À la tribune de l’ONU, Donald Trump a répété qu’à ses yeux le réchauffement climatique était « la plus grande arnaque jamais menée ». Au-delà de ces propos iconoclastes, il a engagé une offensive tous azimuts contre les énergies renouvelables. Dans son One Big Beautiful Bill Act (BBB), il a décidé de saper les incitations fiscales à l’éolien et au solaire. Déjà, plusieurs projets majeurs d’éolien offshore ont été annulés. Pourtant, cette année à Las Vegas, les 37 000 participants au salon RE+ (Renewable Energy Plus), le plus grand rassemblement professionnel nord-américain consacré aux énergies renouvelables et aux technologies associées, ont affiché un enthousiasme combatif. Dans son discours d’ouverture, Abigail Hopper, présidente de la Solar Energy Industries Association, organisatrice de l’événement, a reconnu que « les responsables politiques en place nous sont ouvertement hostiles », mais elle a assuré que si « le marché et les politiques publiques semblent en contradiction […] notre industrie ne reculera pas ».
La bataille entre le marché et la politique est engagée
À long terme, les gains spectaculaires d’efficacité du solaire et la chute continue de ses coûts pourraient assurer le succès de cette énergie indépendamment du contexte politique. Le court terme s’annonce également plus favorable qu’attendu. Les analystes prévoient en effet une forte hausse des investissements solaires aux États-Unis. Le cabinet Wood MacKenzie anticipe même un « Trump bump », une relance paradoxale. Brian Nelson, cadre du groupe européen ABB, qui investit 120 millions de dollars dans l’extension de deux usines américaines, affirme : « Nous anticipons une croissance continue du solaire. »
L’Agence internationale de l’énergie (EIA) a estimé qu’au premier semestre 2025, 12 gigawatts (GW) de capacités solaires ont été mis en service aux États-Unis ; 21 GW supplémentaires devraient l’être d’ici la fin de l’année. Dans son dernier rapport publié le 9 septembre, l’EIA prévoit une croissance de 2,3 % de la production électrique américaine en 2025, et de 3 % en 2026, le solaire représentant la majeure partie de cette progression. Deux facteurs expliquent ce regain d’investissement. D’abord, une course contre la montre : les producteurs d’énergie s’empressent d’installer les infrastructures avant l’expiration des crédits d’impôt. Ensuite, la demande reste soutenue. Chris Seiple, de Wood MacKenzie, estime que les compagnies américaines d’électricité ont 17 GW de projets en construction et se sont engagées pour 99 GW supplémentaires, soit l’équivalent de 16 % de la demande actuelle. La montée en puissance de l’intelligence artificielle et des centres de données accentue encore les besoins en électricité. Dans ce contexte, le solaire, couplé à d’imposantes batteries de stockage, apparaît comme la solution privilégiée. La construction de centrales nucléaires demeure lente et coûteuse, tandis que les centrales à gaz à cycle combiné nécessitent de longues années de développement. Quant au charbon, il reste cher et polluant. L’innovation accompagne par ailleurs l’essor des énergies renouvelables. Lors du salon RE+, le groupe AES a présenté Maximo, un robot dopé à l’intelligence artificielle, capable d’assister les équipes dans l’installation de panneaux solaires à grande échelle. Le 3 septembre, une flotte de Maximos a été déployée pour la création d’un parc solaire en Californie destiné à fournir plus de 1 GW d’électricité propre à Amazon.
Malgré un climat politique défavorable, l’industrie solaire américaine démontre une capacité de résilience remarquable. Les avancées technologiques, la dynamique des investissements et l’appétit insatiable de l’économie numérique pour l’électricité nourrissent une croissance que les décisions politiques, si hostiles soient-elles, semblent impuissantes à enrayer. La confrontation entre Washington DC et le marché pourrait, paradoxalement, accélérer encore la transition énergétique.
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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