Le travail, la valeur capitale

<strong>Le travail, la valeur capitale</strong>

En France, la liste des complaintes et des récriminations est infinie : bâtiments publics délabrés, universités vétustes, mobiliers publics d’un autre âge, centrales nucléaires obsolètes, équipements sportifs et centres de loisirs désuets ou absents, hôpitaux sous équipés, déserts médicaux, armée en mal d’équipements et de munitions, etc. Les besoins en financement public apparaissent d’autant plus incommensurables que la transition énergétique à réaliser d’ici le milieu du siècle suppose des milliers de milliards d’euros d’investissements. 

Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, le problème numéro 1 n’est pas financier. Entre les plans de relance français et européens, l’argent ne manque pas. Certes, ce dernier prend avant tout la forme d’emprunts dont les coûts grèvent les finances publiques. Il n’en demeure pas moins que la France est le pays de la zone euro qui consacre la part la plus importante de son PIB aux dépenses publiques et aux prélèvements obligatoires. 

À la différence de l’Italie, pays également surendetté, la France cumule depuis vingt ans des déficits commerciaux de plus en plus élevés. Au mois de septembre, en rythme annuel, le déficit commercial a atteint près de 160 milliards d’euros, un record historique, produit de la hausse de la facture énergétique et surtout de la faiblesse de l’industrie.

Le problème de la France est un déficit criant de travail 

Si à la différence de notre voisin transalpin, la France n’est pas soumise à la suspicion des investisseurs, elle le doit à de meilleures projections démographiques. Mais, celles-ci ne sauraient faire illusion indéfiniment. Le problème de la France est un déficit criant de travail qui s’accroît depuis l’épidémie de covid. 

Selon l’OCDE, le volume global d’heures travaillées en Italie est de 10 % supérieur à celui de la France, de 15 % en Allemagne et de près de 20 % au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Ce mauvais résultat est la conséquence d’un faible taux d’emploi et d’un nombre limité d’heures de travail par actif. 

Ce manque de travail entrave la croissance, empêche la modernisation du pays, freine la production de biens et de services, réduit le montant des recettes publiques. Il alimente les déficits publics et commerciaux ainsi que les dettes. D’autant que la France cumule des problèmes d’intégration professionnelle des jeunes et des départs précoces à la retraite. 

Ce manque de travail précipite l’économie française dans une spirale du déclin qui commence à se matérialiser avec la désorganisation des transports publics dans les grandes agglomérations, en particulier à Paris, du fait d’un nombre insuffisant de conducteurs. Elle est également manifeste dans les hôpitaux.

Les pénuries de main-d’œuvre ne peuvent que se multiplier 

Avec 800 000 départs à la retraite par an qui, dans les prochaines années, ne seront pas compensés par l’arrivée de jeunes actifs, les pénuries de main-d’œuvre ne peuvent que se multiplier. L’industrie ne trouve déjà pas d’ingénieurs et de techniciens en nombre suffisant ; les jeunes ne se précipitent pas pour être professeurs ou infirmiers, ni pour travailler dans l’hébergement ou la restauration. 

Pour construire les champs d’éoliennes, les centrales nucléaires, réhabiliter des millions de logements, pour fabriquer des batteries, et les armes nécessaires à notre défense, pour épauler les personnes dépendantes, des centaines de milliers d’emplois sont à créer supposant au préalable un effort de formation. 

Le déficit de travail sera résolu en augmentant le taux d’emploi et le volume de travail par actif mais cela ne suffira certainement pas au regard des besoins de main-d’œuvre.

Immigration et gains de productivité 

Pour accroître la population active, l’autre voie est le recours à la main d’œuvre étrangère, voie dans laquelle de nombreux autres pays européens se sont déjà engagés, à commencer par l’Allemagne. 

Si les investisseurs se méfient de l’Italie, c’est en raison de son vieillissement accéléré et de son refus d’accueillir des travailleurs étrangers. 

L’autre solution qui n’est pas exclusive des deux précédentes est l’obtention de gains de productivité. Produire plus et mieux avec la même quantité de travail et de capital est un des fondements de la croissance contemporaine. L’Europe semble rejeter ce modèle. La science fait l’objet d’une défiance quand la décroissance est parée de vertus qu’elle ne possède pas. La frugalité, l’attrition, sont une source sans fond de tensions, de ressentiments. Elles sont des facteurs de fragmentation de la société et de repli stérile.

Valorisation de la recherche, diffusion des innovations 

La bataille contre le réchauffement climatique, l’accompagnement du vieillissement démographique passent par une valorisation de la recherche, par la diffusion des innovations et par une rationalisation des processus de production. 

Un nouvel élan tel que l’Occident l’a connu après 1945 est nécessaire en associant liberté d’initiative et coordination internationale. Les oligopoles, les rentes, sont des facteurs de déclin quand, au contraire, la concurrence est la clef de voûte du progrès. Face au défi climatique, à ceux du vieillissement et de l’endettement qui sont mondiaux, la communauté des nations manque cruellement de coopération. 

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