La crise du coronavirus a révélé la déficience de la France en ce qui concerne certaines productions, en particulier dans le domaine médical.
Cette situation n’est ni spécifique à la France ni nouvelle. Le recours aux importations pour des produits à faible valeur ajoutée (génériques ou produits basiques comme les masques) s’est imposé au nom du principe des avantages comparatifs, chaque pays se spécialisant dans la production de biens et de services où il est le moins mauvais. Avec la crise sanitaire, l’idée de privilégier une production nationale pour des biens dits stratégiques tend à s’imposer. Le problème est de déterminer ce qui est stratégique ou pas.
Masque papier, un nouvel enjeu stratégique ?
Avec le covid-19, nul n’aurait imaginé qu’un masque en papier, jetable soit un bien stratégique. L’explosion de la demande au sein tous les États a provoqué une pénurie jugée insoutenable et incompréhensible par les populations. Compte tenu de la consommation en temps normal de masques, il n’est pas certain que la France, même en ayant imposé une production minimale sur le territoire, aurait eu la capacité de répondre à la progression exponentielle de la demande. En outre, le choix d’une production nationale de masques importante aurait eu un coût économique non négligeable qui aurait eu comme conséquence de réduire d’autres dépenses tout aussi voire plus indispensables. L’arbitrage en faveur des masques aurait pu se traduire par une réduction des dépenses de recherche pour le cancer ou contre les infections virales.
L’information au coeur de la crise
D’autres secteurs sont jugés tout aussi stratégiques que celui de la santé. Entrent notamment dans cette catégorie les industries du secteur de la communication. La dépendance de France et des autres pays d’Union européenne est forte dans ce domaine. Ainsi, le pays ne dispose pas de producteurs de matériels de télécom de référence. Ce secteur est dominé par la Chine (Huawei et ZTE), les États-Unis (Cisco system et Qualcomm) et le Japon (Fujitsu, Nec Corporation). En Europe, seules la Finlande et la Suède placent une entreprise parmi les dix premiers mondiaux (respectivement Nokia et Ericsson). Il convient de souligner que le chiffre d’affaires d’Huawei est de près de quatre fois supérieur à celui du deuxième producteur de matériel de télécom (Cisco). La dépendance est encore plus manifeste au niveau de l’informatique, de l’électronique, pour les moteurs de recherche en ligne ou en matière de réseaux sociaux.
Le moteur de recherche français, Qwant, éprouve les pires difficultés pour s’imposer en raison d’un nombre insuffisant de requêtes. Il a dû s’adosser à Microsoft et à son moteur de recherche « Bing ». Au mois de septembre 2019, la Direction Interministérielle du Numérique française a établi que la dépendance à Bing est de 64 % pour Qwant. Ce taux est de 100 % pour les images.
La dépendance est également très nette pour la production de batteries électriques. La France se place au 8e rang avec une capacité de 1,1 GWh loin derrière la Chine (217,2 GWhs), les États-Unis (49,6 GWhs) ou le Japon (23,1 GWhs). L’Union européenne dispose de capacités de production inférieure à 10 GWhs. La production française est également faible en ce qui concerne les éoliennes.
Créer un environnement favorable
Que ce soit dans les domaines de la santé, de l’information, des énergies renouvelables, la tentation d’un souverainisme économique est illusoire. La création de combinats colbertistes seraient coûteux et auraient de forts risques de se terminer en échecs comme au temps des plans calculs dans les années 60 et 70. Le marché français est trop étroit pour espérer rattraper le temps perdu. Si l’Europe a manqué la révolution numérique, c’est en grande partie en raison de l’absence d’un marché des capitaux unifié et du poids des barrières linguistiques.
La profondeur de marché est moindre dans l’Union européenne qu’en Chine ou aux États-Unis. La relocalisation de certaines activités jugées, à tort ou à raison, stratégiques ne passe pas par le retour de l’État producteur. Elle exige un environnement favorable, avec en premier lieu, pour l’Union Européenne, des États prospectifs et non normatifs.
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