La réélection du président français Emmanuel Macron a renforcé sa vision d’une Europe souveraine et pourrait également réduire le potentiel de leadership politique de l’Allemagne au sein de l’Union européenne.
Si le résultat de l’élection présidentielle française a été accueilli avec soulagement dans de nombreux États membres de l’UE, la réélection de M. Macron souligne également le fort rôle de leadership de la France.
« Je pense que Macron s’est maintenant imposé comme la voix incontournable, la voix légitime de l’Europe, même si le résultat était relativement serré », a confié à EURACTIV Henning Vöpel, directeur au Centre de politique européenne (CEP) à Berlin.
Le fait que la France joue un rôle de leader plus important en Europe est renforcé par plusieurs facteurs, selon M. Vöpel.
La position hésitante du gouvernement allemand sur la guerre menée par la Russie en Ukraine notamment, une position qui a considérablement affaibli la place de l’Allemagne dans l’UE. Non seulement Berlin a freiné les choses en ce qui concerne les sanctions de l’UE, mais son refus de fournir des armes lourdes à l’Ukraine a également réduit ses possibilités de leadership.
« Je pense que l’Allemagne doit maintenant se contenter de remplir au mieux le deuxième, voire le troisième rôle en Europe. Et cela, bien sûr, est en partie dû aux tergiversations et aux hésitations du chancelier Olaf Scholz », a expliqué M. Vöpel.
Dans le même temps, la guerre a également mis en évidence les faiblesses de ses politiques de ces dernières décennies relatives à la Russie.
Alors que la France a toujours mis en garde contre une trop grande dépendance économique à l’égard de la Russie — notamment en ce qui concerne la construction du gazoduc controversé Nord Stream 2 — la politique russe de l’Allemagne était motivée par la tentative de rapprocher la Russie de l’Occident par une intégration économique plus étroite. Cette approche a largement échoué, compte tenu de la guerre menée par la Russie en Ukraine.
Dans le même temps, l’Allemagne est également beaucoup plus isolée que la France dans d’autres domaines. Emmanuel Macron, par exemple, a cherché une alliance étroite avec son homologue italien, Mario Draghi, sur la réforme des règles de la dette européenne.
« En particulier face aux crises actuelles, Macron va essayer de travailler avec Draghi pour faire pression en faveur d’une plus grande marge de manœuvre financière afin de pouvoir assumer les investissements nécessaires », a souligné M. Vöpel.
Bien que l’Allemagne, en particulier, a hésité à soutenir la réforme et l’assouplissement des règles fiscales de l’UE, l’équilibre des forces en Europe s’est déplacé vers la réforme des règles, a-t-il ajouté.
La place de l’Allemagne dans l’UE
Cependant, les positions de l’Allemagne coïncident désormais avec les visions de M. Macron dans de nombreux domaines, notamment la volonté de favoriser la souveraineté européenne.
Alors que les appels de M. Macron en faveur d’une Europe souveraine dans son discours visant à présenter son programme à la Sorbonne en 2017 sont principalement restés lettre morte au sein du gouvernement allemand, la question figure désormais en tête de l’ordre du jour en Allemagne. Le Zeitenwende — le « tournant » — de M. Scholz est déjà profondément ancrée dans le discours allemand et va au-delà des effets immédiats de la guerre en Ukraine.
Mercredi dernier, par exemple, le ministre des Finances du pays, Christian Lindner, a appelé à une réinitialisation stratégique complète de la politique allemande.
« Nous sommes dans une situation à triple risque. Nous sommes devenus trop dépendants de l’énergie russe, de la sécurité américaine et du commerce avec la Chine », a estimé M. Lindner dans un entretien accordé à Focus Online. Par conséquent, a-t-il ajouté, l’Allemagne doit maintenant « redéfinir son modèle économique ».
Lors d’un entretien avec EURACTIV, l’eurodéputé SPD allemand Udo Bullmann a également souligné qu’il était désormais nécessaire de renforcer la souveraineté européenne.
Ce qu’il faut maintenant, c’est « une politique européenne pleine de confiance en soi, mais aussi d’objectifs clairs de maintien de la paix, du rôle international de l’Union européenne, et d’un nouveau modèle économique et de développement face au changement climatique », a déclaré M. Bullmann.
De son côté, le directeur du CEP Paris, Marc Uzan, a également exprimé sa confiance dans la capacité de l’Allemagne à changer.
« L’Allemagne est à un tournant, et je pense que Berlin sera à la hauteur du défi », a-t-il indiqué à EURACTIV.
Selon lui, la France pourrait également jouer un rôle clé pour l’Allemagne dans ce bouleversement politique.
« Marcon pourrait être le pont qui aidera l’Allemagne à changer son modèle de croissance et peut-être aussi son modèle géopolitique », a souligné M. Uzan.
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