Peu d’artisans ou de commerçants sont épargnés par la hausse des tarifs de l’énergie qui plonge les plus gros consommateurs, comme les boulangers ou certains bouchers, dans une situation inextricable. A quelles aides ont-ils droit ? Sont-elles suffisantes ?
Pourquoi le gaz et l’électricité augmentent-ils autant ?
Pas seulement français ou européen, ce phénomène est dû en partie à la pandémie de Covid-19. Les prix de l’énergie sur les marchés ont augmenté à partir de 2021, au redémarrage général de l’économie. Cette tension classique offre/demande s’est aggravée en 2022 avec la guerre en Ukraine et la volonté de s’affranchir du gaz russe qui couvrait 40% des besoins en Europe.
Beaucoup de ménages français ne l’ont pas remarqué grâce au bouclier tarifaire instauré par le gouvernement, qui a gelé le tarif réglementé du gaz du 1er novembre 2021 jusqu’au 31 décembre 2022 et limité la hausse du tarif réglementé de l’électricité à 4% en moyenne.
Pour les professionnels en revanche, le contrecoup a été immédiat : la plupart n’ont ni bouclier tarifaire, ni tarif réglementé.
Certains commerçants souffrent-ils plus que d’autres ?
Les boulangers sont l’une des professions les plus exposées à la flambée des prix de l’énergie : 80% ne sont pas éligibles au bouclier tarifaire, selon leur confédération.
Environ 40% des bouchers-charcutiers sont concernés, surtout en province là où ils ont assez d’espace pour avoir un laboratoire de fabrication, avec des fours, hachoirs, rôtisseuses et chambres froides, selon leur confédération.
Mais le médiateur de l’énergie n’a jamais été autant sollicité par toutes sortes de professionnels, dit-il à l’AFP. Cela va du garage automobile à la restauration: « Leur contrat arrive à échéance, les nouveaux prix proposés sont très élevés, ils sont dans l’urgence et se demandent si leur fournisseur a le droit de multiplier autant les prix, ça peut aller jusqu’à x10 pour ceux qui avaient des contrats très bas. »
Les aides de l’Etat sont-elles automatiques ?
Il y a deux aides différentes.
L’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz peut être demandée sur le site des impôts. La facture d’énergie doit dépasser 3% du chiffre d’affaires et il faut prouver qu’elle a doublé.
Malgré un numéro vert (0806 000 245) pour les aider, des artisans se plaignent d’un mécanisme laborieux et d’une aide dérisoire.
Depuis le 1er janvier, un « amortisseur électricité » est versé presque automatiquement aux petites et moyennes entreprises de moins de 250 salariés et de moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Il faut fournir une attestation à son fournisseur. L’aide, versée à condition que la hausse de la facture d’énergie atteigne au moins 50%, correspond à environ 20% du total de la facture, selon Bercy.
Ces aides suffisent-elles ?
« Les aides vont couvrir 20 à 30% de la facture, sans résoudre le problème. Une entreprise qui faisait 30 à 40 000 euros de résultat en 2022 verra tout ça mangé par la hausse de l’énergie en 2023 » et sera « en danger », redoute Jean-François Guilhard, président de la confédération de la boucherie, charcuterie, traiteurs (CFBCT).
Les aides à la trésorerie annoncées mardi (3 janvier), comme l’étalement du paiement des cotisations Urssaf, des impôts ou de la facture d’énergie, sont « des mesurettes », « on étale la misère mais elle est toujours là », estime-t-il.
Plusieurs boulangers, interrogés par l’AFP, s’attendent à des factures multipliées au moins par deux à partir de janvier, et ne pourront pas répercuter ce surcoût sur leurs prix de vente.
Certains, qui prévoient de manifester le 23 janvier à Paris, demandent que la France sorte du marché européen de l’énergie et découple le prix de l’électricité de celui du gaz, comme au Portugal et en Espagne.
Faut-il changer de contrat ou de fournisseur ?
Des professionnels, très petites ou moyennes entreprises, utilisant l’électricité avec une puissance inférieure à 36 kVA, ont droit au tarif électrique réglementé. A condition de réaliser moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, avec moins de 10 salariés.
Ils peuvent donc changer de contrat et souscrire au tarif réglementé (qui augmentera de 15% au 1er février). Mais en vérifiant les frais de résiliation avec leur fournisseur actuel.
Ceux qui avaient souscrit un contrat à prix fixe restent protégés jusqu’à la fin de ce contrat, où ils seront censés faire jouer la concurrence.
En cas de hausse « prohibitive », les boulangers pourront résilier leur contrat sans frais, a annoncé mardi le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. « Une bonne initiative à condition qu’elle soit étendue à toutes les professions », a réagi M. Guilhard.
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