Le renforcement du protectionnisme américain sous l’administration Trump pourrait porter un coup à la confiance des consommateurs de l’UE dans l’économie, et le taux de croissance de la zone euro — déjà faible — pourrait en pâtir, a averti la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, lundi 16 décembre.
La cheffe de la BCE a déclaré lors d’un discours prononcé à Vilnius, en Lituanie, que l’« inertie » des dépenses des ménages était principalement due à l’inflation élevée observée ces dernières années, qui a poussé les consommateurs à « adopter une approche prudente en matière de dépenses » en dépit de l’augmentation des salaires réels.
Alors que l’atténuation des pressions sur les prix entraînerait normalement une « dissipation »de cette prudence, la promesse de Donald Trump, qui réintègrera la Maison-Blanche en janvier, d’imposer des droits de douane élevés sur toutes les importations américaines pourrait renforcer le pessimisme des ménages européens et donc affaiblir davantage l’économie de la zone euro, a-t-elle noté.
« Ce pessimisme concernant les revenus réels est largement alimenté par l’inflation passée, et devrait donc en principe se dissiper au fur et à mesure que l’épisode de forte inflation s’éloigne […] Mais l’incertitude géopolitique croissante pourrait porter de nouveaux coups dans la confiance des ménages », a-t-elle expliqué.
« Si les États-Unis — notre principal marché d’exportation — prennent un virage protectionniste, la croissance de la zone euro risque d’en pâtir », a souligné la présidente.
De plus en plus d’Européens s’inquiètent des conséquences du retour de Donald Trump à la tête des États-Unis sur l’économie de la zone euro, déjà ébranlée par les faibles niveaux d’investissement, les prix élevés de l’énergie et la faiblesse de la demande intérieure et extérieure.
Donald Trump, qui a qualifié le terme « droit de douane » (tarif en anglais) de « plus beau mot du dictionnaire », s’est engagé à imposer des droits d’au moins 10 % sur toutes les importations américaines. Selon les estimations de la banque d’investissement Goldman Sachs, cela pourrait entraîner une baisse de 1 % du PIB de la zone euro.
Outre la baisse du niveau de confiance des consommateurs dans l’économie, les mesures proposées par le républicain affecteront directement les exportateurs européens, a prévenu Christine Lagarde.
Des perspectives économiques peu réjouissantes
Les remarques de Christine Lagarde font suite aux multiples révisions à la baisse des perspectives économiques de la zone euro que la BCE a effectuées au cours de l’année écoulée.
La semaine dernière, la BCE a ramené ses prévisions de croissance annuelle du PIB pour la zone euro à seulement 0,7 %, soit 0,1 point de pourcentage de moins que ses précédentes prévisions de septembre et 1,1 point de pourcentage de moins que ce qu’elle avait prévu en juin 2023.
Christine Lagarde a expliqué que la moitié des « erreurs » de la BCE dans ses récentes projections de croissance étaient dues à des taux d’investissement plus faibles que prévu, eux-mêmes causés par les effets plus importants que prévu de la politique monétaire restrictive de la BCE et des prix élevés de l’énergie.
Elle a également noté qu’un quart de ces erreurs résultaient des niveaux de consommation plus faibles que prévu, de nombreux ménages de l’UE gardant à l’esprit les fortes hausses de prix déclenchées par l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
« L’inertie de la consommation est frappante alors que les conditions d’une reprise sont réunies », a affirmé la présidente de la BCE, soulignant les niveaux d’emploi « historiquement élevés » et l’augmentation des salaires réels.
La politique monétaire à la rescousse ?
Toutefois, Christine Lagarde a laissé entendre que les taux de croissance de la zone euro seraient probablement stimulés par le fait que la BCE est entrée dans un processus qui implique une baisse des taux d’intérêt au cours des prochains mois.
La semaine dernière, la BCE a abaissé son taux d’intérêt directeur à 3 % : il s’agit de sa quatrième réduction de taux cette année. Certains analystes s’attendent à ce que les taux descendent jusqu’à 1,5 % d’ici la fin de l’année prochaine.
L’inflation globale dans la zone euro est actuellement de 2,3 % : bien en dessous du pic de 10,6 % atteint en octobre 2022, et à peine au-dessus du taux cible de 2 % de la BCE.
« Avec le processus de désinflation bien engagé et les risques de baisse de la croissance », le fait de devoir maintenir les taux « suffisamment restrictifs aussi longtemps que nécessaire » n’était « plus justifié », a-t-elle expliqué.
Christine Lagarde a également noté que les effets des politiques américaines sur l’inflation de la zone euro étaient « impossibles » à prévoir, en raison des « mesures de rétorsion » que l’UE pourrait prendre et des « fluctuations des taux de change et des prix des produits de base ».
« L’effet net de la fragmentation des échanges et des droits de douane sur l’inflation reste incertain, car il implique des hypothèses qu’il est impossible d’anticiper avec précision », a-t-elle conclu.
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