La bataille pour la relocalisation de l’industrie est engagée depuis plusieurs années avec comme conséquence une moindre croissance du commerce international de biens. La concurrence sur le segment du commerce tend à se réduire quand, à l’inverse, celle sur les services augmente.
La montée du protectionnisme redessine le commerce international
Le nombre d’obstacles aux échanges de biens (droits de douane, interdiction d’importer ou d’exporter certains biens, etc.) est en forte augmentation, passant de moins de 400 à plus de 2 500 de 2009 à 2022. La progression est forte depuis 2017 et s’est accélérée depuis 2020.
Avec la question du souverainisme économique, l’épidémie de covid a induit de nombreuses mesures protectionnistes. Les politiques visant à favoriser la transition énergétique comportent également des mesures pouvant porter atteinte aux échanges commerciaux. La concurrence ne s’effectue plus sur les biens mais sur la localisation des centres de production. Les États rivalisent en matière de subventions pour obtenir l’implantation d’usines de microprocesseurs ou de batteries.
En raison de l’augmentation des droits de douane et des mesures non tarifaires, les délocalisations de la production deviennent moins rentables. La production domestique des biens est ainsi privilégiée. Il en résulte une moindre progression du commerce mondial de biens. Sa croissance est désormais inférieure à celle du PIB quand avant l’épidémie de covid, elle pouvait être deux fois supérieure.
La concurrence au niveau mondial se développe, en revanche, sur le terrain des services
Le commerce international de services progresse désormais plus vite que celui lié aux biens et que le PIB. Le développement des nouvelles technologies et le télétravail favorisent la délocalisation des services. Les services informatiques, juridiques, comptables, financiers, la recherche, le marketing, ou bien encore la vente à distance peuvent être délocalisés. Certains pays comme l’Inde ou le Maroc, disposant d’une main-d’œuvre qualifiée à faibles coûts, se sont spécialisés sur ce type d’activités. En Inde, la valeur ajoutée dans la technologie de l’information et les services informatiques est passée de 2,8 à 7,5 % du PIB de 2002 à 2022.
Des pays de l’OCDE se spécialisent également dans les exportations de services. Le poids des exportations de services (hors tourisme) dans le PIB est passé, entre 2002 et 2022, de 28 à 58 % pour Singapour, de 6 à 16 % pour la Suède, de 11 à 25 % pour le Danemark, de 7 à 15 % pour le Royaume-Uni et de 4 à 10 % pour la Finlande (données FMI).
En France entre 2000 et 2019, les exportations de services ont, selon la Banque de France, crû de 156 %, soit deux fois plus vite que les échanges de biens (+75 %) ou que le PIB (+64 %).
Cette concurrence accrue en matière de services n’est pas sans conséquences en termes d’emplois car ce secteur est celui qui concentre le plus grand nombre d’emplois au sein des pays de l’OCDE. En France, le secteur tertiaire représente selon l’INSEE en 2022, 80 % des emplois.
Les secteurs de la finance et des services aux entreprises y sont particulièrement importants. Un risque de délocalisation de ces activités n’est pas à négliger, sachant que les relocalisations industrielles sont faiblement créatrices d’emplois, les nouvelles usines étant fortement robotisées.
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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