L’Allemagne refuse un financement européen pour faire face aux États-Unis

L’Allemagne refuse un financement européen pour faire face aux États-Unis

Le financement européen commun soutenu par Bruxelles pour contrer la loi américaine sur la réduction de l’inflation, qui se chiffre en milliards de dollars, risque de se heurter à l’Allemagne, poids lourd de l’industrie de l’Union. Le ministre des Finances Christian Lindner s’est en effet prononcé contre une réponse qui impliquerait toute forme d’emprunt commun au niveau européen.

Les États-Unis, la Chine et d’autres pays dépensent des milliards de dollars pour soutenir leurs industries et attirer les investisseurs grâce à de généreuses subventions, ce qui pousse l’UE à agir. Alors que la Commission européenne envisage un système de financement européen commun — le fonds de souveraineté — pour contrer ces évolutions, l’Allemagne a clairement indiqué que les dettes communes n’étaient pas la solution.

Si le ministre allemand des Finances Christian Lindner a souligné qu’il pourrait être « utile » de « regrouper les instruments existants », il a insisté sur le fait que tout instrument impliquant des dettes communes serait exclu.

« Un fonds de souveraineté ne doit pas être une nouvelle tentative d’emprunt européen commun . Nous ne voyons aucune raison pour une dette européenne commune supplémentaire ».

le ministre allemand des Finances Christian Lindner lors de la réunion des ministres européens des Finances lundi 5 décembre 2022

La veille seulement, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait souligné le caractère essentiel du fonds de souveraineté européen pour une réponse européenne commune à la loi sur la réduction de l’inflation.

« La logique sous-jacente est simple : une politique industrielle européenne commune nécessite un financement européen commun »

la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ce dimanche
Ursula von der Leyen et Joe Biden ©AFP

Assouplissement des règles relatives aux aides d’État

Outre le fonds de souveraineté, qui devrait fournir la force de frappe nécessaire pour contrer l’initiative américaine, Mme von der Leyen a également appelé à un assouplissement des règles européennes en matière d’aides d’État. Cette initiative a quant à elle reçu le soutien du ministre allemand des Finances.

« Une plus grande flexibilité dans les aides économiques pour les subventions est la bienvenue, plus d’agilité et plus de rapidité en tout cas »

le ministre allemand des Finances Christian Lindner lors de la réunion des ministres européens des Finances lundi 5 décembre 2022

Toutefois, l’assouplissement des règles relatives aux aides d’État pourrait s’avérer une arme à double tranchant. Les règles restrictives garantissent qu’aucun pays ne bénéficie d’un avantage économique injuste sur le marché unique en subventionnant son industrie.

Une révision des règles de l’UE en matière de subventions pourrait donc fausser le marché unique, dans la mesure où les pays disposant d’une plus grande puissance fiscale et de taux d’endettement plus faibles seraient en mesure de surpasser leurs homologues européens en dépensant plus d’argent.

Pour Mme von der Leyen, le fonds de souveraineté est l’un des instruments essentiels pour empêcher cette distorsion du marché unique. Alors que les États membres devraient avoir la « flexibilité d’investir leur budget dans des secteurs stratégiques », elle a souligné que « cette approche ne peut être autonome ».

Pour éviter de favoriser les « États aux poches profondes », Mme von der Leyen a donc appelé à une « réponse européenne commune ». Toutefois, le budget de l’UE étant déjà très serré, une réponse européenne capable d’égaler la loi américaine de réduction de l’inflation ne serait possible que par le biais d’emprunts communs ou d’une augmentation des dépenses au niveau national.

Limiter les dépenses publiques

Toutefois, la force de frappe de nombreux États membres de l’UE est également limitée par les règles européennes en matière de dette, qui limitent le montant des dépenses publiques.

Si l’Allemagne dispose d’une marge de manœuvre budgétaire considérable en raison de son taux d’endettement relativement faible, d’autres pays sont moins chanceux. La France, l’Espagne et l’Italie ont toutes un taux d’endettement supérieur à 110 %, ce qui est loin des 60 % prévus par le pacte de stabilité et de croissance de l’UE.

Alors que la Commission européenne a présenté ses plans pour réformer les règles de la dette et des dépenses afin de permettre une plus grande flexibilité, la proposition actuelle ne va pas assez loin pour que l’Allemagne puisse garantir la sécurité fiscale des États membres.

« Les idées de la Commission européenne pour le pacte de stabilité et de croissance ne sont pas la fin du débat, elles en sont, au mieux, le début », a déclaré M. Lindner.

L’une des pierres angulaires de la révision des règles relatives à la dette et aux dépenses consiste à introduire des plans individuels adaptés à chaque État membre au lieu d’un ensemble de règles plus générales s’appliquant à tous les États membres.

Toutefois, le ministre allemand des Finances, qui se qualifiait autrefois d’« ami belliqueux », s’oppose fermement à cette initiative.

Une politique européenne de stabilité et de croissance doit être fondée sur « des règles communes identiques pour tous », a souligné M. Lindner. « Une bilatéralisation des questions relatives à la stabilité de notre ordre fiscal […] ne serait pas une réforme qui rendrait l’Europe dans son ensemble plus forte et plus compétitive », a-t-il ajouté.

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