Le 14 juillet est universel

Le 14 juillet est universel

Le 14 juillet, festif, envié, devrait devenir un droit universel, tel est le principe. Déjà, tous les pays du monde le fêtent, à une autre date peut-être, qu’importe. La plupart l’appellent « jour de l’indépendance », comme les États-Unis et l’Amérique latine, anciens pays colonisés. Indépendance et liberté se confondent. Ainsi même les pays qui ont remplacé l’oppression coloniale par des dictateurs fêtent leur libération, comme les Français de 1789 avant la Terreur. Les Français de cette époque, éclairés par la philosophie des lumières, galvanisés par les oraisons de Mirabeau, Robespierre et Marat, étaient pourtant illettrés à 95%. L’histoire n’explique pas ces mystères, elle façonne les mythes. La liberté passe de bouche à oreille. Ainsi naquit le rite de la Fête nationale, installée tardivement, en 1880.

Ne reste, pour porter ce message de libération, que le chauvinisme universel de notre 14 juillet.

Les législateurs n’ont pas précisé quel 14 juillet était célébré, celui de 1789, prise de la Bastille, ou de 1790, Fête de la Fédération. La Fête du Champ de Mars célébrait l’union de cette nouvelle notion, la Nation, avec l’ordre ancien. Sa devise « la Nation, la Loi, le Roi », mixait la souveraineté en sainte trinité. Assez vite, une tête tomba. Reste cette querelle : le règne de la loi, (l’état de droit), ou la souveraineté nationale, les Cours suprêmes ou le vote populaire.

D’autres pays eurent leur fête nationale avant les Français. Les États-Unis adoptèrent leur Indépendance Day en 1870, les Belges en 1830, la Grèce et l’Argentine au milieu du 19ème. Ces pays, par une saine conscience de leurs limites, n’ont jamais prétendu partager leur libération avec les autres. La France, elle, fête son 14 juillet comme si sa célébration devait être adoptée par l’humanité tout entière, preuve de générosité, à défaut de modestie. Même la Russie, qui concurrençait la France dans l’universalisme, a abandonné le jour de la Révolution. Comme les États-Unis voilent le flambeau de la liberté qui les éclaire, ne reste, pour porter ce message de libération, que le chauvinisme universel de notre 14 juillet.

Illustration Adobe 14 juillet 2025
Illustration Adobe 14 juillet 2025

Où le fêter, sinon en France? Partout. Sur la place du marché à Tegucigalpa, les chantiers de Gdansk ou le port de Beyrouth.  Quelques ingrats nous en veulent peut-être encore de quelques guerres du passé. Nous voulions seulement leur partager notre amour de la liberté. Là où de l’incompréhension, voire de la jalousie, ouvrons simplement nos ambassades. Même si les restrictions budgétaires, et la panade économique, amènent à chercher des sponsors pour payer du mousseux (Le champagne voyage mal pour les finances du Quai, n’est-ce pas ?)

Où se vit vraiment le 14 juillet ? Dans les tranchées. Les Ukrainiens meurent parce que la liberté ne peut éclore sans l’indépendance. Les mouvements libéraux du 19ème étaient tous nationalistes. Il s’agissait de se débarrasser de la condition de sujets. Le nationalisme devint souvent l’ennemi de la liberté, même si s’impose l’idée qu’une démocratie ne peut s’exercer que dans le cadre d’une communauté de citoyens, définis par la nationalité. Qui est citoyen ? Qui ne l’est pas ? Que fait-on des étrangers ? Questions ô combien actuelles. Il n’y a pas de frontière naturelle. Pas plus qu’il n’y a de nation bien définie.

Pourquoi la Corée du Nord, c’est-à-dire la Chine, envoie des hommes combattre au Donbass ?

Qu’est-ce que la guerre d’Ukraine sinon la négation de l’Ukraine ? Surtout la peur de voir se propager, en Biélorussie, en Russie, le virus démocratique européen. Pourquoi la Corée du Nord, c’est-à-dire la Chine, envoie des hommes combattre au Donbass ? Parce que la Chine reste effrayée de la chute de l’URSS. La mort du ministre des Transports russe congédié montre que Poutine a peur de ses oligarques, qui, s’ils forment une chaîne de suicidés, auraient pu en former une de comploteurs. Xi Jinping vient d’épurer son armée de quelques-uns de ses amis. Dans le palais du tyran règne la peur.

