La Russie financera-t-elle l’armée ukrainienne ?

La Russie financera-t-elle l’armée ukrainienne ?

Un actif de réserve n’a de valeur pour son propriétaire que s’il peut en disposer librement. La Russie apprend à ses dépens le bien-fondé de cette règle. Comme tous les États, ce pays a placé une partie de ses réserves dans des banques à l’étranger. Or, depuis l’invasion de l’Ukraine, ces actifs sont gelés au sein de nombreux pays occidentaux. Les établissements russes ne peuvent ni les déplacer, ni en percevoir les revenus. Ainsi, sur les 282 milliards de dollars d’actifs russes immobilisés quelque 207 milliards de dollars sont détenus chez Euroclear, une chambre de compensation basée en Belgique. Lorsque les paiements de coupons sur les actifs russes arrivent à échéance ou que les obligations sont remboursées, Euroclear place les liquidités sur un compte bancaire. Ce compte est désormais doté de plus de 130 milliards de dollars. 

Les gouvernements occidentaux s’interrogent sur la possibilité d’utiliser ces revenus pour aider l’Ukraine. La Russie financerait son adversaire afin que ce dernier puisse lui faire la guerre. Dans le passé, les agresseurs, en cas de défaite, pouvaient se voir infliger des dommages de guerre. Dans le cas présent, l’Ukraine recevrait une aide de la part de la Russie avant même la fin des hostilités.

Le coût de la guerre pour l’Ukraine évalué à plus de 480 milliards de dollars

Le coût de la guerre pour l’Ukraine, compte tenu des destructions, a été évalué à plus de 480 milliards de dollars par la Banque mondiale. Ses besoins en armement se chiffrent à plusieurs dizaines de milliards de dollars. 

La préemption des revenus des réserves russes apparaît d’autant plus nécessaire que la Chambre des représentants américaine, sous la pression de Donald Trump, a bloqué le versement de 80 milliards de dollars à l’Ukraine. Cette dernière ne tient pour le moment que par les aides européennes qui devraient atteindre cette année 50 milliards d’euros. 

Face à d’importantes difficultés d’approvisionnement en armes et munitions, le 26 février dernier, Dmytro Kuleba, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, a demandé que les avoirs russes puissent être confisqués. Il a reçu l’appui de Janet Yellen, la secrétaire d’État au Trésor américaine, qui a appelé ses collègues occidentaux à donner leur accord pour l’utilisation des ressources des fonds russes gelés.

Russie
Siège de la banque centrale russe ©AFP

Les Occidentaux ont-ils le droit disposer des actifs russes ?

Ursula von der Leyen, la Présidente de la Commission européenne, souhaite affecter les liquidités présentes sur le compte d’’Euroclear pour acheter du matériel militaire pour l’Ukraine. 

Les Occidentaux ont-ils le droit disposer des actifs russes ? En droit, la Cour internationale de Justice est compétente pour se prononcer sur une éventuelle dévolution de ces biens financiers mais cela suppose que l’Ukraine et la Russie acceptent son arbitrage ce qui, en l’état du conflit, est peu probable. À défaut de recourir à la Cour internationale, le Conseil de sécurité de l’ONU pourrait se saisir du dossier à la demande d’un de ses membres mais l’adoption d’une résolution de spoliation n’a aucune chance d’être adoptée car la Russie dispose en tant que membre permanent d’un droit de veto. 

Lawrence Summers, ancien secrétaire au Trésor américain, estiment que la Russie s’est placée hors du droit international en envahissant l’Ukraine. De ce fait, elle pourrait se voir infliger des sanctions qui peuvent entrer en contradiction avec le droit international. Le gel des avoirs entre dans cette catégorie mais leur confiscation pourrait être considérée comme un acte de guerre car irréversible. 

Un conflit direct

Certains comme le professeur de droit Lee Buchheit estime que les fonds russes pourraient être utilisés pour rembourser l’Ukraine qui détient de nombreuses créances impayées sur la Russie. Le professeur propose que les pays occidentaux accordent un prêt à l’Ukraine gagé sur les créances qu’elle détient sur la Russie. En cas de nom paiement de celles-ci, ce qui est fort probable, les Occidentaux pourraient saisir les liquidités sur le compte d’Euroclear. 

Un tel plan suppose au préalable une connaissance exacte des créances en question. Or pour le moment, l’inventaire n’a pas été réalisé. Pour le moment, la France et l’Allemagne sont réticentes à entrer dans un tel système. De même la Belgique qui abrite Euroclear ne souhaite pas être au cœur d’un conflit direct avec la Russie. 

À défaut de ce mécanisme de prêts, le principe d’une taxation des fonds gelés a été avancé. La légalité d’un impôt dû par un seul propriétaire pourrait se poser également. 

Deux ans après le début de la guerre, en plein ralentissement de la croissance, les pays occidentaux peinent à dégager les ressources suffisantes pour financer l’effort de guerre ukrainien. Le blocage de l’aide américaine par le Congrès et les réticences de certains Etats de l’Union européenne compliquent l’approvisionnement en armes et munitions de l’Ukraine. 

Avec l’arrivée du printemps, synonyme d’une éventuelle reprise de la guerre de mouvement, les besoins de l’armée ukrainienne augmenteront obligeant les Occidentaux à trouver des solutions dans des délais relativement brefs.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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1 Comments

  1. Arretez ces raisonnements idiots , l’important , c’est la paix bande de nouilles!

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