La possible arrivée de l’extrême droite au pouvoir en France inquiète les pays de l’OTAN

La possible arrivée de l’extrême droite au pouvoir en France inquiète les pays de l’OTAN

Les États membres de l’OTAN sont inquiets de la possible arrivée au pouvoir du Rassemblement national (RN) en France, et craignent un désengagement de Paris sur le dossier ukrainien.

Sous couvert d’anonymat, certains diplomates en poste au sein des représentations permanentes des différents pays membres de l’OTAN se disent particulièrement inquiets de la situation politique en France, après la dissolution de l’Assemblée nationale et le score historique réalisé par le RN au premier tour des législatives anticipées.

L’instabilité politique de l’Hexagone intervient de plus, alors que l’Alliance atlantique essuie de sévères critiques des États de l’est de l’Europe, qui demandent un soutien plus important de la coalition en direction de l’Ukraine.

La possible arrivée de l’extrême droite au pouvoir, et la formation d’une cohabitation pourraient de fait redéfinir la politique française au sein de l’OTAN, alertent de nombreux diplomates. Marine Le Pen a toujours expliqué qu’elle souhaitait que la France quitte le commandement intégré, avant de nuancer quelque peu sa position ces derniers mois.

La France est pourtant l’un des quatre pays — avec les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni — qui déterminent la stratégie à long terme de l’organisation, expliquent des haut gradés de l’Alliance.

Rien à voir, ajoutent-ils, avec l’influence limitée que peuvent avoir de petits pays comme la Hongrie ou la Slovaquie, qui ont bien tenté de freiner le soutien de l’OTAN à l’Ukraine, et de ralentir les décisions de la coalition, mais en vain.

Une modification de la stratégie française, en revanche, pourrait vraiment changer la donne – et, en creux, limiter la capacité d’action de l’OTAN face à la Russie. Des inquiétudes qui sont d’autant plus vives que se dessine dans les prochains mois le retour possible de Donald Trump à la présidence des États-Unis, lui qui affirmait en février dernier que l’OTAN ne porterait pas secours de ses membres qui ne s’acquittaient pas de leurs obligations financières – les fameux 2 % de PIB.

Emmanuel Macron a lui-même redéfini la politique française au sein de l’Alliance, au fil des années. La jugeant « en état de mort cérébrale » en 2019, il en est devenu l’un des principaux acteurs après l’invasion russe en Ukraine, envoyant dès janvier 2022 des troupes françaises dans le cadre d’une mission conjointe.

L’arrivée du RN pourrait donc redéfinir, une fois de plus, les priorités stratégiques françaises, alors le président du RN, Jordan Bardella, a toujours fermement condamné la volonté du président d’envoyer des instructeurs militaires sur le sol ukrainien et celle de livrer à Kiev des missiles à longue portée.

« Tout le dispositif militaire relatif à l’OTAN tourne autour de l’Élysée », analyse Michel Duclos, conseiller spécial à l’Institut Montaigne, spécialistes des affaires militaires. Dans l’interprétation actuelle des textes, le président devrait continuer à avoir la main mise sur les décisions stratégiques relatives à l’Alliance, là où « le ministère des Armées a un rôle de simple gestionnaire ».

Mais il n’est pas impossible pour autant qu’un Premier ministre RN remette cet ordre des choses en question, ou opte pour une sortie de l’OTAN plus discrète : il serait possible de « dégrader les niveaux des officiers envoyés, voire d’envoyer moins de soldats. Ce serait une sortie qui ne porterait pas son nom », explique Michel Duclos.

Mercredi (3 juillet), les membres de l’Alliance se sont accordés sur une enveloppe financière de 40 milliards d’euros par an pour l’Ukraine. Pourrait-elle être menacée par l’arrivée de l’extrême droite en France ?

Officiellement, « nous n’avons pas de réelles inquiétudes. Les alliés ont toujours connu des élections », souligne un diplomate du secrétariat d’État américain.

La montée du RN en France a conduit les Alliés à s’interroger sur l’avenir de l’influence française au sein de l’Alliance, ont expliqué plusieurs diplomates de l’OTAN à Euractiv. ©VALDA KALNINA/EPA-EFE

Le changement de position du RN

Alors, quel est le discours du RN sur l’OTAN ? En théorie, la position du parti aurait évolué depuis le déclenchement de l’offensive russe contre l’Ukraine en 2022.

Avec le début de l’invasion, le programme du parti sur la défense — qui a mystérieusement disparu du site officiel du RN, mais qui reste consultable ici — était très clair : « Retrait du commandement intégré de l’OTAN, discussion d’un nouvel accord stratégique avec les États-Unis, dialogue avec la Russie sur les grands dossiers communs [et] arrêt des coopérations structurantes avec l’Allemagne ».

Une position bien éloignée de celle qui est aujourd’hui évoquée par les dirigeants du parti. « Il n’y aura pas de sortie du commandement militaire intégré de l’OTAN tant que la guerre durera », expliquait en février Jordan Bardella, des propos qu’il a plusieurs fois répétés depuis.

De fait, au vu de la situation actuelle, il est peu probable que l’extrême droite demande rapidement une sortie de la France de l’OTAN, estime Michel Duclos.

« L’OTAN n’est pas un axe fondamental de la politique [du RN], ce qui peut atténuer les inquiétudes des autres pays membres de l’organisation », explique-t-il.

Contacté par Euractiv, l’Élysée s’est refusé à tout commentaire sur ce sujet.

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