L’époque appartient aux apprentis sorciers. Les liquidités placées au centre de la table par les banques centrales qui acquièrent des tonneaux d’obligations, plus de 10 000 milliards de dollars en quelques mois pour les pays occidentaux, créent d’importantes perturbations.
Conséquence des achats collectifs lancés par des groupes d’Internautes, les cours de certaines actions ou de certains métaux peuvent être multipliés par cinquante ou cent en quelques heures avant de redescendre aussi vite qu’ils étaient montés. Le Bitcoin, une cryptomonnaie ou plutôt un cryptoactif, connaît un engouement au point que son cours est passé de 8 000 dollars en décembre à plus de 50 000 dollars au milieu du mois de février. Cette envolée rappelle celle qu’avaient connu les bulbes de tulipes aux Pays-Bas en 1636. En quelques mois, le cours de la promesse de vente pour un bulbe de tulipe fut multiplié par plus de 100. Il représentait, avant l’éclatement de la bulle au mois de février 1637, quinze fois le salaire annuel d’un artisan spécialisé, ou l’équivalent de cinq hectares de terre. Un bulbe de tulipe a l’avantage d’être potentiellement porteur d’une fleur à la différence du bitcoin qui ne génère aucun fruit si ce n’est l’espérance d’une plus-value hypothétique. Le cours de la cryptomonnaie a été dopé par la décision d’Elon Musk, le PDG de Tesla, d’en acheter pour 1,5 milliard de dollars et par son acceptation en tant que moyens de paiement par plusieurs plateformes de vente en ligne.
La révolution du bitcoin est un mirage
Cette frénésie spéculative se nourrit de la crainte d’une vague inflationniste et d’une dépréciation du dollar en raison de la progression de l’endettement. Les thuriféraires des cryptomonnaies parient sur une grande disruption se traduisant par la fin des monnaies des États-nations. La perte de valeur de ces dernières conduirait immanquablement les citoyens à privilégier les nouvelles monnaies digitales. La révolution attendue est un mirage. La monnaie repose sur la confiance et est émise dans un cadre régulé. Si au cours de l’histoire, elle est devenue l’élément clef des échanges, c’est qu’elle permet de réaliser des comparaisons des valeurs fiables dans le temps et l’espace. Le bitcoin n’est pas, pour le moment, un étalon monétaire, son cours pouvant varier en quelques semaines du simple au double. Qui souhaite en permanence réviser sa grille de prix en fonction du cours de la monnaie ? Pour la même raison, le bitcoin n’est pas, une devise de réserve. Quand son cours monte, nul n’a envie de s’en dessaisir ; quand il baisse, c’est l’inverse. La transparence au niveau de la création ou de la gestion du bitcoin nuit à sa crédibilité.
Ses avocats mettent en avant le fait que la création monétaire réalisée par les banques centrales n’obéît plus à des critères fixés par avance ; si autrefois, elle dépendait, en partie de l’or possédée par les États, depuis l’instauration des changes flottants, elle dépend de l’offre et de la demande, des taux d’intérêt et de la croissance. En quoi, le système de minage du bitcoin qui consomme une quantité croissante d’énergie serait-il plus performant ? Est-il acceptable que par le jeu d’un algorithme, le volume de bitcoins soit plafonné, ce qui ne peut qu’alimenter une spéculation ?
Echapper aux lois nationales
Un des grands « avantages » des cryptomonnaies serait la possibilité d’échapper aux lois nationales. Elles sont ainsi prisées par les malfrats et terroristes en tout genre. Pour certains, elles offriraient la possibilité de contourner les embargos décidés par les États. Face à cette bitcoin-mania, les autorités monétaires et politiques estiment que le pouvoir de nuisance du Bitcoin est supportable dès lors qu’il ne menace pas les devises dont elles ont la responsabilité. Son usage reste limité et ses fluctuations ne concourent pas à asseoir son rôle de devise de substitution. Il est l’or des temps nouveaux, une valeur refuge virtuel pour geek. Si son usage venait à s’accroître il est fort à parier que les banques centrales siffleraient la fin de partie en rappelant que seule leur monnaie a cours légal.
L’interdiction des échanges en bitcoins ou de la cotation du bitcoin mettrait un terme à l’expérience. L’autre voie possible qui est étudiée est l’instauration d’une monnaie digitale de banque centrale. En parallèle ou en remplacement des monnaies actuelles, les banques centrales pourraient elles-mêmes créer une monnaie virtuelle afin de faire entendre raison aux apprentis sorciers monétaires.
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