L’économie n’est pas soluble dans le social

La forte tension sociale en France a aussi des causes économiques : le coût croissant du logement, la faiblesse de la mobilité sociale, la dégradation de la structure des emplois, ainsi que la pression sur les systèmes de protection sociale due au vieillissement démographique. Ces tensions ne doivent cependant pas faire oublier que, en réalité, la situation économique de la France s’améliore.

Le maintien de tensions sociales et d’un climat de défiance

La France se caractérise par le maintien d’un fort niveau de tension sociale. La réforme des retraites contestée par une part importante de la population en est une des manifestations. Un des éléments clefs du malaise français provient des difficultés que rencontre la population pour se loger au sein des grandes agglomérations. L’augmentation des prix de l’immobilier favorisé par la baisse des taux d’intérêt s’explique également par le manque de logements. Depuis deux ans, le nombre de logements construits baisse. L’insuffisance de foncier constructible, la multiplication des contentieux sur les permis de construire, les règles d’urbanisme très contraignantes sont autant d’éléments qui pèsent sur la construction.

D’un côté la population française augmente et se concentre, de l’autre côté les villes avec le soutien des électeurs refusent les immeubles de grande hauteur et privilégient les espaces verts ou de loisirs. La conséquence est que depuis 1999, le ratio du prix des maisons par rapport au salaire nominal a augmenté de plus de 40 points.

Les transports constituent une autre source de tensions sociales. Avec la tertiarisation des activités, les emplois se sont concentrés au cœur des agglomérations quand la population est contrainte pour des raisons de coûts d’habiter en périphérie. Il en résulte un allongement des temps de transports. Les infrastructures n’ont pas suivi l’évolution de la population d’où un engorgement des routes et des transports publics. Le budget transport tend à augmenter surtout pour les habitants des périphéries éloignées du cœur des agglomérations.

Depuis la fin des années 80, la mobilité sociale tend à se ralentir. Si près de 90% des candidats sont admis au bac, l’accès aux meilleurs établissements de l’enseignement supérieur reste réservé aux enfants des catégories les plus aisées. Certains établissements comme Sciences Po Paris ont créé des filières pour recruter au sein des établissements scolaires des zones d’éducation prioritaire mais cette pratique reste assez marginale. Le nombre de places dans les grandes écoles n’a pas augmenté à due concurrence de celui des bacheliers. Il en résulte une sélection plus forte. La réduction des effectifs industriels et des emplois dits intermédiaires complique l’ascension sociale. Dans les années 60 et 70, les salariés de l’industrie accédaient par leur travail et leurs compétences à des postes d’encadrement et de direction. La formation professionnelle est, par ailleurs, plus développée que dans les services où les entreprises sont de plus petite taille.

La mobilité sociale en panne

Moins de 10 % des enfants de parents agriculteurs ou ouvriers appartiennent à la catégorie des cadres ou des professions intellectuelles. En revanche, 50 % des enfants dont les parents sont cadres le deviennent également. En vingt ans, l’emploi industriel a diminué de 25 % quand celui dans les services domestiques a progressé de 20 %. Les emplois intermédiaires tendent à disparaître, Les emplois à faible salaire sont, en revanche, de plus en plus nombreux. L’écart de rémunération entre les salaires dans l’industrie et dans les services domestiques tend à s’accroître. En 2019, l’écart de rémunération était de 12 000 euros par an (salaire par tête dans l’industrie manufacturière de 41 0000 euros par an contre 29 000 euros dans les services domestiques) contre 7 000 euros par an en 1999 (salaire par tête dans l’industrie manufacturière de 25 0000 euros par an contre 18 000 euros dans les services domestiques).

L’augmentation de la précarité avec le développement des emplois en CDD, intérim, temps partiel ou sous la forme de mico-entreprise contribue à accroître les tensions sociales. L’absence de perspectives rend très sensible tout projet de réforme concernant la protection sociale. Lors de ces trente dernières années, les prestations sociales ont rempli un rôle d’amortisseur des crises. Elles ont permis le maintien du niveau de vie d’une partie de la population. Le vieillissement de la population constitue un défi collectif et une source de craintes majeures pour la population et source de tension entre générations.

La proportion des plus de 65 ans devrait passer de 16 % en 1999 à 27 % en 2040, le taux actuel étant de 20 %. Ce vieillissement occasionne une progression rapide des dépenses santé et de retraite qui ont atteint 20 % du PIB en 2019 contre 17 % en 1999.

Le système de retraite occupe une place très particulière en France. Il vise à assurer un niveau de vie décent aux anciens travailleurs mais il est aussi perçu comme un outil d’indemnisation des souffrances endurées durant la vie professionnelle. La sacralisation de la retraite rend, par ricochet, très difficile, toute réforme.

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