Le plan de dépenses de défense d’Ursula von der Leyen déroute les diplomates de l’UE

Le plan de dépenses de défense d’Ursula von der Leyen déroute les diplomates de l’UE

Ursula von der Leyen a pris de court les hauts diplomates de l’Union européenne (UE) en exprimant son souhait d’augmenter les dépenses européennes en matière de défense et en assouplissant les règles budgétaires du bloc.

Vendredi, la présidente de la Commission européenne a annoncé que Bruxelles chercherait à atténuer le faible engagement des États-Unis en faveur de la sécurité européenne. Et ce, en activant la « clause de sauvegarde » du cadre budgétaire de l’UE, permettant ainsi aux États membres d’« augmenter considérablement » leurs dépenses de défense.

À noter, huit des 27 États membres de l’Union — parmi lesquels la France, l’Italie et la Pologne — font actuellement l’objet d’une procédure de déficit excessif (PDE) de la Commission pour avoir dépassé le seuil budgétaire de 3 % du PIB annuel.

von der Leyen dans le flou

À peine deux jours avant, Donald Trump avait surpris les dirigeants mondiaux en annonçant que les négociations pour mettre fin à la guerre en Ukraine commenceraient « immédiatement » et sans l’UE ni Kiev. La proposition d’Ursula von der Leyen n’a fait qu’augmenter la surprise des capitales.

« Nous n’avons rien entendu de la Commission, ils ont été extrêmement discrets », a déclaré un diplomate sous couvert d’anonymat, ajoutant que « personne ne connaît » les détails du plan.

Le fait que les règles actuelles contiennent deux « clauses échappatoires » — une « générale » et une « nationale » — suggère qu’Ursula von der Leyen elle-même n’a pas d’idée précise, selon plusieurs responsables de l’UE.

D’après un fonctionnaire, sa proposition révèle également une mauvaise compréhension des questions économiques de la part de la présidente de la Commission, ainsi que son manque de transparence et sa tendance à centraliser le pouvoir.

Cet avis a été partagé par le commissaire à l’Économie, Valdis Dombrovskis. Lundi, il a rappelé qu’aucune décision finale n’avait encore été prise quant à la clause dérogatoire que la Commission envisage d’activer, le cas échéant.

« Nous travaillerons sur ces modalités dans les semaines à venir, puis nous les présenterons », a-t-il affirmé avant une réunion des ministres des Finances de la zone euro à Bruxelles.

En vertu du droit de l’UE, la clause dérogatoire générale peut être activée « en cas de chocs majeurs dans la zone euro ou dans l’ensemble de l’Union ». La clause dérogatoire nationale, quant à elle, peut être utilisée « si des circonstances exceptionnelles échappant au contrôle de l’État membre ont une incidence majeure sur ses finances publiques ».

Clause dérogatoire nationale ou générale ?

Par exemple, la clause dérogatoire générale a été invoquée lors du ralentissement économique généralisé déclenché par la pandémie de Covid-19. La clause dérogatoire nationale, en revanche, n’a été introduite que l’année dernière et n’a encore jamais été utilisée.

La présidente de l'Union européenne, Ursula Von Der Leyen, arrive à l'Élysée le 17 février 2025 à Paris, France. ©Remon Haazen/Getty Images
La présidente de l’Union européenne, Ursula Von Der Leyen, arrive à l’Élysée le 17 février 2025 à Paris, France. ©Remon Haazen/Getty Images

Les deux clauses nécessitent le soutien d’une « majorité qualifiée » d’États membres, c’est-à-dire d’au moins quinze des 27 pays de l’Union, représentant collectivement minimum 65 % de la population de l’UE.

Avant la réunion de lundi, le ministre allemand des Finances, Jörg Kukies, a exprimé une forte préférence pour la clause dérogatoire nationale plutôt que générale.

« Nous sommes sceptiques quant à l’utilisation de la clause dérogatoire générale, car elle nécessiterait un grave ralentissement économique pour être justifiée », a confié le ministre. Il a ajouté que Berlin était « déjà en pourparlers avec la Commission » sur « la forme spécifique » de la proposition d’Ursula von der Leyen.

Le plan de la Commission a suscité des réactions mitigées de la part des autres ministres européens, et tous ont souligné la nécessité de clarifier les détails de la proposition.

Le ministre belge du Budget, Vincent Van Peteghem, s’est dit « très, très favorable » au plan, mais a averti que « nous devons bien sûr examiner comment nous allons procéder ». La Belgique fait partie des huit États membres actuellement soumis à une « procédure de déficit excessif ».

Eelco Heinen, le ministre néerlandais des Finances, s’est de son côté montré beaucoup plus circonspect. « Je n’ai encore vu aucune proposition sur la table, donc, pour moi, je ne peux pas encore y réagir », a-t-il déclaré.

Une contradiction déroutante

La confusion s’est encore accrue lundi en raison d’un profond désaccord entre les ministres de l’UE quant à l’impact de la proposition d’Ursula von der Leyen sur les dépenses budgétaires nettes de la zone euro cette année.

Dans une déclaration publiée en décembre, l’Eurogroupe avait déclaré qu’une « politique budgétaire restrictive » en 2025 serait « appropriée » en raison des « niveaux élevés de déficit et de dette dans la zone euro », et du fait que l’inflation reste supérieure au taux cible de 2 % de la Banque centrale européenne (BCE).

Lundi, cependant, Valdis Dombrovski a laissé entendre que la position antérieure de l’Eurogroupe pourrait être réexaminée.

« Si nous proposons plus de flexibilité en matière de défense concernant les budgets des États membres, cela changera certainement l’orientation budgétaire vers plus d’expansion », a-t-il expliqué.

Les remarques du commissaire à l’Économie et à la Productivité ont ensuite été contredites par le président de l’Eurogroupe, Paschal Donohoe, également ministre irlandais des Finances, qui a assuré que « l’approche de la dernière déclaration de l’Eurogroupe reste inchangée ».

Vers plus de clarté ?

Certains responsables de l’UE ont noté qu’en l’absence de proposition concrète, il est probable que la Commission cherche simplement à maximiser la flexibilité des règles actuelles. Bruxelles pourrait, par exemple, être plus disposée à citer les dépenses de défense comme facteur potentiel d’atténuation lorsqu’il s’agit de déterminer s’il convient d’ouvrir une PDE à l’encontre d’un État membre pour violation de la limite de 3 % du PIB pour le déficit public fixée par l’Union.

Une autre option, selon les responsables, consisterait à autoriser davantage de pays qui investissent massivement dans la défense à prolonger de quatre à sept ans leurs plans budgétaires « à moyen terme » — qui doivent être soumis et approuvés par la Commission dans le cadre des règles budgétaires récemment remaniées.

Lundi, Balazs Ujvari, porte-parole de la Commission, a laissé entendre que le Livre blanc sur la défense, prévu pour le 19 mars, contiendrait plus de détails sur la proposition de la Commission.

« Cela pourrait être un point important dans notre calendrier », a-t-il indiqué, ajoutant « vous pouvez donc vous attendre à plus de précisions très bientôt ». 

Auteur/Autrice

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire