Les grandes ambitions sur le long terme et à Bruxelles contrastent avec les renoncements du gouvernement français, concrétisés dans la loi climat énergie actuellement en discussion.
C’est la première et sans doute la seule loi énergie et climat qui sera adoptée sous le quinquennat de Macron. Le projet de loi énergie et climat, examiné cette semaine par la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, frappe moins par son ambition que par ses renoncements successifs.
« On a un double discours permanent de la part de la France. D’un côté elle pousse pour des objectifs plus ambitieux à Bruxelles sur le long terme. Mais à plus court terme, il y a un problème de mise en œuvre : la France a l’habitude de se fixer des objectifs et de ne pas les tenir », constate Anne Bringault, responsable transition énergétique du Réseau Action Climat.
C’est le cas de l’objectif d’énergies renouvelables, qui sont censées représenter 23 % de la consommation d’énergie française en 2020, dans 6 mois. Or pour l’instant, elles n’en représentent que 16,3 %. De même, le budget carbone annuel fixé par la programmation pluriannuelle de l’énergie a été allègrement dépassé en 2016 et 2017.
Dans ce contexte, l’objectif de parvenir à la neutralité carbone en 2050, en divisant les émissions de gaz à effet de serre par au moins six, n’impressionne guère. Car sur le fond, les messages sont brouillés : le gouvernement propose aussi dans le texte de loi de réduire de 40 % la consommation d’énergies fossiles d’ici 2030, mais ne prend pas de mesures concrètes pour y parvenir.
Pour l’heure, la formulation du paragraphe 3 de la loi, portant sur les quatre dernières centrales thermiques à charbon d’ici à 2022, est peu clair : il propose que l’autorité environnementale plafonne la production des centrales dont les émissions de CO2 dépassent 0,550 tonnes d’équivalent dioxyde de carbone par MWh. Ce qui concerne les centrales à charbon et au fioul. Des centrales qu’il ne s’agit pas de fermer donc contrairement à la promesse de campagne du président sur le charbon, mais dont la production sera progressivement limitée.
Une des idées pourrait être de mélanger charbon et biomasse sur un des sites, à Cordemais en Loire-Atlantique.
« Sachant que le repreneur de deux de ces centrales, le Tchèque Kretinski, s’est fait une spécialité de prolonger la durée de vie des centrales à charbon qu’il reprend, on peut s’interroger sur la fermeté de cet engagement », note Cécile Marchand, des Amis de la Terre.
Marche arrière sur le nucléaire
Sur la question du nucléaire, la loi fait marche arrière par rapport à la précédente adoptée sous Hollande, qui prévoyait de réduire la part du nucléaire à 50 % de la consommation d’énergie en 2025 : l’échéance est repoussée à 2035.
« Nous avons proposé un chemin crédible pour réduire la part du nucléaire à 50 % d’ici 2035, avec le développement massif des renouvelables et notamment de l’éolien en mer », a expliqué le Premier ministre Édouard Philippe lors de sa déclaration de politique générale, mercredi 12 juin devant l’Assemblée nationale.
Un calendrier qui suppose d’allonger la durée de vie des centrales, qui sont déjà en bout de course : leur âge moyen atteindra près de 50 ans en 2035, alors qu’elles sont prévues pour durer 40 ans en moyenne.
Pour le réseau « Sortir du nucléaire », cette décision consiste à « valider l’inaction ». « Nous souhaitons attirer votre attention sur les conséquences de cette trajectoire, tant en termes de démocratie et de politique énergétique et de sûreté », alerte l’ONG dans une lettre adressée aux députés français, qui souligne le danger de vétusté de ces centrales et a lancé une pétition pour éviter l’adoption de cette loi.
Autre problème de la loi climat : la question de la taxe carbone, dont le niveau a été gelé fin 2018 après les revendications des Gilets jaunes.
À plus court terme, la France ne soutient pas activement la révision à la hausse de l’engagement de l’UE dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat, ce qui permettrait de montrer l’exemple aux autres signataires. Plus grave, malgré l’ambition de façade, les émissions de CO2 de l’UE sont reparties à la hausse depuis 2017, notamment en raison des émissions de lignite et du secteur industriel pourtant soumis à la contrainte du marché du carbone (EUTS). Les émissions de CO2 de l’industrie avaient pourtant reculé depuis 2010.
Une preuve de l’inefficacité de ce marché pour l’industrie, compte tenu de la faiblesse de ses prix.
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