquence directe de sa politique économique. Face aux tensions mondiales, les taux des obligations souveraines — valeurs refuge traditionnelles — sont en baisse. Le taux de l’obligation d’État américaine à 10 ans est repassé sous la barre des 4 %. Autre valeur refuge, l’or a battu de nouveaux records au cours de la semaine, atteignant jusqu’à 3 168 dollars l’once. Avec des perspectives de ralentissement de la croissance mondiale, le prix du pétrole est également en forte baisse : le baril de Brent a reculé de 10 % sur la semaine, descendant sous la barre des 65 dollars.
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