« Il y a quatre éléments, le feu, l’eau, la terre et l’air. L’amitié les rassemble, la haine les sépare». Empédocle se trompait, comme tout scientifique. Pour Thales, l’eau venait en premier. Pour Héraclite le feu. Pour Anaximène, l’air. L’amour et la haine, la vie, la mort. Chine, Inde, Hong Kong, Pakistan, Soudan, les inondations tuent. Les feux aussi en France, Grèce, Canada, Turquie. Les climatologues pointent le réchauffement climatique. La barre des 50 degrés déborde du Moyen-Orient, gagne la Turquie. Le Soleil Levant chauffe le Japon à 41°, son record. En Finlande le Cercle polaire tourne à 30°. Est-ce le signe que les milliards pour lutter contre le réchauffement sont plus que jamais urgents ? Ou que ce combat est vain? D’autres défis pressent. 184 pays négocient à Genève pour limiter la pollution plastique. Il n’y aurait pas un organisme vivant, sur terre, qui ne serait contaminé. Démocrite pensait que l’univers était composé d’atomes, les microplastiques sont des bombes atomiques. Le Cinquième Élément ne serait ni l’éther, ni le Christ, mais le plastique ? À voir. Il y a mieux.
Si vous aviez 50 000 milliards de dollars, à quoi les consacreriez-vous ?
1.000 milliards par an pour atteindre le « zéro plastique ». Une paille en regard des 9 000 milliards de dollars annuels pour atteindre les objectifs climatiques. Les dépenses militaires mondiales n’atteignent « que » 2 800 milliards de dollars. Si vous aviez 50 000 milliards de dollars d’ici 2030, à quoi les consacreriez-vous ? L’eau, la terre, l’énergie, l’air, le plastique, l’espace, la faim, la défense, l’IA ? Et si vous ne les aviez pas, comment les créer ? Ou faire sans ?
Ce qui protège la population aura la priorité. C’est pourquoi les forces armées reprennent du poids avec les risques de guerre. Les investissements contre les feux et les inondations suivront. 40 morts et disparus en Chine ? En 1931, les inondations avaient tué 4 millions de personnes. Sans compter les épidémies, famines, les crimes jusqu’au cannibalisme. Dans la seule nuit du 25 août, 200.000 personnes furent englouties après la rupture des digues de la rivière Huai. Ce qui compte, ce ne sont pas les dérèglements, mais les champs du possible, un univers en expansion de jour en jour.
En 1931, les inondations avaient tué 4 millions de personnes.
En Asie, les systèmes de prévention des feux utilisent des satellites pour la détection en temps réel des fumées. Télédétection et drones mesurent les niveaux des eaux souterraines en Indonésie, Malaisie, Philippines. La Corée anticipe les risques d’incendie avec drones et caméras de surveillance, dopés par l’IA.
Luxe de pays riches ? Le Vietnam a adopté le principe des « Quatre sur place » : « force sur place, équipement sur place, logistique sur place, commandement sur place ». L’action locale, immédiate, est la plus efficace. Comme toujours. Avec l’implication des communautés locales, la Namibie a réduit de 40% les incendies, la gestion des forêts et des pâturages a été monétisée. 95% des feux provenaient d’activités humaines. Le modèle a essaimé en Afrique australe. Au Costa Rica, agriculteurs et propriétaires sont payés pour protéger et reboiser la forêt. Le Costa Rica a doublé sa superficie forestière en trente ans. Malgré les feux, la France l’augmente de 80.000 hectares chaque année. Avec le principe du dépollueur-payé, celui du pollueur-payeur à l’envers. Le même mécanisme, au fond, que pour les crédits carbone.
Le moyen de créer 50.000 milliards de dollars ? De l’ingénierie financière, de l’horrible spéculation.
Le moyen de créer 50.000 milliards de dollars ? De l’ingénierie financière, de l’horrible spéculation : inventer de la monnaie, du crédit. Valoriser les puits de carbone, ceux de la forêt ou de la posidonie. Protéger se paie. Un organisme indépendant certifie que cette forêt, ce champ de posidonies, surveillé, entretenu, a stocké une certaine quantité de carbone. Chaque tonne de carbone stockée ou évitée est transformée en crédit carbone, matérialisé par un jeton numérique. Ce jeton, vendu sur un marché, constitue un actif, qui peut être apporté en garantie, etc. De même pour le plastique : la monétisation du plastique éviterait sa dispersion. Par exemple, la récupération du plastique pour en refaire du pétrole, lui apporte une valeur. Si chaque microplastique valait un gramme d’or, il n’y aurait plus de pollution. Spéculer sur des « bluecoins » ou les « greencoins » sauvera la planète plus sûrement que l’abstinence.
