L’ONU ne servirait à rien. Dommage, belle image cette assemblée de toutes les Nations a été fondée sur des lois qui bannissent la guerre, le racisme, protègent la veuve et l’orphelin. Si les dieux gouvernaient le monde, ils n’auraient su écrire de lois aussi simples pour le bien de l’humanité. La charte de l’ONU, la déclaration des droits de l’homme, les organismes contre la faim, pour l’éducation, pour le développement, pour le droit, témoignent d’intelligence, de volonté, de générosité. Mais le droit sans la volonté de le faire respecter n’est rien.
Le mal est plus profond : « Plus jamais ça » semblait un cri universel après la seconde guerre mondiale. À tel point que le conflit entre Russes et Américains fut « froid ». Les armes produites de 1945 à nos jours furent rarement utilisées.
L’abandon des idéologies permit à l’humanité un bond en avant considérable
Le monde se libéra, bien des pays auparavant détruits connurent un développement extraordinaire, suivant les exemples allemands, japonais, coréens, Hongkongais, puis chinois. L’ouverture au monde, la paix, la recherche sinon du bonheur en tout cas du bien-être, l’abandon des idéologies permit à l’humanité un bond en avant considérable. Dans les vingt dernières années, l’éducation, la médecine, l’accès à l’eau, à l’énergie, les droits des femmes firent des progrès extraordinaires. La misère reculait, la démocratie gagnait.
Le confort de la victoire, l’obsession du pétrole, la confusion entre le matérialisme et la lutte contre la pauvreté firent oublier que la puissance trouve son origine dans la confiance, en soi, et envers les autres.
Vint une génération qui oublia ce qu’était la guerre, qui se moqua du droit, des « soi-disant » progrès. A l’ONU des dictateurs accusaient les droits de l’homme d’idéologie néocoloniale. À la société de confiance, y compris entre les nations succéda une société de peur.
La primauté de la force gagna les Occidentaux eux-mêmes : les Américains crurent qu’il suffisait d’envoyer une armada pour régler les problèmes. Les bombes ne suffisent pas. Elles ont un effet certain : Elles tuent, excitent la vengeance.
La peur oblige à s’armer, à frapper. Qui ne le fait pas est vaincu d’avance. La vigilance s’impose.
Et la guerre entraîne la guerre : Ukraine, Azerbaïdjan, Hamas. Comme auparavant : Irak, Syrie, Yémen. Comme maintenant : Mali, Niger, Soudan.
Pour que le terrorisme fonctionne, il faut un discours de haine.
Avec la guerre, qui réapparaît comme naturelle, revient cette arme bien connue, le terrorisme.
Mais pour que le terrorisme fonctionne, pour trouver un homme filmant l’enfant qu’il égorge, il faut ajouter un discours de haine. Sans discours qui « justifie » la haine, peu de volontaires.
La haine se diffuse dans une tempête mondiale. Un hôpital est touché à Gaza. Tout semble indiquer qu’il s’agit d’une roquette sur le parking. Aussitôt le Hamas dénonce Israël, les principaux médias reprennent avec une désinvolture avide, la rue crie vengeance, le monde arabe condamne, le roi de Jordanie annule la visite du Président américain. Qui veut la paix ?
Le Hamas serait non un mouvement terroriste, mais un mouvement de résistance. Gaza n’est pas occupée, et les résistants ne prennent pas pour cibles des enfants, des nourrissons, des civils. Il y eut plusieurs conflits israélo-arabes. Jamais les armées arabes n’agirent ainsi. L’opération planifiée du Hamas fut une série d’actes terroristes, un pogrom.
Quand l’antisémitisme réapparaît, le reste va suivre. Le Hamas ne cherche pas à conquérir Israël ; il cherche à ce que l’on crie « mort à Israël ».
L’antisémitisme s’affirme partout dans le monde. « A mort Israël » remplace « mort aux juifs ». Quand l’antisémitisme réapparaît, le reste va suivre. Demain, mort aux blonds, aux roux, aux jaunes, aux vieux, aux faibles, aux riches, aux mous, « Viva la muerte » criaient les phalangistes espagnols. L’Espagne fut détruite. L’avenir de la haine paraît flamboyant.
L’histoire de l’hôpital de Gaza l’a illustré en direct. A l’ère de la révolution de l’information, pourquoi le socle de l’échange, l’information, la donnée, la data, ne serait pas soumis à la torture ?
Ce n’est plus le vainqueur qui écrit l’histoire. Celui qui écrit l’histoire deviendra le vainqueur.
À la guerre, la première victime est la vérité. Parce que chacun s’en moque. Ce n’est plus le vainqueur qui écrit l’histoire. Celui qui écrit l’histoire deviendra le vainqueur. D’où l’attaque du Hamas ; elle ne cherchait pas à reconquérir Israël ; elle cherchait à ce que l’on crie « mort à Israël », malgré l’horreur des actes terroristes. Écrire l’histoire permet de vaincre l’autre, parce que la morale, comme la religion, est une arme.
Hélas et tant mieux, l’humain est au cœur de tout combat. Les pogroms du Hamas amènent l’union sacrée en Israël, donnent le sentiment que la vengeance est un devoir. Erreur : La vengeance n’est jamais un droit.
