L’an 1 de la guerre énergétique

L’an 1 de la guerre énergétique

L’Europe est entrée dans la guerre énergétique. Ayant déjà interdit ou promis d’interdire les importations de pétrole de Russie, les dirigeants de cette dernière ont décidé de réduire les exportations de gaz. Les gouvernements du G7 ont déclaré le 28 juin dernier qu’ils exploreraient les moyens de plafonner le prix du pétrole et du gaz russe. La conséquence sera à la rentrée un volume moindre de gaz et de pétrole pour l’Europe.

Si pour le pétrole, des solutions alternatives peuvent être assez rapidement trouvées, il en est autrement pour le gaz. Le développement de méthaniers, et la mise en place de terminaux pour le gaz liquéfié exigent de l’argent et du temps. Pour éviter une pénurie, les États-Unis ont augmenté leurs exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’Europe. La part de gaz américain dans les importations totales de gaz du vieux continent est passée de 6 % en septembre 2021 à 15 % en mai 2022, alors même que celle de la Russie est passée de 40 à 24 %.

Le gaz étranglé

Si jusqu’au mois de mai, la constitution des réserves de gaz en Europe était comparable aux années précédentes, la survenue du moindre aléa peut remettre en cause les approvisionnements. Ainsi, le 8 juin dernier, un incendie a fermé l’installation de liquéfaction de gaz de Freeport au Texas. La panne qui devrait durer 90 jours, a privé l’Europe de 2,5 % de son approvisionnement en gaz. La Russie en a profité pour réduire davantage ses livraisons. Gazprom ne livre plus via le gazoduc Nord Stream 1 que 40 % du gaz prévu par contrat en prétextant le retard dans la livraison d’une turbine en cours d’entretien au Canada. Cet incident a réduit de 7,5 % l’approvisionnement de l’Europe. En Europe, les terminaux méthaniers sont saturés offrant peu de marges de manœuvre.

Il y a certainement des moyens pour accroître les livraisons en provenance de l’Algérie, l’Azerbaïdjan ou la Norvège en ayant recours aux gazoducs existants. Les autorités néerlandaises étudient la possibilité de redémarrer le champ gazier néerlandais

de Groningen, qui fournissait autrefois autant que le gazoduc Nord Stream, mais qui avait été progressivement arrêté après avoir provoqué des tremblements de terre. La population des Pays-Bas est divisée au sujet de cette réouverture. Selon Rystad Energy, un cabinet de conseil, l’Union européenne aura reconstitué près des deux tiers ses réserves de gaz en octobre, soit un niveau inférieur à l’objectif initialement fixé des quatre cinquièmes. La Russie pourrait, en outre, arrêter définitivement Nord Stream en juillet. Dans ce cas, les stocks de gaz ne seraient que de 60 % par rapport à leur niveau habituel.

Charbon, France, énergie
Centrale à Charbon, Cordemais, France

L’arrêt de nombreuses centrales nucléaires déstabilise le marché électrique européen

L’Europe est en situation de vulnérabilité énergétique pour plusieurs raisons. La production des énergies renouvelables est aléatoire. En 2021, cette production fut réduite par la sécheresse et par l’absence de vent. L’arrêt de nombreuses centrales nucléaires françaises pour maintenance déstabilise également le marché électrique européen.

Les prix spot de l’électricité en France étaient en moyenne de 197 euros par mégawatt-heure en mai, contre 15 euros il y a un an. Le parc nucléaire vieillissant de la France ne constitue plus une réserve de production électrique pour l’Europe. La France, autrefois le plus grand exportateur d’électricité d’Europe, achète désormais de l’électricité à ses voisins.

La France a dû prendre la décision de remettre en exploitation une centrale au charbon pour répondre à la demande. L’Autriche, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas ont déclaré qu’ils pourraient retarder la fermeture ou rouvrir les centrales au charbon. L’Allemagne a annulé son intention de mettre hors service plus d’un cinquième de ses centrales au charbon cette année.

Avec le Brexit, le gouvernement britannique a annoncé qu’il pourrait ne plus acheminer le gaz qui arriverait sur ses terminaux vers l’Europe continentale, ce qui devrait contribuer à la hausse des cours.

Hiver froid et rationnement

La situation cet automne et cet hiver dépendra également de la météorologie. Un hiver froid pourrait mettre sous tension l’Europe avec des coupures d’électricité et des rationnements qui pourraient pénaliser les entreprises et notamment celles intervenant dans le secteur de l’industrie.

Le compte à rebours est lancé pour empêcher un scénario catastrophe en Europe qui pourrait conduire à une récession.

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