Tous les partis candidats aux législatives promettent des rabais sur les factures d’énergie des Français. La plupart des mesures envisagées sont compatibles avec le droit européen, mais sous certaines conditions.
Au 1er juillet, la facture de gaz des ménages français devrait augmenter en moyenne d’un peu plus de 11 %. Une mauvaise nouvelle qui tombe en pleine campagne des législatives anticipées, consécutives de la dissolution de l’Assemblée nationale provoquée par Emmanuel Macron, et qui n’a pas manqué d’interpeller les candidats.
Le programme commun de la gauche et de l’extrême gauche réunies au sein du Front populaire, et celui de l’extrême droite, unie derrière le Rassemblement national (RN), proposent tous deux de prendre des mesures pour combattre la hausse des prix, dans une période où l’inflation reste importante et durant laquelle le pouvoir d’achat est redevenu la principale préoccupation des Français.
Certaines mesures proposées par les candidats se heurtent toutefois au droit européen et au droit français.
Le RN veut baisser la TVA
En cas de majorité à l’Assemblée nationale, le RN promet d’abaisser de 20 % à 5,5 % la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les carburants, l’énergie, l’électricité, le gaz et le fioul.
Selon la directive européenne sur la TVA, abaisser la taxe sur l’électricité et les énergies bas carbone ne pose pas de problème, jusqu’à un minimum de 5 %.
Pour acter cette baisse, « il faudra la faire voter par une loi de finance, afin de modifier le code général des impôts », précise pour Euractiv Maître Matthieu Toret, avocat spécialiste de la fiscalité énergétique au cabinet Enerlex.
S’il est désigné Premier ministre, Jordan Bardella devrait donc solliciter le président de la République pour tenir une assemblée parlementaire exceptionnelle durant l’été, afin de faire voter un projet de loi de finance rectificatif.
En revanche, abaisser la taxe sur le carburant en dessous de 15 % est interdit par la même directive. En 2022, les États membres de l’UE ont même expressément rejeté la possibilité de réduire le taux ou d’exonérer de TVA les carburants et autres produits ayant des effets néfastes sur l’environnement.
Il faudrait donc négocier avec la Commission européenne, ce que Jordan Bardella s’engage à faire, soit pour demander une dérogation temporaire et circonstanciée au droit communautaire, comme celle qu’avait obtenu la Pologne en février 2022, soit une modification de la directive, ce qui prendrait plusieurs années. À défaut, d’agir illégalement et s’exposer à une amende.
Le « Front populaire » veut bloquer les prix
Pour faire baisser les factures, le Front populaire prévoit plutôt de bloquer les prix de l’énergie et des carburants. En somme, d’acter le retour du bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement au plus fort de la crise énergétique entre fin 2021 et début 2023.
En droit français, un blocage des prix ne peut être que de six mois renouvelable et être circonstancié : situations « exceptionnelle », de « crise » , ou « manifestement anormale du marché ».
Pour le professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay, Jean-Paul Markus, « l’inflation généralisée actuelle ne répond pas à ces critères », écrit-il sur le site internet de vérification juridique Les surligneurs.
Hadrien Clouet, député sortant LFI chargé des questions « énergie », fait le pari inverse. « Je n’imagine pas le conseil d’Etat [cour suprême en droit public, NDLR] estimer que le pays n’est pas en crise, quand les gens ont des difficultés pour se chauffer », explique-t-il à Euractiv.
Jean-Paul Markus estime cependant qu’il ne serait pas totalement impossible de recourir au blocage des prix. Faut-il encore que celui-ci ne contrevienne pas au droit européen de la concurrence, c’est-à-dire « ne pénalise pas trop les importations des autres États membres », note-t-il.
L’autre mesure préconisée par le Front populaire, comme d’ailleurs par le RN, vise à « abolir la taxe Macron de 10 % sur les factures d’énergie », c’est-à-dire le rehaussement du montant de l’accise sur l’électricité (CSPE), actée par le gouvernement en janvier, précise Hadrien Clouet.
Au plus fort de la crise, la CSPE avait été abaissée à son niveau le plus bas autorisé par le droit européen (1 euro par mégawattheures, MWh), avant d’être rehaussé (21 euros / MWh) près de son taux normal en janvier, entraînant une hausse de la facture d’électricité d’environ 10 %. Abaisser la CSPE n’est pas interdit par le droit européen.
D’une façon générale, les mesures préconisées par le RN et le Front populaire « semblent juridiquement faisables, mais pas dans la minute », précise Maître Matthieu Toret. Les deux blocs semblent pourtant vouloir agir dans l’urgence.
La majorité fait sienne la mécanique du marché
De son côté, le camp du président de la République s’appuie sur la mécanique du marché européen de l’électricité. Le Premier ministre Gabriel Attal parie ainsi sur une diminution des factures d’électricité de 10 % à 15 % « dès l’hiver prochain », malgré le retour vers la normale du niveau des taxes comme la CSPE, en raison de l’accalmie des prix sur le marché de gros de l’électricité européen.
Cette baisse des prix promise par la majorité ne nécessite aucune intervention juridique ou administrative puisqu’elle résulte de l’évolution du marché. « Les prix de l’électricité ont baissé et donc, mécaniquement, les tarifs payés par les consommateurs vont aussi baisser », explique Nicolas Goldberg, responsable du pôle énergie au sein du think tank progressiste Terra Nova, sur TF1 lundi (16 juin).
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