L’Agence européenne de défense appelle à une coopération renforcée dans l’UE

L’Agence européenne de défense appelle à une coopération renforcée dans l’UE

Les États membres devraient augmenter leurs budgets militaires de 70 milliards d’euros d’ici 2025, mais les achats effectués en dehors de l’Union et le manque de coopération risquent de saper les efforts visant à établir un ensemble cohérent. C’est ce que révèle le nouveau rapport annuel de l’Agence européenne de défense (AED).

« La planification de la défense continue de se faire essentiellement de manière isolée et […] les États membres ne sont toujours pas convaincus par les projets de coopération européenne », peut-on lire dans le rapport de l’examen annuel coordonné en matière de défense (EACD) de l’AED publié mardi (15 novembre).

« La coopération reste l’exception plutôt que la règle, ce qui fait des objectifs convenus des buts insaisissables devant être atteints dans le futur », déclare sans ambages l’AED dans son rapport.

Le même jour, les ministres de la Défense de l’UE se réunissaient à Bruxelles pour leur réunion régulière d’évaluation des capacités de l’Union.

Selon l’AED, seuls 18 % de l’ensemble des investissements dans les programmes de défense impliquaient une coopération entre les États membres de l’UE.

«Les États membres ont tendance à acheter [des équipements] prêts à l’emploi s’il n’existe pas de solution au niveau national ou en cas de contraintes de temps », souligne le rapport.

En effet, de nombreux États membres préfèrent acheter individuellement des armes et des équipements auprès de fournisseurs hors UE plutôt que d’investir dans des projets de l’industrie européenne de la défense, qui sont souvent considérés comme trop longs et complexes.

Cette tendance à s’appuyer sur des fournisseurs externes a, selon le rapport, été « amplifiée » par la guerre que mène la Russie en Ukraine, une situation qui alimenterait le risque que la défense européenne continue de se désintégrer et que les dépendances externes augmentent.

À titre d’exemple, l’Allemagne cherche à acheter un système israélien de défense antimissile, la Pologne a récemment commandé ses principaux chars de combat à la Corée du Sud, et plusieurs autres États membres sont actuellement en concurrence pour obtenir des lance-roquettes multiples et d’autres équipements militaires américains.

Le rapport de l’agence européenne intervient alors que la Commission européenne a proposé un nouvel instrument destiné à encourager les gouvernements européens à soutenir l’acquisition groupée d’armement : la loi sur le renforcement de l’industrie européenne de la défense par la loi sur les marchés publics (EDIPRA).

Toutefois, les États membres ont là aussi étudié une solution qui pourrait permettre à ce futur fonds européen de soutenir les achats groupés auprès de pays tiers, sans doute principalement les États-Unis.

Rattraper le retard dans les dépenses de défense

Après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, les budgets de la défense ont augmenté chaque année, après avoir observé une baisse continue due à la crise financière de 2008.

Toutefois, les États membres du bloc ne peuvent espérer atteindre un niveau de dépenses permettant de compenser les années de sous-financement de leurs armées nationales qu’en 2023.

Dans l’Union européenne, les dépenses de défense ont augmenté de 6 % et atteint 214 milliards d’euros en 2021, selon les dernières estimations de l’UE.

Ces chiffres n’incluent qu’une partie de la promesse de l’Allemagne de dépenser 100 milliards d’euros supplémentaires pour son armée, la Bundeswehr, indique l’agence de défense de l’UE, car on ne sait pas exactement quand cet argent sera versé.

Les données prévoient également une augmentation supplémentaire allant jusqu’à 70 milliards d’euros d’ici 2025, les budgets de défense nationaux ayant reçu un soutien additionnel après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février dernier.

Plus de coopération, mais comment ?

« Nous devons être prêts à mener la guerre de demain, pas celle d’hier, et cela nécessite de nouvelles capacités technologiques », a déclaré le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, qui est également à la tête de l’agence.

« La meilleure façon de mieux dépenser est de dépenser de manière coordonnée », a-t-il affirmé avant d’ajouter que la coopération en matière de défense associée à une augmentation des dépenses est le seul moyen de garantir que l’Europe dispose de forces pouvant répondre à n’importe quelle crise.

Mais les responsables de la défense de l’UE craignent qu’une coopération accrue, si elle se fait de manière isolée, contribue également à une plus grande fragmentation.

Pour cette raison, le rapport présenté aux ministres de la Défense de l’UE a identifié plusieurs lacunes importantes en matière de capacités que les États membres doivent s’efforcer de combler ensemble. Le rapport souligne notamment le manque de capacités dans le transport aérien de longue distance, les porte-avions et les pétroliers destinés à fournir du carburant aux navires de guerre et aux systèmes de défense aérienne.

En outre, il identifie 41 domaines de coopération possible dans le développement des capacités et présente 42 projets de coopération identifiés dans le domaine de la recherche et technologie, ainsi qu’une liste de 23 domaines opérationnels identifiés.

Toutefois, la coopération structurée permanente (CSP) de l’UE continue de souffrir du faible engagement des États membres en faveur d’une coopération conjointe et de la mise en œuvre de projets.

Les États membres ne parviennent pas à utiliser pleinement le cadre de la CSP et les initiatives prises jusqu’à présent sont restées en deçà des attentes, si l’on en croit un projet de rapport d’évaluation annuel consulté par EURACTIV plus tôt cet été.

Seule la moitié des 60 projets en cours environ sera en mesure de fournir des résultats concrets d’ici la fin du cycle en 2025, poursuit le rapport.

Certains projets possèdent de graves lacunes, et des responsables de la défense de l’UE ont confié à EURACTIV qu’il était envisagé d’abandonner au moins certains de ceux qui n’ont pas été suffisamment développés.

Seuls deux projets ont atteint leur « pleine capacité opérationnelle » jusqu’à présent : le commandement médical européen et l’équipe d’intervention cybernétique rapide, ce dernier projet étant le seul qui sera totalement prêt d’ici la fin de l’année.

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