En 2024, la dette publique française a dépassé 3 300 milliards d’euros, et le déficit public a atteint 6 % du PIB. À défaut de pouvoir réaliser des économies, les gouvernements, qui se succèdent à un rythme effréné depuis le début de l’année dernière, cherchent désespérément de nouvelles ressources fiscales. Les « très riches », les entreprises, les épargnants, et les propriétaires immobiliers ont été particulièrement visés lors de la discussion du projet de loi de finances sous le gouvernement de Michel Barnier.
En ce milieu de mois de janvier, c’est au tour des retraités d’être mis sur le gril fiscal. D’abord par le président du Medef, puis par la ministre du Travail. Dans une interview accordée au quotidien Les Échos, le ministre de l’Économie a rapidement rejeté toute idée de majoration des prélèvements sur les retraités qui, il ne faut pas l’oublier, sont des électeurs assidus. Par nature, toute augmentation des impôts est impopulaire. Comme au jeu du mistigri, chacun se demande qui héritera de la dernière carte et sera le perdant.
En effet, nul n’est prêt à consentir un effort supplémentaire, surtout en période de faible progression des revenus. Il en est de même pour les économies : tous les postes de dépenses sont jugés prioritaires, qu’il s’agisse de la sécurité, de la défense, de la justice, de l’éducation, du sport, de la santé, du logement, etc. Bien souvent, à défaut de pouvoir trancher dans le vif, les gouvernements se limitent à des mesures symboliques ou tentent de gagner du temps. C’est ainsi que la grande réformes de la dépendance attendue depuis une quinzaine d’années, reste toujours en suspens.
La retraite est responsable de la moitié de la progression de la dette publique entre 2017 et 2024.
Si les retraités échappent en 2025 à une augmentation de leurs prélèvements, ils seront probablement à nouveau dans le collimateur des pouvoirs publics dans les années à venir. Avec le départ des générations du baby-boom des années 1960, le nombre de retraités continuera d’augmenter rapidement, passant de 17 à 23 millions d’ici 2070. Pour mémoire, ce nombre était de 5 millions en 1980. La retraite est le premier poste de dépenses de la protection sociale en France, représentant plus de 45 % de ces dernières. Avec la santé, elle est responsable de la moitié de la progression de la dette publique entre 2017 et 2024.
De nature assurantielle, le système de retraite par répartition se doit d’être à l’équilibre, les cotisations devant financer les prestations. Or, en l’état, le système est déficitaire, avec un trou estimé entre une dizaine et une quarantaine de milliards d’euros, selon le périmètre retenu. Dans les statistiques officielles, seuls les régimes privés de retraite sont comptabilisés. Ceux dépendant de la sphère publique se finançant grâce à l’impôt échappent ainsi à la logique assurantielle.
Le choix d’un système par points pour la retraite a été adopté par de nombreux pays.
L’instauration d’un système par points aurait permis, sans nul doute, d’identifier plus nettement le coût des retraites et de prendre les mesures correctives nécessaires.
Le choix d’un système par points pour la retraite a été adopté par de nombreux pays, dont l’Allemagne, la Suède et l’Italie. La France possède déjà un grand régime par points, l’AGIRC-ARRCO, qui gère les retraites complémentaires des salariés du privé. Ce régime, qui est à l’équilibre, dispose d’une réserve de plus de 60 milliards d’euros, un temps convoitée par l’État. Géré par les partenaires sociaux, ce régime pourrait servir de modèle pour un futur régime global.
En l’absence de réformes structurelles, le risque pour les retraités, actuels et futurs, est celui d’une érosion progressive des pensions. La revalorisation exceptionnelle de 2,2 % en janvier 2025 n’a certainement pas vocation à se reproduire fréquemment. Entre 2017 et 2023, le niveau de vie des retraités a diminué. Bien qu’il reste supérieur à celui de l’ensemble de la population, l’écart tend à se réduire, passant en cinq ans de 5 % à 2 %.
D’ici quelques années, selon le Conseil d’orientation des retraites, les retraités passeront en-dessous de la moyenne nationale en termes de niveau de vie. Au-delà des questions d’indexation, cette évolution est la conséquence des réformes adoptées depuis trente ans.
Avec un coût du travail et un niveau de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés de l’OCDE, la France dispose de marges de manœuvre très limitées. Par ailleurs, l’augmentation des dépenses de santé, liée au vieillissement démographique, aggrave encore la situation. L’idée d’affecter les cotisations chômage à la retraite ou à la santé reste illusoire, avec un taux de chômage stagnant autour de 7,5 %.
La France a perdu beaucoup de temps dans le développement des systèmes de retraite par capitalisation.
La croissance économique pourrait représenter une solution pour surmonter les contraintes de financement, mais celle-ci demeure faible. La faible progression de la population active et la disparition des gains de productivité en sont les principales causes. Certes, l’Espagne démontre qu’une croissance proche de 3 % reste possible. Pour cela, davantage d’investissements, de recherche et de travail seront nécessaires. Les pouvoirs publics ne pourront pas tout assumer dans les décennies à venir. La logique d’une couverture assurantielle représente toujours une solution d’avenir. La France a perdu beaucoup de temps dans le développement des systèmes de retraite par capitalisation.
Dans les pays de l’OCDE, ces derniers représentent 15 % des revenus des retraités, contre moins de 3 % en France. Bien que la capitalisation n’ait pas vocation à se substituer à la répartition, elle pourrait offrir un complément utile en termes de revenus et de capital. Le tout en permettant aux assurés de bénéficier des retombées de l’économie mondiale.
L’amélioration de la diffusion des produits d’épargne retraite au sein des PME et auprès des actifs modestes constitue un défi majeur. Des pistes pourraient inclure la mise en place d’accords de branche ou l’instauration d’un crédit d’impôt.
En matière de dépendance, une obligation assurantielle pour les retraités pourrait être envisagée, avec une aide pour les ménages les plus modestes. Une mutualisation de ces efforts permettrait de limiter le coût individuel de la couverture, tout en proposant des offres adaptées aux besoins spécifiques de chaque profil.
Pour éviter un grand déséquilibre des finances publiques, des solutions courageuses et disruptives seront indispensables. Les périodes de crise sont souvent propices au bouleversement des lignes. Espérons que, dans les prochains mois, ces lignes soient enfin déplacées.
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