Le Prix littéraire Québec-France Marie-Claire-Blais est un prix du public. Cette année son lauréat est « la vallée des Lazhars » de Soufiane Khaloua.
Ce premier roman a été sélectionné parmi trois finalistes par une très large majorité de 15 comités de lecture répartis sur les territoires québécois et français. Voilà une originalité à saluer. C’est un prix de lecteurs. On accuse parfois les Jurys des prix littéraires d’arrières pensées commerciales ou de partis pris liés à des connivences de coulisses.
Ici rien de tout cela.
Un jury populaire et libre de ses coups de cœur
Un jury populaire, librement composé d’un réseau d’amoureux de la langue française et qui communiquent depuis les deux rives de l’Atlantique entre le Québec et la France ces deux postes avancés de la francophonie.
Ces comités de lecture comptent des passionnés aux coups de cœur affirmés. Dans la dernière ligne droite ils ont eu à trancher avec d’autres romans qualifiés.
- Orchidéiste de Vydia Narine, paru chez Les Avrils
- Les conditions idéales de Mokhtar Amoudi, paru chez Gallimard
Un comité du prix littéraire composé de lecteurs passionnés
Nous avons pu échanger avec le Comité du Prix littéraire qui organise toutes les étapes de la sélection. Nous remercions Francine Bouchard qui est la secrétaire générale du réseau Québec France / Francophonie.
Nous avons interrogé Marie-Claude Leclercq, membre active du comité sur les raisons du choix public opéré cette année.
"Roméo et Juliette transposé au Bled"
Boris Faure : Vous venez de distinguer la Vallée des Lazhars un premier roman en forme de flash back. Un vieil homme va raconter un épisode structurant de son adolescence au Maroc dans une vallée de l'est du pays qui met au prise deux clans adverses qui se détestent. Un mariage est organisé et tout va s'accélérer...On pense à un western marocain ou à un Roméo et Juliette transposé au bled. Quels sont les éléments du récit ou de style que le jury a voulu récompenser ?
Marie-Claude Leclercq : les lecteurs et lectrices ont trouvé que le roman se lisait facilement ! Que le vocabulaire était accessible et qu’il y avait de belles descriptions. Le rythme est soutenu et donne envie de le lire d’une traite. On ressent du vécu, ce qui garde l’attention. Certains ont éprouvé de la difficulté à se retrouver, au début, dans la généalogie des personnages, mais cela s’estompe au cours de la lecture et les personnages sont attachants et l’histoire accrocheuse. En général l’écriture est appréciée parce que fluide.
Un roman qui se lit facilement
Boris Faure : Pour les membres du prix la distinction d'un romancier qui est par ailleurs professeur de français et qui parle des rapports complexes des langues arabe et française au Maroc a t'il une signification politique au sens où la francophonie s'inscrit désormais plus nettement dans des contextes multiculturels où le français côtoie aussi d'autres langues ?
Marie-Claire Leclercq : On peut penser effectivement aux rapports entre la langue française et la langue anglaise au Québec, mais ce n’est pas ce que les lecteurs et lectrices ont évoqué dans leurs remarques. Et la situation est différente! Il faut dire que le sujet n’est pas nouveau surtout dans les grandes villes et que le Québec doit défendre son caractère francophone, plongé dans un océan anglophone. Les jeunes suivent l’école en français, tous les niveaux d’études sont assurés dans la langue. Et bien sûr, ils parlent et maîtrisent souvent bien l’anglais. Cela reste une menace pour le français et un sujet de préoccupation et de vigilance politique. Le contexte québécois est donc bien différent de celui évoqué par La Vallée des Lazhars. L’exotisme du roman a contribué à son attrait.
Le roman sur une jeunesse un peu perdue et clivée dans ses racines multiples
Boris Faure : L'auteur est invité en tournée de présentation au Québec en avril. Ce roman qui parle d'une jeunesse un peu perdue et clivée entre ses racines et le désir de s'en émanciper pourra t-il être évocateur pour la jeunesse québécoise ?
Marie-Claire Leclercq : Je ne peux pas parler de ce que ressentiront les jeunes au Québec à la lecture de ce roman ni même s’ils vont le lire…mais les membres des comités de lecture ont tous, en plus de reconnaître dans le roman une histoire d’amours impossibles entre deux familles ennemies qui a été apparentée rapidement à l’histoire de Roméo et Juliette, les membres donc, ont tous noté l’impact de la différence de culture ressentie par le narrateur. Ce dernier est partagé entre ses racines marocaines…lointaines…et françaises. On ressent bien, dans le roman, ce sentiment à la fois d’appartenance et d’étrangeté entre les deux pays. Et les enfants d’immigrants peuvent ressentir la même chose au Québec…ou ailleurs.
Boris Faure : Quels ont été les principaux retours des comités de lecture ?
Marie-Claire Leclercq : C’est un roman sur le déracinement, le devoir de mémoire, la perte et la recherche d’identité. Il comporte des réflexions intéressantes sur la notion de nationalité , la société et l’appartenance. Sur l’Importance et attachement aux traditions et la transmission de la culture. Il évoque enfin la difficulté pour un enfant d’immigrés de se construire un avenir dans son pays d’accueil et de renouer avec ses racines. Et ceci n’est pas étonnant, car le Québec est un pays d’immigration et les cultures différentes se côtoient sur tout le territoire. Proportionnellement à sa population, le Québec reçoit plus d’immigrants que la France.
Un roman entre déracinement et assimilation
Pour les lecteurs, il est possible de comprendre les sentiments de déracinement des immigrés et aussi de comprendre ou de constater qu’après deux ou trois générations sur le territoire, l’assimilation est presque complétée… surtout pour les jeunes qui sont allés à l’école française au Québec et vivent dans un contexte francophone. Ceci est une remarque générale et on note que souvent il reste, chez les enfants d’immigrés, des liens plus ou moins ténus avec le pays d’origine (intérêt, langue, goûts culinaires, désir de voyages…)
Un roman pour s'ouvrir sur le Maroc et ses us et coutumes
C’est un roman qui permet de s’ouvrir sur une autre culture. En effet, les lecteurs et lectrices ont noté que le roman était un bon moyen de côtoyer une culture différente, qu’il donne le goût d’en apprendre davantage sur le Maroc et qu’il permet de se défaire de préjugés, de connaître les us et coutumes d’un autre pays en même temps que les relations entre générations.
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Auteur/Autrice
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Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.
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