Alors que la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) se clôturait jeudi (30 juin), les principaux acteurs et observateurs de la politique de défense européenne prennent acte des avancées majeures effectuées en la matière, notamment dans le contexte de la guerre en Ukraine.
Lorsqu’il fut élu pour la première fois en 2017, Emmanuel Macron avait fait de son engagement européen le fer de lance de sa campagne électorale d’abord, et de son rôle de président ensuite.
Dans son discours de la Sorbonne sur « la refondation d’une Europe souveraine », quelques mois après sa première élection comme chef de l’État, en septembre 2017, Emmanuel Macron avait tracé les contours de ce que devait être, selon lui, l’ambition européenne : « notre objectif, doit être la capacité d’action autonome de l’Europe, en complément de l’OTAN ».
Le président français appelait alors de ses vœux à « une coopération structurée permanente, permettant de prendre des engagements accrus, d’avancer ensemble et de mieux nous coordonner » ainsi que la création d’un « Fonds européen de défense » visant à financer « les capacités et la recherche ».
La présidence française comme accélérateur
C’est donc dans l’optique d’un renforcement de la construction européenne qu’Emmanuel Macron a utilisé la présidence française du Conseil de l’Union européenne comme levier pour faire avancer ce projet, qui plus est dans le contexte de la guerre en Ukraine.
Et ce, alors même que certaines capitales européennes étaient réticentes à cette idée — comme Berlin : « c’était tabou », résume Cécilia Vidotto-Labastie, spécialiste des questions de défense et chercheuse à l’Institut Montaigne.
Selon elle, l’UE a pu bénéficier du dynamisme de la présidence française de l’UE pour « définir elle-même la défense européenne », alors que, il y a encore quelques mois, en parler était encore impensable.
En revanche, aussi bien dans le cadre de la présidence française qu’auparavant, « la France a été force de proposition sur les questions de défense, pour lesquelles elle a une vision à long terme », estime Mme Vidotto-Labastie.
La mise en place d’une défense européenne apparaît comme étant un travail qui ne peut se faire que sur le temps long. Selon Mme Vidotto-Labastie, la PFUE « ne va pas révolutionner une politique du jour au lendemain », mais elle a plutôt été un « accélérateur ».
L’Ukraine a éveillé les consciences européennes
Mais sans la crise ukrainienne, les évolutions n’auraient certainement pas été aussi rapides.
La guerre a permis à l’UE, sous présidence française, de faire des avancées dans le domaine de la défense, selon l’analyse d’un diplomate européen proche de ces questions, contacté par EURACTIV. Selon lui, les livraisons d’armes à l’Ukraine ont été un « élément symbolique fort », qui a révélé une « prise de conscience » européenne.
Une prise de conscience « collective », qui s’est manifestée lors du « sommet de Versailles, […] dans une situation géopolitique sans précédent ayant amené l’UE à activer une véritable politique de défense » a-t-il expliqué. L’UE va désormais « dépenser mieux » au lieu de « dépenser plus », résume-t-il.
Certains pays ont pris la décision d’augmenter leur budget militaire pour atteindre l’impératif de 2 % du PIB demandé par l’OTAN comme la Belgique, la Suède ou l’Allemagne qui est passée à 200 milliards d’euros par an.
Pour « mieux dépenser », la Commission européenne a proposé la création d’un Fonds européen de la défense doté de 7,9 milliards d’euros pour la période 2021-2027, qui devrait permettre de répondre aux défis posés par la dispersion et la multiplication des efforts en matière de défense entre les États membres.
Selon le même diplomate européen, les livraisons d’armement à l’Ukraine par les pays de l’UE permettraient de mettre en actes la coopération industrielle européenne et de jeter les bases d’une industrie européenne concertée. Les stocks d’armements européens devront être reconstitués et ce « avec des achats réalisés à l’échelle européenne ».
L’Élysée, sollicité par EURACTIV, partage cette ligne : « l’enjeu est de renforcer l’industrie européenne de défense pour reconstituer les stocks et moderniser le matériel ».
Pas de concurrence à l’OTAN… et pas d’armée européenne
Chercheurs comme diplomates européens sont de l’avis que la construction d’une sécurité européenne ne peut se faire sans l’OTAN et qu’une telle entreprise ne peut avoir pour vocation de remplacer l’Alliance atlantique par une « armée européenne » indépendante.
Un autre diplomate européen tient à rassurer sur ce point : « il n’y a pas de volonté de créer une armée européenne qui ferait de l’ombre à l’OTAN ». Et c’est bien ce que précise la Boussole stratégique, le document adopté en 2022 du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) qui fixe les ambitions de défense et de sécurité de l’UE à l’horizon 2030.
« Une Union plus forte et plus capable dans le domaine de la sécurité et de la défense (…) est complémentaire à l’OTAN, qui reste le fondement de la défense collective pour ses membres », peut-on lire dans le document.
« L’Union européenne, aujourd’hui plus que jamais, est un acteur majeur pour les questions de défense », a conclu Mme Vidotto-Labastie. Selon elle, loin d’être en état de « mort cérébrale » — comme l’avait déclaré le président Macron en décembre 2021 —, l’Alliance est aujourd’hui « plus européenne que jamais », notamment avec les entrées prochaines de la Suède et de la Finlande dans l’OTAN.
Ainsi, l’Europe de la défense est perçue, y compris par la présidence française de l’UE, comme un « complément à l’OTAN », selon la même source diplomatique, qui juge nécessaire de renforcer l’UE pour renforcer l’Alliance.
Ces propos font écho à l’intervention de la ministre des Affaires étrangères française, Catherine Colonna, qui, lors du sommet de l’OTAN de mercredi (29 juin), a mis l’accent, comme ses homologues de l’Union, sur « l’interopérabilité, la complémentarité et la non-répétition » entre les armées de l’alliance, dont la majorité sont européennes.
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