Depuis le « Liberation Day », le protectionnisme est devenu le fil rouge de l’économie mondiale, avec Donald Trump dans le rôle du méchant. Pourtant, sa résurgence ne date pas du 2 avril dernier et les États-Unis n’en ont pas l’exclusivité. En réalité, ils n’ont fait qu’emboîter le pas à l’Europe.
Depuis une quinzaine d’années, l’Union européenne multiplie les mesures non tarifaires à l’entrée du marché unique. Le recours aux normes sanitaires et environnementales s’est intensifié. Elle impose également des quotas d’importation, notamment sur certains produits agricoles et sur l’acier.
L’Union européenne multiplie les mesures non tarifaires à l’entrée du marché unique.
L’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Union à compter du 1er janvier 2026 est perçue par ses partenaires comme l’équivalent de droits de douane. En effet, les produits importés seront soumis à une taxe en fonction des émissions générées lors de leur fabrication. Au nom de la souveraineté ou de l’emploi, les autorités européennes ont accepté que certains secteurs – microprocesseurs, batteries, énergies renouvelables – bénéficient d’aides publiques, ce qui fausse, par nature, les échanges.
Globalement, plusieurs marchés européens – ceux de la finance, de l’agriculture, de la culture, des transports ou des télécommunications – restent relativement fermés. Aux yeux des pays émergents et en développement, l’Europe s’isole de plus en plus et les États-Unis lui emboitent le pas. Ce repli avant tout un aveu de faiblesse. C’est le signe d’un déclin économique et d’un refus de la confrontation commerciale. À terme, le risque est celui d’une marginalisation : le monde économique s’habitue à tourner sans l’Europe ni les États-Unis.
Les BRICS signent de plus en plus d’accords de libre-échange et développent des coopérations financières
Les BRICS représentent plus de 50 % de la population mondiale et réalisent plus du quart du commerce mondial. En 2050, ils devraient faire jeu égal avec les pays du G7 en termes de PIB. Ils signent de plus en plus d’accords de libre-échange et développent des coopérations financières de plus en plus poussées, avec pour objectif la mise en place d’un système indépendant du FMI et de la Banque mondiale.
De leur côté, les pays occidentaux peinent, depuis l’échec du cycle de Doha lancé en 2001, à conclure de nouveaux accords de libre-échange. L’impossible conclusion d’un accord entre les États-Unis et l’Europe – deux zones économiques pourtant en négociation depuis près de vingt ans – illustre cette tentation de repli. Les divergences en matière de normes sanitaires ont conduit à l’abandon des discussions, alors même que ces deux zones figurent parmi les plus rigoureuses au monde en la matière.
L’impossible conclusion d’un accord entre les États-Unis et l’Europe illustre cette tentation du repli.
Le débat sur l’accord avec le Mercosur dans plusieurs pays européens, dont la France, témoigne de l’oubli de la théorie des avantages comparatifs. Malgré les gains obtenus dans le cadre d’accords précédents, notamment celui avec le Canada, les populations restent hostiles au développement des échanges.
La stratégie européenne est une erreur d’autant plus grave que le marché intérieur est appelé à s’étioler dans un contexte de déclin démographique. Faute de débouchés extérieurs, la croissance ne pourra que s’éroder au moment même où elle est indispensable pour financer l’augmentation des dépenses sociales.
Le choix de bâtir des murailles commerciales se traduit aussi par un affaiblissement du progrès technique. L’Europe a tout intérêt à s’ouvrir davantage et à construire une vision positive de l’avenir.
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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