La zone euro et la destruction créatrice 

La zone euro et la destruction créatrice 

Dans son ouvrage, « Capitalisme, socialisme et démocratie » de 1942, Joseph Schumpeter indique que « le capitalisme est un processus de destruction créatrice ». À travers cette formule, il décrit la dynamique qui sous-tend l’évolution de l’économie. L’arrivée de nouveaux produits ou services intervient sous forme de remplacement ou d’amélioration de produits et services anciens. 

Ce processus est source d’innovations, de progrès technique et de croissance. Depuis une vingtaine d’années, le principe de la destruction créatrice est retenu pour interpréter les cycles économiques et pour expliquer la croissance. L’Europe se démarquerait des États-Unis en raison de son faible niveau de la destruction créatrice. 

Trois facteurs expliqueraient le faible pouvoir de la destruction créatrice en Europe : le faible renouvellement des grandes entreprises, la protection de l’emploi et la faiblesse de l’investissement. 

Le faible renouvellement du tissu économique en Europe 

Neuf des dix plus grandes entreprises de la zone euro existent déjà depuis plus de quarante ans et huit d’entre elles sont dans des secteurs traditionnels. L’Europe est absente dans les domaines des technologies de l’information et de la communication. Les entreprises présentes dans ce domaine comme Atos ou Siemens rencontrent actuellement des difficultés. Malgré la puissance de l’industrie automobile en Europe, aucune marque n’a réussi à s’imposer sur le créneau des voitures électriques comme la marque américaine Tesla a pu le faire en quelques années.

Les six premières capitalisations aux États-Unis sont des entreprises relevant du secteur des technologies de l’information. Facebook a été créé en 2004, Tesla en 2003, Google en 1998, et Amazon en 1994.

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Protection forte de l’emploi dans la zone euro 

Le degré de protection de l’emploi est élevé dans la zone euro. Les États membres privilégient le maintien dans l’emploi quand, aux États-Unis, la priorité est donnée à la mobilité. Cette différence d’approche s’est illustrée durant l’épidémie de covid en 2020. En Europe, les gouvernements ont soutenu les entreprises afin qu’elles maintiennent leurs effectifs quand, aux États-Unis, celles-ci pour faire face à l’arrêt de l’activité ont licencié leurs salariés qui ont été aidés par l’État. Si le nombre de défaillances d’entreprises a été réduit en Europe et si le taux de chômage est resté relativement faible, le rebond a été moins rapide qu’aux États-Unis. Dès la fin des confinements, les États-Unis ont pu ainsi très revenir au plein-emploi. En Europe, la productivité par tête est, depuis 2019, à la baisse quand elle progresse outre-Atlantique.

Faiblesse de l’investissement 

Le taux d’investissement dans les technologies de l’information et de la communication en 2023 s’élevait à 3,8 % du PIB aux États-Unis, contre 2,6 % en zone euro. Depuis 2002, ce taux a augmenté de 0,6 point de PIB aux États-Unis et de 0,3 point en zone euro. 

Les dépenses de Recherche-Développement sont passées de 2002 à 2023, de 2,5 à 3,5 % du PIB aux États-Unis et de 1,8 à 2,2 % du PIB en zone euro. Le mouvement de déplacement de la production et des emplois vers les entreprises les plus sophistiquées est plus lent dans la zone euro qu’aux États-Unis.

Dans ce contexte, l’écart de productivité par tête ne peut que s’accroître. Celle-ci a augmenté de 47 % aux États-Unis entre 2002 et 2023 contre seulement 9 % en zone euro. Sans rupture de la tendance en cours, la zone euro est menacée d’une réelle marginalisation. 

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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