Laurent Saint-Martin : "Ma première priorité, c’est d’être aux côtés des Français établis hors de France "

Laurent Saint-Martin : "Ma première priorité, c’est d’être aux côtés des Français établis hors de France "

Nous recevons Laurent Saint-Martin, le nouveau ministre des Français de l’étranger. Ancien ministre du Budget sous Michel Barnier, il a rejoint l’équipe de François Bayrou.  Fiscalité, assises sociales, le rôle des élus, bourses scolaires, CFE, il répond à tous les sujets qui font le quotidien des Français de l’étranger. 

L'interview exclusive du ministre des Français de l'étranger

Monsieur le ministre, notre première question est d’ordre symbolique. Comme souvent le portefeuille des Français de l’étranger est lié au Commerce extérieur. N’est-ce pas réducteur ?

Au contraire, cela permet de mieux mettre en valeur les synergies réelles qui existent sur le terrain : elles reposent en particulier sur le dynamisme et l’esprit d’entreprise de nos compatriotes installés à l’étranger.

C’est une chance pour notre pays : plus de 3 millions de Français vivent à l’étranger, dont près de 300 000 en Belgique où je me suis rendu cette semaine pour ma première visite officielle en tant que ministre chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.

Je suis pleinement ministre des Français de l’étranger, tout comme je suis pleinement ministre du Commerce extérieur.

Je mettrai chacun de mes déplacements à profit pour aller à la rencontre de nos concitoyens, partout dans le monde, pour prendre la mesure de leurs préoccupations et pour soutenir leurs initiatives.

" C’est une chance pour notre pays : plus de 3 millions de Français vivent à l’étranger "

Fiscalité, budget et aides sociales

Dans un contexte budgétaire complexe, qui bouscule les agendas, quelles sont vos 3 grandes priorités pour nos expatriés ?

Ma première priorité, c’est d’être aux côtés des Français établis hors de France et d’assurer leur sécurité, où qu’ils se trouvent. Face aux crises qui se multiplient, face aux catastrophes naturelles, la France doit rassembler ses forces et faire preuve de solidarité, comme elle l’a fait encore récemment pour nos compatriotes aux Comores après le cyclone Chido, à Port-Vila après le séisme au Vanuatu fin décembre 2024 ou lors des incendies qui ont ravagé une partie de Los Angeles cette semaine. Je m’appuierai pour cela sur notre réseau diplomatique et sur l’expertise du Centre de crise et de soutien.

Ma deuxième priorité est de faciliter la vie de nos concitoyens, en simplifiant leurs démarches administratives tout en améliorant la qualité du service proposé par notre réseau consulaire. En 2025, nous ferons en sorte que ces démarches deviennent plus simples, plus agiles, plus dématérialisées et plus humaines à la fois.

La modernisation de l’administration, notamment consulaire, est une priorité du Premier ministre. Je la porterai à mon niveau, afin que le déploiement de l’identité numérique soit proposé en 2025 par nos consulats et que nos compatriotes puissent accomplir leurs démarches administratives de manière plus sécurisée.

Ma troisième priorité, c’est d’assurer le meilleur niveau de soutien à nos compatriotes les plus défavorisés. La France est le seul pays à offrir un accompagnement social de cette envergure à ses ressortissants résidents à l’étranger. Je pense aux aides à la scolarité pour les élèves inscrits dans les établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger, ou aux dispositifs d’assistance pour les personnes en situation de handicap ou de vulnérabilité. Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, nous devons optimiser l’affectation de ces ressources pour maintenir cette solidarité à l’égard de ceux qui en ont le plus besoin.

" Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, nous devons optimiser l’affectation de ces ressources pour maintenir cette solidarité à l’égard de ceux qui en ont le plus besoin. "

Vous avez été ministre du Budget, certains amendements parlementaires visaient à accroître la fiscalité des expatriés, notamment par l'instauration d'un impôt lié à la nationalité française, ou bien une augmentation de l'exit tax. Quelle est votre position sur ce sujet ?

J’y étais défavorable et je le reste.

Laurent Saint Martin et Pieyre Alexandre Anglade
Laurent Saint Martin et Pieyre Alexandre Anglade, député des Français du Benelux, à Bruxelles ce 09 janvier 2025 pour les vœux.

En cette période de disette budgétaire, la crainte, que les budgets des programmes 151 (affaires consulaires, y compris les bourses scolaires AEFE) et 185 (Diplomatie culturelle et d’influence) soient rabotés, se concrétise. Est-ce le cas ? Et si oui comment dès lors faire mieux avec moins ?

Faire mieux avec moins, c’est possible, à condition de continuer à se moderniser et à se transformer pour rechercher toujours plus d’efficience sans rien sacrifier à la qualité du service rendu aux Français.

