Le marathon diplomatique à haut risque d’Emmanuel Macron

Le marathon diplomatique à haut risque d’Emmanuel Macron

Alors que le second tour des élections législatives dimanche (19 juin) a donné au président français Emmanuel Macron une majorité relative, il entame une série de rendez-vous internationaux sous haute tension.

Conseil européen des 23 et 24 juin à Bruxelles, Sommet du G7 en Allemagne du 26 au 28 juin, sans oublier le Sommet de l’OTAN à Madrid du 28 au 30 juin : c’est un agenda chargé qui attend M. Macron, en pleine crise politique et institutionnelle.

Pourtant, le président est attendu au tournant sur de nombreux sujets urgents, à commencer par la nomination d’un nouveau gouvernement – notamment pour remplacer les ministres battus aux élections – attendu « dans les prochains jours », explique Olivia Grégoire, porte-parole du gouvernement.

Avec un président affaibli en interne, certains s’interrogent sur l’éventuelle fin de « l’ère Macron » aux échelles européenne et internationale.

Apprendre le compromis

« Le résultat des législatives affecte de manière relative la crédibilité européenne du président » explique Thierry Chopin, conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors, à EURACTIV.

Si de nombreux Etats membres sont familiers avec les principes de coalitions et « compromis négociés », ce n’est pas le cas en France. « Il faudra un long temps d’adaptation et d’apprentissage, car cette logique de compromis va à l’encontre de la culture politique de la Ve république », ancrée dans une verticalité du pouvoir, ajoute M. Chopin.

M. Chopin souligne par ailleurs « l’euroscepticisme» de La France insoumise (LFI) et du Rassemblement national (RN), les deux premières forces d’opposition au sein de la nouvelle Assemblée nationale, avec lesquelles le président français devra composer.

Cependant, d’un point de vue institutionnel, les affaires étrangères restent la chasse gardée du président de la République et, de fait, M. Chopin tempère : « Les législatives ne vont pas fondamentalement impacter l’agenda européen de la France ».

Un engagement européen « sans faille »

Plusieurs sources confirment que, si l’image des législatives peut entacher l’image du président à l’international, « la France reste la France ». Une manière de suggérer que malgré la crise politique, la France est un pays important dans l’architecture européenne, notamment au moment où elle assure la Présidence du Conseil de l’UE – encore pendant quelques jours.

« La position de la France sur la scène européenne est comprise par tous ses partenaires. Emmanuel Macron jouit d’une forte crédibilité sur la scène européenne, déconnectée de sa position intérieure », abonde une source diplomatique.

Noëlle Lenoir, ancienne ministre des Affaires Européennes de 2002 à 2004, contactée par EURACTIV, confirme : « je ne crois pas que M. Macron se trouve affaibli. Au contraire, je m’attends à ce qu’un certain nombre de pays européens alliés l’aident et le confortent ».

Chose d’autant plus vraie que « le résultat des législatives est étranger à l’Europe », insistant plutôt sur le rejet de la personnalité du président et la « montée du populisme ».

C’est donc sans grande inquiétude que l’exécutif aborde le Conseil européen des prochains jours. « Après les élections législatives, l’engagement européen de la France est sans faille », a déclaré le ministre délégué aux Affaires Européennes, Clément Beaune, à la marge d’une réunion du Conseil des Affaires Générales.

Même discours de la part d’une source Elysée, qui note plus de curiosité de la part des partenaires européens à comprendre le système électoral français « qu’une inquiétude sur la force de leadership de la France à l’international ».

Le Pen Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen

Quel rôle pour l’opposition ?

Ce n’est pas l’avis de Manon Aubry, eurodéputée LFI et co-présidente du Groupe de la Gauche au Parlement européen, pour qui le résultat aux législatives est « perçu par nos alliés européens comme une défaite ».

La nouvelle composition de l’Assemblée nationale évoque pour elle des tendances politiques qui existent déjà au sein du Parlement européen : « Plutôt que de se tourner vers la gauche, Renew [groupe du parti présidentiel au Parlement européen] a pactisé plus d’une fois avec la droite et l’extrême droite, notamment sur le paquet climatique Fit for 55 » lance-t-elle à EURACTIV. Une réalité politique qu’elle craint de devenir systématique.

Même constat pour le Rassemblement national, qui réfute l’argument que les coalitions sont la norme dans les autres pays membres : « autant nous savons que les allemands sont des habitués des coalitions, autant l’Europe sait qu’une majorité relative en France, c’est une vraie crise », analyse Thierry Mariani, eurodéputé RN.

Alors, que faire ? Deux inconnues demeurent, afin de mieux comprendre l’étendue de la crise politique : quel rôle les oppositions vont-elles jouer dans les prochains mois, alors que Les Républicains, LFI et RN peuvent saisir le Conseil constitutionnel ou déposer des motions de censure, en vertu des pouvoirs reconnu aux groupes parlementaires plus nombreux ?

Et surtout : le gouvernement jouera-t-il le jeu de l’ouverture et du compromis ?

Si seulement 14% des directives européennes sont transposées par voie législative en France, selon un récent rapport parlementaire, une ratification des parlements nationaux reste de mise pour des accords de libre-échange, des accords d’associations, ou pour accueillir un nouveau pays au sein de l’UE.

Des dossiers de taille comme la potentielle révision des traités européens, demandée par M. Macron, requerront aussi une certaine stabilité politique pour être enclenchés.

Un blocage de la part des oppositions peut donc, à des moments clefs de la vie démocratique européenne, se révéler particulièrement néfaste.

Crise institutionnelle et politique majeure, ou simple moment de flottement avant que les instances politiques françaises se mettent en ordre de marche ? La question reste en suspens, mais elle ne manque pas d’alimenter les critiques vis-à-vis du président français.

En sera-t-il de même sur la scène internationale ? Les prochains jours nous le diront.

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