Quand on est Français, il existe une césure invisible, plus forte que celle qui sépare les « pays de langue d’oc et d’oïl », celle qui détermine si on célèbre le Père Noël le 24 décembre ou la Saint-Nicolas le 6 décembre. Globalement, le match est plié, c’est le Père Noël qui a raflé la mise en France. Mais dans le 6 décembre reste un grand jour de fête dans le Nord et l’Est de la France. Traditionnellement dans ces régions, c’est ce personnage, et non le Père Noël, qui apporte les cadeaux aux enfants sages, tandis que le Père fouettard, qui l’accompagne, s’occupe des garnements. Mais qu’en est-il ailleurs ?
Une vielle légende et un père fouettard
Tout d’abord, on s’intéresse au mythe de Saint-Nicolas. On commence par son parcours, Saint-Nicolas a vécu en Asie Mineure aux IIIe et IVe siècles où il est évêque de Myre. Il est au cœur d’une légende qui fait de lui le Saint Patron des enfants. La voici :
Sept années plus tard, Saint-Nicolas, passant dans la région, entend cette terrible histoire. Il se rend chez le boucher, qui flatté d’une telle visite, l’accueil avec amabilité. Saint-Nicolas réclame du petit salé qui est au saloir depuis 7 ans. Le boucher comprend alors et tente de s’enfuir, mais Saint-Nicolas l’arrête et ressuscite les 3 enfants donnant naissance au mythe.
Une autre légende raconte comment le futur « vrai » Père Noël évite à un homme endetté de vendre ses trois filles comme esclaves pour s’en sortir (un procédé classique dans l’Antiquité) : pendant trois nuits consécutives, l’évêque de Myre jette assez d’argent dans le logis familial (par la fenêtre ou la cheminée, les versions diffèrent) pour que le père puisse rembourser ses dettes et pourvoir ses filles d’une dot. Une autre légende dit que le bon Saint-Nicolas aurait sauvé de la tempête un bateau transportant une cargaison de blé pour la ville de Myre.
Trois jeunes enfants égarés après être allés glaner dans les champs trouvent refuge chez un boucher. Celui-ci les accueille et les nourrit avec bienveillance avant de leur offrir un lit. Il profite alors de leur profond sommeil pour les égorger, les découper en morceaux et les jeter dans son saloir.
Dans les festivités de la Saint-Nicolas tout comme au cœur de l’imaginaire enfantin, Saint-Nicolas forme un binôme bien connu avec un compère beaucoup moins avenant, le fameux Père Fouettard, dont la mission principale est de punir les enfants turbulents. Tandis que Saint-Nicolas voit son rôle de protecteur renforcé en pendant du sombre Père Fouettard. Cependant, peu à peu, la tradition du Père Noël supplantera celle de son inspirateur dans la grande majorité de la France mais pas ailleurs.
Allemagne, Belgique, Pays-Bas, USA
Étonnamment, si au XVIe siècle, Saint-Nicolas subit le bannissement dans une bonne partie de l’Europe, réforme protestante oblige, il resurgira rapidement dans ces pays qui conserveront ce rituel, alors que les Huguenots, à la différence des catholiques, ne reconnaissent pas les Saints.
Ainsi, les Hollandais gardèrent la tradition au chaud, en attendant sa résurrection quelques années après et vont même e profiter pour l’importer de l’autre côté de l’Atlantique. Normal : ils sont parmi les premiers à coloniser l’Amérique, où ils n’oublient pas d’apporter leur « Sinterklass » (Saint-Nicolas en néerlandais). De quoi donner Santa Claus (le « Père Noël » américain) un peu plus tard. Des chrétiens américains s’approprient la légende et rapprochent, dans la version moderne de la fête de Saint-Nicolas, la venue du Père Noël de la naissance du Petit Jésus. Il fera donc sa tournée le 24 décembre ! Cette remise au goût du jour n’empêchera pas d’autres chrétiens de rester fidèles à la Saint-Nicolas. Les enfants de Lorraine en savent quelque chose. Ils y ont gagné un deuxième Noël…
Et aujourd’hui ?
Aujourd’hui, Saint-Nicolas est fêté par un grand nombre de pays d’Europe : en France, Allemagne, Suisse, Luxembourg, Belgique, Hollande, Russie, Pologne, Autriche et d’autres encore, sans oublier les USA au-delà des rivages européens…
Ainsi, dans la nuit du 5 au 6 décembre, il passe dans les maisons pour apporter aux enfants sages différentes friandises (fruits secs, pommes, gâteaux, bonbons, chocolats et surtout, de grands pains d’épices représentant le St Evêque). Saint-Nicolas est, comme on l’a vu plus haut, accompagné du Père Fouettard qui, vêtu d’un grand manteau noir avec un grand capuchon et de grosses bottes, n’a pas le beau rôle puisqu’il distribue des coups de triques aux enfants pas sages et donne aussi parfois du charbon, des pommes de terre et des oignons.
Auteur/Autrice
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Chantal Julia est maitre de conférence en Suisse. Après plusieurs années à l'Université de Lettre Paris 1, Chantal a suivi son compagnon à Lausanne où elle enseigne toujours la littérature française. Elle écrit pour différents magazines universitaires et Lesfrancais.press
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