S’agissant du programme 151, ma priorité ira à la poursuite des grands projets de modernisation comme le service France Consulaire, le Registre électronique d’état civil, le vote par internet, l’expérimentation du renouvellement des passeports sans comparution (Canada et Portugal) ou le déploiement de l’identité numérique pour les Français de l’étranger. Sans oublier les crédits consacrés à l’aide à la scolarité et à l’action sociale, en soutien de nos compatriotes les plus défavorisés, à travers les bourses scolaires et les aides sociales, directes ou indirectes. Ces crédits représentent 70% de l’enveloppe du programme 151 dont j’ai la responsabilité.

"...ma priorité ira à la poursuite des grands projets de modernisation comme le service France Consulaire, le Registre électronique d’état civil, le vote par internet, l’expérimentation du renouvellement des passeports sans comparution (Canada et Portugal) ou le déploiement de l’identité numérique pour les Français de l’étranger. "

Concernant l’éducation, de nombreux Français à l’étranger éprouvent des difficultés à scolariser leur(s) enfant(s) dans un établissement du réseau de l’AEFE, les frais d’écolage s’envolent et le système des bourses scolaires s’essouffle, aussi comptez-vous revoir les critères d’attribution de ces dernières ?

La première chose qui me vient à l’esprit à propos de notre Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), c’est une immense fierté. Ce réseau de 600 établissements permet à 120 000 élèves français dans 138 pays d’être scolarisés dans le système français. C’est unique au monde. Et c’est aussi un formidable outil d’influence et un levier sans équivalent pour renforcer l’attractivité de notre pays, puisque ce réseau scolarise aussi 280 000 élèves d’autres nationalités qui connaissent notre pays pour y effectuer bien souvent toute leur scolarité jusqu’à l’entrée à l’université.

Le deuxième point que je voudrais mettre en avant, c’est que le principe de solidarité à l’égard de nos compatriotes qui ont le plus de difficultés à financer la scolarité de leurs enfants dans ces établissements demeure un principe cardinal : grâce au dispositif de bourses scolaires géré par l’AEFE, sur financement du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, plus de 20 000 élèves français voient chaque année leurs frais d’inscription et de scolarité pris en charge, pour tout ou partie. Ces bourses sont accordées selon un barème qui permet de calculer une quotité de prise en charge, en fonction des revenus du foyer, de sa composition et du montant des frais d’inscription et de scolarité, et sous réserve d’un patrimoine mobilier et immobilier qui se situe en-deçà d’un seuil d’éligibilité.

L’évolution des critères d’attribution doit se faire en respectant les principes cardinaux suivants : soutien aux plus démunis, équité à situation comparable et soutenabilité budgétaire. Au total, cela a représenté plus de 105 millions d’euros en 2024, sans compter l’aide à la prise en charge des accompagnants des élèves en situation de handicap, qui représente plus de 2 millions d’euros.

"...grâce au dispositif de bourses scolaires géré par l’AEFE, sur financement du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, plus de 20 000 élèves français voient chaque année leurs frais d’inscription et de scolarité pris en charge, pour tout ou partie. "

Le ministre Laurent Saint-Martin à Bruxelles ce 09 janvier 2025
Le ministre Laurent Saint-Martin à Bruxelles ce 09 janvier 2025

Au niveau social, des assises de la protection sociale des Français de l’étranger devraient se tenir dans les prochaines semaines avec les élus de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) et l’engagement du gouvernement, qu’attendez-vous de cet exercice ?

Je sais que ces assises de la protection sociale sont attendues par les élus de l’Assemblée des Français à l’étranger. Elles ont été évoquées lors de la dernière session de l’AFE en octobre 2024 et ma prédécesseure s’était engagée à lancer ses travaux en mars 2025.

Il s’agit à la fois de dresser un état des lieux des dispositifs d’aides sociales existants au profit de nos compatriotes établis à l’étranger et de formuler des propositions sur les améliorations qui pourraient être apportées aux dispositifs des aides à la scolarité, des aides sociales directes et indirectes et au fonctionnement de la Caisse des Français de l’étranger.

Cet exercice est utile car notre dispositif peut être optimisé en vue d’une meilleure utilisation, d’une plus grande efficience et d’un service amélioré, toujours au bénéfice de nos compatriotes les plus défavorisés.

Dans le contexte budgétaire contraint qui s’impose à l’ensemble des politiques publiques, dans l’objectif de redressement des finances publiques poursuivi par le Gouvernement, il faudra tenir compte à la fois du périmètre de compétence du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et du caractère limitatif des enveloppes budgétaires existantes en matière d’aides sociales.

"... il faudra tenir compte à la fois du périmètre de compétence du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et du caractère limitatif des enveloppes budgétaires existantes en matière d’aides sociales. "

Toujours sur le plan social, la Caisse des Français de l'étranger est le principal outil de l'État pour prolonger la couverture sociale hors de France. Cependant la situation financière de l’organisme inquiète. Des voix s'élèvent pour demander une révision de son financement, de plus la convention qui lie la CFE à l’État français doit être discutée en 2025, quelles sont vos intentions ?

La question du financement de la CFE est importante et fait d’ailleurs actuellement l’objet d’une mission d’inspection conjointe de l’IGAS et de l’IGF pour identifier des pistes de réforme. Cette inspection a été diligentée par les ministères en charge de la sécurité sociale et du budget, qui exercent la tutelle de la CFE, en réponse aux difficultés d’équilibre financier que traverse cette institution. 

