En 1990, une place de concert des Rolling Stones valait 20 euros. En 2019, cette même place coûtait, aux États-Unis, plus de 230 euros.
En valeur actualisée, la place de 1990 équivaut en 2019 à 32 euros. En valeur réelle, le prix des places des Stones ont été multipliés par sept en trente ans. En dix ans, la hausse dépasse 60 %. Cette progression a impressionné les autorités de la concurrence américaine qui ont diligenté une enquête sur le principal producteur de spectacle « Live Nation » qui a racheté la billetterie Ticketmaster.
75% du revenu des artistes
Au-delà de cette enquête, le marché de la musique a profondément évolué ces trente dernières années. L’apparition du téléchargement illégal, suivie des plateformes d’écoutes légales (Deezer, Spotify, etc.) ont provoqué une forte baisse des revenus des ventes d’albums physiques, tandis que les rémunérations pour l’écoute en ligne, même si elles ont beaucoup progressé, restent faibles pour la plupart des artistes. Les recettes sont désormais tirées des concerts qui selon le Wall Street Journal, représentent désormais 75 % des revenus des artistes aux États-Unis, contre environ 30 % dans les années 80 et 90.
En France, le marché des ventes de musique enregistrée est passé de 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2002, à 590 millions d’euros en 2018 (même si une remontée est constatée depuis 2016). Les artistes comptent de plus en plus sur les revenus liés à l’utilisation de leur musique dans les publicités, au cinéma ou même dans les bâtiments publics. En France, les recettes de billetterie ont augmenté de 15 % en 2017 pour atteindre 930 millions d’euros dans l’Hexagone.
Les billetteries comme Live Nation/Ticketmasteront même mis en place un système de tarification reposant sur l’offre et la demande, sur le modèle des compagnies aériennes. Une grande partie des places sont préachetées soit par des comités d’entreprise, soit par des sites agrégateurs de demandes, ces derniers les revendant en enchère au moment de l’ouverture des sites officiels de commercialisation. Les tourneurs officiels démentent vendre à ces sites mais la pratique apparaît tout autre.
Live Nation, qui peut en outre avoir l’exclusivité sur certaines stars, s’est imposé à l’échelle mondiale comme l’organisateur et le vendeur de tickets de référence. Il réalise un chiffre d’affaires de près de 10 milliards de dollars. Sa progression est de plus de 6 % par an. En France, les pouvoirs publics s’étaient émus de la prise de contrôle par cette société de nombreux festivals organisés sur l’hexagone.
Montée en gamme des spectacles
L’augmentation du prix des places est également due à la montée en gamme des spectacles. Les exigences du public sont en hausse. La location des salles aux normes est de plus en plus coûteuse. Preuve que ce marché est rentable, les stades de sports sont construits en prenant en compte leur utilisation potentielle en salle de concert. Ainsi, le stade de rugby du Racing 92, Paris Défense Arena, a été inauguré, au mois d’octobre 2017, par trois concerts des RollingStones.
Avec le développement du rock et de la pop music, dans les années 60, l’industrie de la musique a connu un formidable essor grâce à la vente des 45 puis des 33 tous avant de passer aux cassettes et aux CD. Les concerts servaient à la promotion des artistes. Ils étaient peu rentables. Ainsi, la tournée du groupe Pink Floyd en 1980 pour la sortie de « The Wall » a occasionné d’importantes pertes entraînant son arrêt anticipé et la reprise des pertes par les membres du groupe. En 2010, Roger Waters, le bassiste du Groupe signa une des tournées les plus rentables avec le même spectacle.
Industrialisation des concerts
Comme le souligne Jo Wood dans son dernier livre relatant sa vie avec les Stones, à partir de1989, un processus d’industrialisation des concerts est intervenu. Ainsi, la tournée 2003/2004 des Stones a rapporté plus de 650 millions de dollars. Sur la dernière décennie, ce groupe aurait engrangé près d’un milliard de dollars. C’est désormais le disque qui sert à promouvoir les concerts. Il a même tendance à disparaître. La chanteuse américaine Sheryl Crow estime que ce support est sans intérêt. Le recours à des clips sur des sites vidéo comme « YouTube » sont plus efficaces pour assurer sa notoriété. Les rappeurs ont complètement compris les nouvelles équations du métier. Parmi celles-ci figurent la nécessité pour les chanteurs, les groupes d’avoir une présence sur les réseaux sociaux, sur les plateformes de vidéos. Des rappeurs ont réussi à remplir des stades sans avoir utilisé les anciens canaux de commercialisation et sans l’appui des médias traditionnels.
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