Lorsque l’application mobile de rencontres Tinder a été lancée sur les campus américains en 2012, elle a rapidement rencontré un succès éclatant, surpassant Match.com (qui avait racheté Meetic en France), lancé en 1995. Le succès de Tinder repose sur la possibilité offerte aux utilisateurs de parcourir facilement d’innombrables photos en vue de rendez-vous potentiels, d’un simple glissement de doigt, alors que Match.com exigeait que les internautes remplissent un questionnaire avant de pouvoir trouver l’âme sœur ou un rendez-vous éphémère. Selon un rapport du Pew Research Center, un centre de recherche américain, 30 % des adultes aux États-Unis avaient utilisé un service de rencontres en ligne, dont plus de la moitié des personnes âgées de 18 à 29 ans. Un couple sur cinq de cet âge s’est rencontré grâce à un tel service. L’utilisation de ces services a augmenté pendant la pandémie, alors que les célibataires solitaires, confinés, cherchaient des partenaires.
350 millions de personnes dans le monde ont une application de rencontres sur leur téléphone
Les applications de rencontres en ligne sont également un succès en bourse, comme en témoigne la capitalisation de Bumble, un rival de Tinder, qui a bondi à 13 milliards de dollars dès son premier jour de cotation en février 2021. La valeur de ce secteur dépasse aujourd’hui, à la bourse de New York, les 50 milliards de dollars. Actuellement, environ 350 millions de personnes dans le monde ont une application de rencontres sur leur téléphone, contre 250 millions en 2018, selon le cabinet d’études Business of Apps.
En juin, la commune de Tokyo a même annoncé qu’elle lancerait sa propre application pour mettre en relation les célibataires de la ville, afin de contrer le déclin des naissances au Japon et d’encourager les habitants à se rencontrer. Si, durant les confinements liés à la pandémie de Covid-19 en 2020 et 2021, les sites de rencontres en ligne ont connu un véritable essor, ils enregistrent depuis une baisse sensible de leur activité. Les applications ont été téléchargées 237 millions de fois dans le monde en 2023, contre 287 millions en 2020. Selon la société d’études Sensor Tower, le nombre de personnes utilisant ces applications au moins une fois par mois est passé de 154 millions en 2021 à 137 millions en 2023. Bumble a annoncé, début août, une croissance de son chiffre d’affaires de seulement 3 % sur un an pour le trimestre d’avril à juin. La société a abaissé ses prévisions de croissance pour l’ensemble de l’année à 0,5 %. La valeur de l’action a chuté de 33 % le 7 août. Match Group a, quant à lui, indiqué que son chiffre d’affaires pour le même trimestre n’avait augmenté que de 4 %.
La magie des applications de rencontres semble s’estomper.
La magie des applications de rencontres semble s’estomper. Elles sont devenues, pour beaucoup, une source de frustration. Les effets de réseau qui ont initialement propulsé des services comme Tinder, dans lesquels un choix élargi de partenaires attirait toujours plus d’utilisateurs, les ont aujourd’hui rendus exaspérants. Les utilisateurs se plaignent de passer des heures à trier des milliers de profils. La moitié des femmes interrogées par le Pew Research Center ont déclaré se sentir dépassées par le nombre de messages qu’elles recevaient.
La surreprésentation des hommes sur ces sites ne facilite pas les rencontres. Sur Tinder, ces derniers représentent 84 % des utilisateurs. La multiplication des escroqueries et des actes violents nuit également à ces sites. Les jeunes adultes se lassent rapidement des applications.
Une enquête commandée l’année dernière par Axios, un site d’information américain, a révélé que seulement un cinquième des étudiants américains les utilisaient au moins une fois par mois. « Ce n’est pas amusant, c’est tellement superficiel et vraiment épuisant », déplore un jeune influenceur sur TikTok. Le prix d’accès aux applications de rencontres explique également leur moindre succès.
Certains abonnements peuvent atteindre près de 500 dollars, comme sur Tinder. Avec la vague inflationniste qui érode le pouvoir d’achat, le nombre d’utilisateurs payants de Tinder a diminué entre 2022 et 2023 pendant sept trimestres consécutifs. Les célibataires semblent de plus en plus disposés à quitter l’univers digital pour rencontrer quelqu’un dans la vie réelle.
Course à pied et cours de cuisine pour rechercher des partenaires.
Aux États-Unis, en 2023, une start-up, Pear, a commercialisé une bague de couleur turquoise symbolisant que son porteur est disponible pour être courtisé. Les jeunes privilégient les événements ludiques pour se rencontrer. La romance ne se limite pas aux bars ; les clubs de course à pied sont devenus un lieu de rencontre pour les sportifs. Les cours de cuisine sont également prisés pour rechercher des partenaires. La fréquentation de ces événements pour célibataires a augmenté de 42 % entre 2022 et 2023.
Les applications de rencontres en ligne tentent de réagir en multipliant les événements, mais ceux-ci semblent souvent artificiels. Les applications qui restent attractives sont celles spécialisées. Grindr, une application destinée aux hommes homosexuels, enregistre toujours de bons résultats. Match Group multiplie les sites ciblés sur des segments spécifiques de la population : Archer pour les hommes homosexuels, Stir pour les parents célibataires, BLK ou Chispa pour les minorités ethniques, et The League pour les personnes aisées. Le chiffre d’affaires de ces sites a progressé entre mi-2023 et mi-2024 de 17 %.
Les populations des pays occidentaux se segmentent de plus en plus. Les personnes à la recherche de partenaires souhaitent que ceux-ci partagent leurs idées et leurs valeurs. Les applications spécialisées répondent à cette demande avec des messageries en ligne et des services supplémentaires. Grindr propose par exemple l’accès à une agence de voyages et à des conseils en matière de santé destinés aux homosexuels.
Les applications de rencontres en ligne sont contraintes de se réinventer pour maintenir leur chiffre d’affaires. Elles deviennent de plus en plus des sociétés de services, avec un axe de développement centré sur les relations publiques.
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