Cette situation est le produit de la diminution des contrats collectifs conclus par les grandes entreprises du fait de la baisse de leurs personnels expatriés, mais aussi du vieillissement de la population et du coût que représente la prise en charge de certaines affections lourdes.

C’est un vrai sujet pour le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères qui contribue chaque année à hauteur de 0,5 à 1 million d’euros à la CFE au titre du dispositif de la catégorie aidée, qui permet à nos compatriotes les plus défavorisés de bénéficier d’une couverture santé à un tarif préférentiel.

Je m’appuierai sur cette mission d’inspection conjointe de l’IGAS et de l’IGF qui devrait rendre ses conclusions au printemps, pour identifier les propositions les plus pertinentes et les partager notamment avec les élus à l’AFE dans le cadre des Assises de la protection sociale en 2025.

" C’est un vrai sujet pour le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères qui contribue chaque année à hauteur de 0,5 à 1 million d’euros à la CFE. "

Les Français de l'étranger : les élus et l'administration

Souvent ce sont les élus des Français de l’étranger sur le terrain qui doivent assumer les décisions et leurs conséquences. Pour autant, ces derniers estiment que le périmètre de leurs actions n’est pas clairement défini, est-ce un sujet que vous souhaitez aborder très prochainement afin de clarifier les compétences des Conseillers des Français de l’étranger ?

Clarifier les compétences des conseillers des Français de l’étranger, c’est précisément l’objet de la charte de l’élu consulaire est en cours de rédaction par l’AFE, depuis plus d’un an. Un projet devrait être prochainement soumis à l’administration avant d’être débattue lors d’une prochaine session de l’AFE. Cette charte a vocation à préciser les relations entre élus et postes, dans le cadre des textes législatifs et règlementaires existants.

Je rappelle que la loi du 22 juillet 2013 a circonscrit la compétence des conseils consulaires aux questions relatives aux Français de l’étranger pour lesquelles un avis des élus est sollicité.

C’est le cas en particulier des réunions convoquées par le président élu du conseil consulaire pour examiner les demandes de bourses scolaires (conseil consulaire des bourses scolaires) ou les demandes d’aides sociales (conseil consulaire protection et action sociales), après instruction par les postes diplomatiques et consulaires.

Les conseils consulaires se réunissent aussi dans d’autres formats prévus par les textes: à l’occasion de la présentation annuelle par le chef de poste d’un rapport sur la situation de la circonscription consulaire et faisant l’état des lieux des actions menées dans les domaines de compétences du conseil consulaire, ou pour examiner les demandes de subventions aux associations au titre du dispositif de soutien au tissu associatif des Français de l’étranger (STAFE) ou de l’appui aux organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES).

" Je rappelle que la loi du 22 juillet 2013 a circonscrit la compétence des conseils consulaires aux questions relatives aux Français de l’étranger pour lesquelles un avis des élus est sollicité. "

Le ministre Laurent Saint-Martin

Enfin, les Français de l’étranger sont presque 3 millions à vivre hors de France, mais ils ne sont que moins de 1,7 million à être inscrits officiellement au registre des Français établis hors de France. Quelles actions pourriez-vous mener pour les inciter davantage à se signaler auprès de leur consulat et à s’inscrire au dit registre ?

Je le répéterai dès que j’en aurai l’occasion : l’inscription au registre est certes facultative, mais elle permet de faciliter considérablement la vie des Français qui s’établissent hors de France !

Au 31 décembre 2024, on comptait 1 741 942 inscrits au Registre des Français établis hors de France et on estime en effet le nombre de compatriotes installés à l’étranger à un peu moins du double. Nos postes diplomatiques et consulaires ne cessent de rappeler l’importance de s’inscrire au Registre et je vous remercie de l’opportunité que vous me donnez de passer de nouveau ce message. On peut aujourd’hui s’inscrire en ligne en quelques clics, sur le site service-public.fr. C’est une démarche d’une grande simplicité, qui évite de se déplacer au consulat.

L’inscription au Registre n’est pas obligatoire, mais elle est fortement recommandée pour tous les Français qui s’installent à l’étranger pour plus de six mois. Elle est valable cinq ans et permet aux usagers de faciliter leurs démarches consulaires, de recevoir des communications régulières sur l’actualité de leur circonscription, comme ce fut le cas cette année pour les élections européennes et législatives, par exemple, mais aussi d’être informés de la conduite à tenir en cas de crise.

L’inscription est obligatoire en revanche pour percevoir des aides sociales ou des bourses scolaires et permet aux jeunes Français d’être automatiquement recensés lorsqu’ils atteignent l’âge de 16 ans.

" L’inscription est obligatoire en revanche pour percevoir des aides sociales ou des bourses scolaires et permet aux jeunes Français d’être automatiquement recensés lorsqu’ils atteignent l’âge de 16 ans."

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