Les Européens ont créé un fonds d’aide à la reconstruction de l’Ukraine. La France et le Royaume-Uni renforcent leur alliance.

À Rome, les Européens ont créé un fonds d’aide à la reconstruction de l’Ukraine. À Londres, sous l’apparat de la visite d’état, la France et le Royaume-Uni renforcent une alliance de plus d’un siècle, abîmée par le Brexit. Ils organisent une coordination de leur arsenal nucléaire, « un usage conjoint et organisé des capacités nucléaires des deux pays », ce qui renforce la crédibilité de la dissuasion.Affirmer la volonté de se défendre vis-à-vis de la Russie, affirmer aussi une volonté d’autonomie vis-à-vis des États-Unis donne à la déclaration franco-britannique une signification capitale. Tout comme la nouvelle politique allemande, qui débloque 850 milliards de dépenses nouvelles, annonce 150 milliards pour la défense, réfléchit à un arsenal nucléaire « européen », avec un leadership allemand ! De quoi s’interroger à Moscou, et Washington.

La peur fait réfléchir, l’Europe politique s’agite, lentement, sûrement. Se débarrasser du tabou de la protection américaine sera le plus difficile, il se traduira, ou non, par la constitution d’une industrie de défense européenne. Jusqu’à présent, l’Europe paye tribut aux États-Unis. Sauf la France.

Le 14 juillet, a remarqué Trump, il y a un défilé militaire. La France a une défense. Insuffisante, comme pleure tout général, mais complète, des sous-marins nucléaires (une technologie que possèdent très peu de pays) aux avions les meilleurs du monde. (Le F35 est un scandale, dénoncé par le Congrès, qui ne se vend que par chantage).

Un 14 juillet va au-delà des frontières, annonce une révolution dans l’exercice et la légitimité des pouvoirs.  

Le chef d’état-major des armées a déclaré que « la France était devenue le principal adversaire de la Russie dans sa guerre hybride », plus que l’Allemagne ou le Royaume-Uni. « On n’abdique pas l’honneur d’être une cible » : qu’un 14 juillet puisse apparaître n’importe où dans le monde menace tous les tyranneaux du globe. Si c’est une forfanterie de prétendre que le 14 juillet est universel, c’est une prétention utile parce qu’elle inocule, dans la tête des faibles comme des puissants, la possibilité de la liberté, parfois l’audace de se battre pour elle.

Un 14 juillet va au-delà des frontières, annonce une révolution dans l’exercice et la légitimité des pouvoirs. Aujourd’hui, La souveraineté n’est plus tout à fait souveraine, les nations sont interdépendantes, l’état de droit est un idéal plus juste que la volonté majoritaire. S’inventent de nouvelles formes politiques, qui justifieraient que l’on ne fête plus les FetNat comme seulement nationales.

Il faut partager le 14 juillet, en bon chauvin, avec tous.  

Sous la bêtise de l’actualité, une imagination fertile est l’œuvre. Poussée par la nécessité, elle a inventé cet objet politique non identifié qu’est l’Union Européenne. Elle a créé aussi des états inégaux au sein d’un même état, comme Puerto Rico aux États-Unis, colonie qui veut rejoindre la colonne. Des états indépendants qui ne sont pas des états, comme Taïwan. Des états non indépendants au sein des états, comme la future Nouvelle-Calédonie. Ou des états indépendants qui ne peuvent l’être sans alliance, comme les États baltes. Voilà pourquoi les FetNat seront de moins nationales et de plus universelles. Voilà pourquoi il faut partager le 14 juillet, en bon chauvin, avec tous.

La forme des entités politiques change, pas celle de l’aspiration à la liberté. Imaginez une révolte de la liberté dans tous les pays tyrannisés ! Ça ferait du beau monde pour le 14 juillet. Champagne ! Dansez dans les ambassades ou sur toutes les bastilles.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app bancaire des Français de l’étranger, France Pay

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