Le gaz naturel liquéfié : le nouvel or bleu

Le gaz naturel liquéfié : le nouvel or bleu

En 2022, quand l’Union européenne a décidé de ne plus importer de gaz en provenance de gaz naturel de Russie et de s’orienter vers le gaz liquéfié, de nombreux observateurs ont prédit des pénuries et une envolée durable des prix. Or, l’hiver 2022/2023 comme les suivants n’ont pas donné lieu à des coupures de gaz ou d’électricité. Après avoir battu des records, les prix de ces deux énergies sont revenus à des niveaux plus raisonnables.

Contre toute attente, les États-Unis et quelques autres pays producteurs ont réussi à pallier, en quelques mois, au retrait du gaz naturel russe en multipliant les livraisons de gaz liquéfié. Cette prouesse a été rendue possible par la construction dans des temps records de terminaux gaziers capables d’absorber de grande quantité de gaz naturel.

La construction dans des temps records de terminaux gaziers

Basée en Virginie aux États-Unis, l’entreprise Venture Global a révolutionné le secteur de la production ainsi que de la distribution de gaz naturel liquéfié (GNL) et de pétrole en utilisant des équipements modulaires et évolutifs fabriqués en usine quand ces concurrents privilégiaient des structures sur mesure. Il y a une dizaine d’année, cette entreprise a réduit de moitié le temps de construction d’un terminal GNL. Elle a été choisie par de nombreux compagnies pétrolières et gazières comme le groupe Shell, un grand pétrolier britannique.

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Avec l’inauguration prochaine de son deuxième terminal d’exportation en Louisiane, Venture Global deviendra la deuxième plus grande entreprise exportatrice de GNL aux États-Unis. Son poids est amené à s’accroître dans les prochaines années en raison du poids croissant de cette énergie au niveau mondial. Pour faire face à ses besoins d’investissement, Venture Global a déjà levé plus de 54 milliards de dollars. La capitalisation de l’entreprise qui a décidé d’être cotée à Wall Street fin janvier, pourrait rapidement dépasser plus de 100 milliards de dollars, soit plus que celle de BP. Venture Global dispose d’une réelle avance technologique et peut compter sur la progression de la demande en gaz naturel, jugé moins polluant que le fioul et le charbon.

Les entreprises technologies fortement consommatrices d’énergie, notamment pour l’alimentation des serveurs, se tournent de plus en plus vers le gaz. Les centrales à gaz offrent plusieurs avantages, leur fiabilité et leur capacité à délivrer de l’énergie quel que soit le temps.

L’engouement pour le gaz naturel liquéfié n’est pas sans limite

Le dernier facteur jouant en faveur des actions de Venture Global est la décision de Donald Trump de lever les contraintes réglementaires pesant sur l’exploration et l’exploitation des gisements de gaz et de pétrole aux États-Unis. L’engouement pour le gaz naturel liquéfié n’est pas sans limite. La multiplication des gisements pourrait provoquer un excès d’offre. La transition écologique suppose une sortie des énergies carbonées et donc du gaz naturel dont le bilan écologique est médiocre. Le gaz est composé à 95 % de méthane qui a un pouvoir de réchauffement global 84 fois supérieur à celui du CO₂ sur 20 ans.

Lors de l’extraction, 2 à 3 % du méthane produit part dans l’atmosphère sous forme de fuite. Le processus de liquéfaction du gaz consomme une part importante de l’énergie du gaz extrait : 10 à 25 % de l’énergie initiale est ainsi perdu. Le transport du GNL nécessite des méthaniers réfrigérés, contribuant à des émissions supplémentaires, en moyenne 2,7 kg de CO₂ par MWh transporté. La regazéification dans les terminaux consomme de l’énergie, émettant environ 1,5 à 2 kg de CO₂ par MWh. Le bilan écologique du GNL est donc contrasté. Il émet environ 50 % moins de CO₂ que le charbon pour produire la même quantité d’énergie. Toutefois, si les fuites de méthane atteignent 3 % ou plus, le bénéfice climatique disparaît par rapport au charbon. Le GNL émet environ 30 % moins de CO₂ que le pétrole par unité d’énergie produite.

En 2023, la consommation mondiale de GNL a atteint 396 millions de tonnes. Cette consommation a entraîné l’émission d’environ 1 150 millions de tonnes de CO₂, sans inclure les fuites de méthane.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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