La France a bénéficié d’un bel été indien économique grâce aux touristes venus en nombre, notamment dans le cadre de la Fashion Week et la coupe du monde de rugby a attiré de nombreux supporters en provenance des quatre coins de la planète.
Les dépenses des touristes étrangers (hébergement restauration, loisirs, produits de luxe) ainsi que les ventes de navires de croisières et d’avions contribuent à limiter le déficit de la balance des paiements courants de la France.
Les principales agglomérations françaises vivent au rythme du tourisme et des loisirs. La présence d’un musée est un gage d’attractivité comme l’ont prouvé, ces dernières années, Lens et Metz qui disposent d’antennes du Louvre et de Beaubourg. Que ce soit à Lille, Bordeaux, Nantes, Nancy ou Dijon, les commerces de centre-ville dépendent d’une clientèle de passage.
La croissance de la France est deux fois supérieure à celle de l’Allemagne grâce au tourisme
Le tourisme d’affaires est une activité essentielle pour des villes comme Paris, Lyon ou Nice. Les vieilles pierres, la gastronomie, les grands crus, les grands peintres attirent un nombre croissant de personnes.
Si depuis la fin de l’épidémie de covid, la croissance de la France est deux fois supérieure à celle de l’Allemagne, c’est en grande partie grâce au tourisme.
La spécialisation touristique n’est pourtant pas totalement assumée ; elle est subie plus que louée. Cette activité est perçue parfois comme une nuisance. Certains rêvent de s’en passer quand d’autres veulent la limiter. La réalisation en cours du CDG Express devant relier l’aéroport Roissy Charles de Gaulle au centre de Paris en est l’une des manifestations. Elle a été contestée car elle est accusée d’améliorer les trajets des voyageurs au long cours et non ceux des banlieusards. Les opposants à ce projet semblent ignorer que, par leurs dépenses, les touristes contribuent à la création d’emplois qui profitent à tous les habitants de la région parisienne.
La France, le premier pays pour le nombre de touristes étrangers, est devancée par l’Espagne et les États-Unis au niveau des recettes
Si la France est le premier pays d’accueil au monde pour le nombre de touristes étrangers, plus de 90 millions, elle est devancée par l’Espagne et les États-Unis au niveau des recettes. La quantité semble l’emporter sur la qualité. Le secteur souffre d’un déficit de main-d’œuvre, en particulier de personnel qualifié. Les jeunes dédaignent cette activité jugée peu valorisante, aux horaires décalés et offrant de faibles rémunérations.
Le surtourisme est une réalité : des villes comme Venise, Barcelone, Saint-Jean-de-Luz ou des lieux typiques comme l’Île de Ré, les calanques de Marseille ou les aiguilles de Bavella en Corse, en font l’expérience. La concentration sur certains territoires d’un grand nombre de touristes crée d’évidentes nuisances environnementales et génère des effets pervers, en particulier, au niveau de l’immobilier. La flore et la biodiversité sont mises à rude épreuve, nuisant à terme à l’attractivité même de ces sites touristiques sur-fréquentés.
Dans les villes, les commerces traditionnels sont remplacés par des échoppes de souvenirs kitsch, ainsi que par des bars, des restaurants et des hôtels.
700 000 logements en France sur des sites comme Airbnb
Les populations locales sont ainsi privées de l’accès aux services du quotidien. Elles éprouvent de plus en plus de difficultés à résider sur place. Un nombre croissant de logements sont disponibles sur les plateformes de location saisonnière. Plus de 700 000 logements en France sont sur des sites comme Airbnb. En Corse, 20 % des logements feraient l’objet de locations saisonnières. En quelques semaines, les propriétaires peuvent gagner bien plus et avec moins de contraintes réglementaires ou fiscales qu’en louant leur logement sur l’année à des résidents.
Un effet d’éviction s’est ainsi instauré obligeant les locaux à habiter de plus en plus loin du cœur des agglomérations. Les pouvoirs publics rechignent à légiférer pour restreindre ces locations saisonnières, par peur de la réaction des nombreux ménages se constituant ainsi d’avantageux suppléments de revenus.
Une meilleure valorisation
Une régulation de l’activité touristique sera pourtant nécessaire afin de garantir sa soutenabilité et sa pérennité. Mais au-delà de l’étalement de la saison qui est une antienne, une réflexion doit être menée sur la gestion des flux de touristes et leur meilleure valorisation.
Avec le vieillissement de la population, avec une demande de loisirs plus large que dans le passé, l’offre se doit d’être élargie et améliorée dans de nombreuses cités sur le plan culturel. La montée en gamme de l’activité touristique, maintes fois réclamée par les professionnels, suppose une adaptation de l’offre et des infrastructures.
Un effort de formation est indispensable pour consolider le rang de la France en matière touristique. Les infrastructures, si elles sont nombreuses, doivent être néanmoins modernisées. L’amélioration des conditions de transport profitera à tous, touristes et résidents. Le tourisme est un atout pour l’économie française susceptible de contribuer à sa croissance dans les prochaines années sous réserve de ne pas le mépriser.
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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