Erreur : La vengeance n’est jamais un droit.
La responsabilité d’Israël est de rester Israël : un Etat de droit. En revanche, la responsabilité des puissances est de couper les vivres du Hamas. Qu’elles viennent du Qatar ou de Suisse. Le Hamas ne vit pas seul. Il ne met pas Gaza en coupe réglée seul. Dans le « blocus » de Gaza, l’Égypte a une responsabilité aussi grande qu’Israël. Le règlement de la question palestinienne dépend autant des pays arabes que d’Israël. Sans oublier les Palestiniens eux-mêmes. Comment se fait-il que personne n’ait réussi à pourvoir une direction politique « sage » dans les territoires pour vivre dans l’espérance plutôt que dans la misère et la haine ? Pourquoi n’y a-t-il pas de résistance au Hamas à Gaza ?
L’avenir de la haine serait florissant parce que justifié. Et bien non : La haine ne gagne jamais.
Ainsi nous serions entrés dans le cycle des guerres. Ainsi nous serions retournés dans la haine, dans ces nouveaux « conflits de civilisation ». L’avenir de la haine serait florissant parce que justifié –par la religion, l’envie, la revanche, la vengeance, le sentiment d’injustice, les inégalités, d’autres raisons encore.
Et bien non : La haine ne gagne jamais. Toutes ces guerres résultent d’échecs, elles en annoncent d’autres, mais rien ne dit que l’idéologie de la haine peut l’emporter.
Hier n’était pas paisible : Les millions de morts du Biafra, le génocide au Rwanda, la guerre du Kosovo, les famines de Chine, les camps du Cambodge, la guerre d’Iran. Il y a un siècle : les millions de morts des guerres civiles chinoises et russes, les guerres mondiales. Les villes rasées, les populations massacrées étaient la règle. C’est déjà un progrès d’y trouver scandale. Rarement l’humanité a été tendre pour elle-même. Certains n’ont plus peur de la guerre parce qu’habitués à la paix, ils en ont oublié l’atrocité.
Justement, Israël doit donner cette leçon de ne punir que les assassins. Ils sont à Gaza, ils sont aussi en Iran.
Il n’y a pas de guerre de civilisation, ni avec la civilisation chinoise, ni avec l’Islam, ni avec la Russie.
Il n’y a pas de guerre de civilisation. Il y a des conflits d’intérêts. Il n’y a pas de lutte idéologique entre la Chine et les démocraties, comme cela pouvait exister du temps de l’Urss et des « Maos » de saint Germain des près. Il n’y a pas d’idéologie « islamiste » capable de créer des intelligences artificielles. Il n’y a pas de concurrence en termes de civilisation. Même si la Chine ne condamne pas le Hamas, même si la Russie fricote avec l’Iran et la Corée du Nord, ils ne représentent pas des projets alternatifs. C’est une alliance de pouvoirs tyranniques qui entendent seulement le rester.
Nous espérons une Chine heureuse et libre, comme à Taiwan, une Russie démocratique, comme l’Ukraine et la Pologne, un islam moderne. Difficile, mais possible.
À condition de ne pas gâcher pas son propre modèle : On ne peut défendre le droit et s’en affranchir. Autant Israël a le droit d’attaquer l’Iran, de répliquer au Hezbollah, de bombarder les aéroports syriens où arrivent les armes, de cibler les bâtiments du Hamas, autant elle ne peut punir une population entière.
Vaincre la haine, c’est aussi vaincre la sienne. La force ne convertit la haine qu’avec le droit.
Vaincre la haine, c’est aussi vaincre la sienne. Ceux qui gagnent, à la fin, sont ceux défendent le droit et le juste. Ce n’est pas une position idéaliste, c’est un fait. Les Japonais, les nazis, les communistes, les fous de dieux, les fascistes, les Boxers ont perdu. Le colonialisme s’est éteint quand il avait perdu ses illusions morales. La force sans le droit peut gagner des batailles. Elle n’a jamais gagné une guerre. Les Iraniens devraient relire les vieux textes perses : à la fin, le dieu du bien vainc celui du mal. La force ne convertit la haine qu’avec le droit. Mais le droit ne suffit pas pour vaincre. Israël et les pays arabes, et les Européens, et les Américains, doivent offrir un avenir aux Palestiniens sans le Hamas. Une paix n’est possible que sans les organisations terroristes que tous doivent combattre et éradiquer. Mais une perspective de paix doit être possible.
Ceux qui ne combattent pas les organisations terroristes doivent être considérés comme complices.
Il faut s’en donner les moyens. Maintenir la primauté du droit est une exigence pour toutes les interventions et relations internationales. Ceux qui ne combattent pas les organisations terroristes doivent, à un moment ou à un autre, être considérés comme complices. C’est en le faisant comprendre au Qatar que les Etats-Unis ont fait libérer leurs deux otages. Ce n’est qu’ainsi que le droit international retrouvera sa force. Avec une perspective de paix : l’éradication du Hamas se justifie non par vengeance mais pour une autre vie à Gaza.
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditirice du site Lesfrancais.press
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