Les actifs écologiques représentent une « valeur carbone » qui, monétisée, alimente un circuit de financement « vert ». Ces valeurs ne sont pas assises que sur des certifications mais aussi sur des gains par rapport aux dommages, aux pénuries dues à la mauvaise gestion des eaux, aux économies d’énergie, aux diverses pollutions.
Nulle part en Europe, il ne devrait y avoir de pénurie d’eau.
Nulle part en Europe, il ne devrait y avoir de pénurie d’eau. Israël recycle 90% de ses eaux usées. L’Espagne, championne d’Europe, 14%. La France, 1%. Question de coût ? En Israël, le consommateur final paie 2,5 $ par m3. Au Danemark, 6 euros. En France, 4.5 ; Espagne, 2 ; Italie, moins d’un euro. Hors d’Europe, l’eau est à 1.3$ aux États-Unis, 0,6 au Canada, comme en Australie, 0,8. Le prix n’a rien à voir avec l’abondance ou la sécheresse, tout avec les subventions, les investissements, la gestion. L’IA simplifiera tout cela.
Un baril d’eau du robinet coûte au maximum 1€ (Danemark). Un baril d’eau en bouteille (plastique) revient à 80€. Le baril de pétrole est à 65$. Le cinquième élément, c’est celui de la transfiguration monétaire, magie de l’économie financière.
Revoilà le pétrole, puisque l’énergie est la grande question. Les expériences acquises montrent que ni le solaire, ni l’éolien, ne sont des substituts satisfaisants en l’absence de solutions de stockage. La géothermie, la maréthermie ouvrent des perspectives extraordinaires mais lointaines. Au-delà du changement climatique, l’Europe a intérêt à investir dans cette économie verte -et bleue- puisqu’elle importe presque toute son énergie, sauf celle d’origine nucléaire.
50.000 milliards de dollars pour stabiliser le réchauffement climatique. 15.000 milliards pour atteindre l’objectif de zéro plastique. 2500 milliards pour permettre un accès à l’eau potable aux 700 millions de personnes qui en manquent[1]. Sans parler de la faim, l’éducation, la santé, l’éducation, etc.
[1] Selon l’ONU . La banque mondiale double ce montant.
Le cinquième élément, c’est celui de la transfiguration monétaire. L’économie réelle naît de l’immatériel.
Apparaît ce miracle, la création de valeur à partir de la valorisation volontaire, un autre regard. Qu’est qu’un bitcoin ? Rien, moins qu’une tulipe. Ou 100.000 euros. Qu’est-ce qu’un crédit carbone ? Plus qu’un bitcoin puisqu’il s’appuie sur quelque chose de mesurable : de l’énergie ou du déchet. Le Cinquième élément, c’est l’invention de nouvelles monnaies.
Il se passe quelque chose dans la conception même du réel et de la matière. L’économie réelle naît de l’immatériel. Dénoncer « l’économie financière » est un présupposé d’ignorance. Sans création financière, pas d’eau, ni de logiciels, ni de livres. La connaissance, l’intelligence, le savoir, sont le pétrole et le blé d’hier. La civilisation matérielle devient immatérielle, et cette révolution, comme les autres, inventera de nouvelles monnaies. Si la matière telle qu’on la conçoit ne représente que 5% de la matière totale de l’univers, que sait la science? Le rationnement énergétique, le gaspillage des ressources, la fatalité du climat, tout cela touche à sa fin. Barrières mentales et physiques implosent.
Peut-être est-ce illusion naïve de croire dans le génie humain, la créativité, l’ingéniosité illimitée, au moins cela offre une chance. L’inverse obligerait à la sainteté, plutôt aux luttes sans pitié pour les ressources rares. Au contraire l’intelligence abonde, comme chacun le sait. « Il y a quatre éléments. L’amitié les rassemble ou la haine les sépare. » Heureusement il y en a cinq. Et ce Cinquième un multiple de multiplicateurs.
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app bancaire des Français de l’étranger France Pay.
Auteur/Autrice
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Député de Paris de 1993 à 2002, Ambassadeur au Honduras de 2007 à 2010, puis au Conseil de l'Europe de 2010 à 2013, il a fondé le media lesfrancais.press dont il est le Président.
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