Un cabinet d’avocats belge, une ONG basée en Belgique et une association de juges européens ont annoncé mercredi (1er mars) avoir envoyé une communication à la Cour pénale internationale (CPI) dans laquelle ils apportent des preuves de crimes contre l’humanité qui seraient commis par le régime du président turc Recep Tayyip Erdoğan depuis un coup d’État manqué en 2016.
Mercredi, le cabinet d’avocats belge Van Steenbrugge Advocaten (VSA), l’ONG Turkey Tribunal basée en Belgique et l’association Magistrats Européens pour la Démocratie et les Libertés (MEDEL) ont annoncé lors d’une conférence de presse à La Haye qu’ils avaient demandé à la CPI d’ouvrir une enquête sur la Turquie pour « crimes contre l’humanité », rapporte le média Turkish Minutes.
Selon les avocats, 200 000 personnes auraient disparu, été torturées ou incarcérées et condamnées sans procès équitable en Turquie. En outre, d’autres crimes répréhensibles auraient eu lieu en dehors de la Turquie.
Plus tôt, le Turkey Tribunal a mis en place un tribunal d’opinion pour juger les violations des droits de l’homme perpétrées par Ankara et, en 2021, le panel de juges a annoncé que les tortures et les enlèvements commis par des agents de l’État turc depuis juillet 2016 pouvaient constituer des crimes contre l’humanité dans le cadre d’une requête portée devant une juridiction internationale compétente en la matière.
Suite à cela, VSA, MEDEL et Turkey Tribunal ont envoyé une communication au Bureau du Procureur de la CPI, l’un des quatre organes de la Cour. Dans cette communication, ils exposent les crimes contre l’humanité qui auraient été et seraient toujours commis par le régime turc. Ils dévoilent notamment les témoignages de 1 300 victimes pour lesquelles la cour internationale pourrait engager des poursuites.
Les avocats affirment que le régime de M. Erdoğan a perpétré des attaques systématiques contre la population civile dans le but de promouvoir les politiques du gouvernement dirigé par son parti, le Parti de la justice et du développement (AKP). Ils affirment également que les preuves rassemblées témoignent d’un mépris délibéré des principes fondamentaux du droit international.
La demande d’ouverture d’enquête a été effectuée en vertu de l’article 15 du Statut de Rome. Le procureur, Karim A. A. Khan QC, doit maintenant décider si une enquête peut être ouverte sur base des preuves fournies.
Toutefois, comme le rappelle le Washington Post, le bureau du procureur reçoit chaque année des centaines de communications similaires venant des quatre coins du monde, et celles-ci aboutissent rarement à une enquête.
Johan Vande Lanotte, ancien ministre belge qui travaille actuellement pour le cabinet VSA, a confié à la VRT que la plainte ne précise pas qui est responsable des crimes. « En droit, c’est une question qui relève du procureur », a-t-il ajouté. Cela signifie que, techniquement, le président turc pourrait être tenu responsable des crimes dont est accusé le régime.
Ankara ne reconnaît pas la CPI
La Turquie n’est pas partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, elle ne reconnaît donc pas son autorité.
Le Statut est un traité international qui établit les crimes internationaux sur lesquels la Cour a un pouvoir juridictionnel. Il s’agit notamment des génocides, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des crimes d’agression s’ils sont commis sur le territoire d’un État partie ou par l’un de ses ressortissants.
Néanmoins, dans leur communication, VSA, Turkey Tribunal et MEDEL soulignent une décision de 2019 de la Chambre préliminaire III de la CPI autorisant une enquête sur le génocide présumé des Rohingyas — une minorité musulmane vivant au Myanmar — malgré le fait que le Myanmar ne soit pas partie au traité, et ce au motif que les Rohingyas déplacés se retrouvaient ensuite au Bangladesh, qui est quant à lui un État partie au statut.
La communication concernant la Turquie, qui aurait été envoyée il y a un mois, présente des preuves de crimes présumés commis par le régime turc dans 45 États parties au Statut de Rome. Il s’agit par exemple d’enlèvements en Albanie, en Bulgarie, en Moldavie et en Suisse et du retrait discriminatoire de passeports et de la non-délivrance de cartes d’identité dans 29 États dont l’Autriche, la Belgique, la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni.
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