L’Allemagne va taxer les superprofits énergétiques pour alléger la facture des ménages et entreprises

L’Allemagne va taxer les superprofits énergétiques pour alléger la facture des ménages et entreprises

Le gouvernement allemand a fixé les derniers détails de son programme d’aide à l’énergie, qui vise à réduire les factures des ménages et des entreprises. Le financement proviendra d’une taxe sur les bénéfices exceptionnels réalisés par les entreprises du secteur de l’énergie.

Le programme d’aide allemand, d’un montant de 200 milliards d’euros, avait suscité l’indignation des États membres de l’UE, qui avaient prévenu que ce dernier risquait de déclencher une course aux subventions que seul Berlin pourrait gagner.

Vendredi (25 novembre), le gouvernement allemand s’est finalement mis d’accord sur les derniers détails du dispositif qui permettra de réduire les prix du gaz, du chauffage et de l’électricité pour les consommateurs et l’industrie.

« Nous plafonnons le prix de l’énergie [gaz, électricité et chauffage urbain] afin que les citoyens puissent faire face aux nouveaux prix et aux difficultés », a expliqué le chancelier allemand Olaf Scholz.

Des aides à l’énergie à grandes échelles

Les mesures d’aide à l’énergie, qui entreront de facto en vigueur le 1er janvier 2023 et dureront jusqu’en avril 2024, ont un coût élevé : 99 milliards d’euros, dont 56 milliards serviront à subventionner le gaz fossile et le chauffage urbain tandis que les 43 milliards restants seront consacrés à l’électricité.

Les mesures seront appliquées rétroactivement, car elles n’entreront pas en vigueur avant mars 2023.

En vertu de la nouvelle loi, les ménages et les petites entreprises bénéficieront d’un prix fixe de 12 centimes par kilowattheure (kWh) pour 80 % de leur consommation de gaz de l’année précédente. Il en va de même pour les contrats de chauffage. Toute consommation supérieure à 80 % sera soumise au prix du marché.

Les entreprises qui consomment plus de 1,5 million de kWh par an auront accès à des tarifs plus avantageux. Les gros consommateurs et les hôpitaux, quelle que soit leur taille, pourront obtenir du gaz à un tarif de 7 centimes par kWh qui sera limité à 70 % de leur consommation. Le chauffage sera également moins cher pour eux, 7,5 centimes par kWh, mais sera aussi limité à 70 % de leur consommation.

La revente du gaz bon marché autorisée

En octobre, des experts ont recommandé que ces entreprises soient autorisées à vendre leur quota de gaz, ce qui a suscité l’indignation à Berlin. M. Scholz s’est prononcé contre l’autorisation de revente, tandis que le vice-chancelier Robert Habeck a plaidé en sa faveur.

Les lois finalement soumises au parlement autorisent bien les entreprises à revendre leur quota de gaz bon marché.

Selon Georg Zachmann, du groupe de réflexion bruxellois Bruegel, les grands consommateurs de gaz, comme le géant allemand de la chimie BASF, pourraient ainsi réaliser un bénéfice d’environ 2,6 milliards d’euros.

Toutefois, BASF pourrait ne pas demander d’aide d’État, a déclaré son PDG, Martin Brudermüller. En effet, les entreprises qui reçoivent plus de 2 millions d’euros d’aide doivent s’engager à maintenir la production et les emplois en Allemagne, alors que le géant de la chimie a annoncé une réduction de sa production en Europe.

Emmanuelle Macron et Olaf Scholz le 16 juin 2022 à Kiev. Photo Ludovic MARIN / POOL / AFP

Taxer les superprofits

Pour financer ce dispositif, Berlin appliquera une taxe sur les bénéfices exceptionnels réalisés par les entreprises du secteur de l’énergie. Cette taxe s’appliquera du 1er décembre au 30 juin, avec une prolongation possible jusqu’en avril 2024.

Dans le calcul permettant de déterminer l’importance de ces bénéfices, le gouvernement comparera les coûts de production des centrales au charbon et des centrales nucléaires aux prix de l’électricité déterminés sur une base horaire, tout en tenant compte des éventuels contrats de couverture ou contrats à terme détenus par ces entreprises.

Pour les installations d’énergies renouvelables, une moyenne mensuelle sera utilisée. Berlin s’appropriera 90 % des « bénéfices exceptionnels » qui en résulteront.

Le compromis final du gouvernement allemand a suscité des critiques virulentes de la part des associations du secteur énergétique et industriel.

L’association de l’industrie chimique VCI l’a qualifié de « monstre bureaucratique », tandis que l’association de l’industrie énergétique BDEW a prévenu que la prise de 90 % des bénéfices « doit être limitée dans le temps ».

« Il s’agit également de la confiance dans l’Allemagne en tant que lieu d’investissement. Seule une approche mesurée permettra à l’Allemagne d’investir pour sortir de la crise actuelle », a souligné Marie-Luise Wolff, présidente de la BDEW.

De son côté, la puissante association industrielle BDI estime que les conditions liées au programme d’aide sont trop strictes. « Les conditions requises pour que les entreprises puissent bénéficier du cadre européen d’aide sont trop restrictives compte tenu de la gravité de la crise », explique la BDI dans un communiqué.

L’Allemagne, grande dépensière

Les entreprises allemandes ne ménagent pas leurs efforts pour faire pression sur Berlin afin d’assouplir davantage les règles européennes en matière d’aides d’État. Pour faire face à la crise, la Commission européenne a déjà quadruplé le montant des aides que les gouvernements peuvent accorder aux entreprises sans avoir à obtenir le feu vert de Bruxelles, passant de 500  000 à 2 millions d’euros.

« Les décideurs politiques devraient maintenant utiliser toutes les marges de manœuvre légales pour soutenir également les entreprises qui connaissent de graves difficultés en raison des prix élevés de l’énergie mais qui ne remplissent pas encore les critères de l’UE », a souligné la BDI.

Selon Bruegel, 574 milliards d’euros ont été affectés dans les États membres de l’UE pour protéger les consommateurs de la hausse des coûts de l’énergie depuis le début de la crise en septembre de l’année dernière. L’Allemagne est en tête avec ses 264 milliards d’euros alloués.

Cette situation suscite l’inquiétude de la Commission européenne, qui veille au respect des règles européennes en matière de dette et de déficit.

À la mi-octobre, l’exécutif européen a reproché aux gouvernements de l’UE d’être trop généreux en matière d’aides publiques.

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