Les élections de Juin-Juillet vous ont laissé singulièrement essoré. Vous avez le souffle coupé. Avec une grosse envie de profiter de l’été pour récupérer. Manifestement vous n’avez pas l’intention de prendre la barricade. Vous n’emprunterez pas non plus le chemin de l’exil. Puisque pour la plupart d’entre vous, vous vivez déjà à l’étranger. En fait, vous allez lire, lire et relire pour oublier la France déchirée et raccommodée tour à tour.
Et vous boycotterez toute forme de littérature engagée. Pas de résistance littéraire programmée à l’heure de l’apéro. Pas votre crédo. 1984 n’est pas placée dans votre valise et vous ne relirez pas non plus la dernière biographie de Jean Moulin. Pour l’été vous voulez voyager (et déjeuner) en paix comme dirait le chanteur.
Alors ces conseils de lecture sont pour vous. Avec l’ambition de vous aider à vous divertir en parcourant des livres qui enseignent l’art de la glande, le plaisir jouissif de profiter du ballon rond, la sagesse de pédaler en douceur ou la volupté de se prendre pour un biker régressif ou un rockeur sans limites.
Le livre pour devenir un biker régressif ou un rock critic allumé :
Qui ne connaît pas Hunter S. Thompson ? L’auteur du très déjanté « Las Vegas Parano » était alcoolique, drogué et avait l’habitude de se lever tous les jours à 15H. Une bonne référence donc pour un été hédoniste. Il était fasciné par les armes , s’est suicidé à 67 ans et a passé toute son existence à vivre à 250 à l’heure. Journaliste il a la paternité du style « gonzo », un journalisme à la subjectivité assumée, bâti d’une plume acerbe et ironique, et s’autorisant la première personne. Autant dire qu’on est loin du style chichiteux de certains titres de la presse française.
Alors qu’il est jeune journaliste le magazine « The Nation » lui propose en 1965 de rentrer en contact avec la communauté fermée des Hells Angels de Californie. Ces adorateurs des Harley sont aussi des voyous violents et racistes qui forment un gang aux rituels alcoolisés.
Autant dire une aubaine pour Thompson qui va suivre comme il le peut l’équipée sauvage des Californiens et y récolter hématomes et blessures puisque l’envoyé spécial finit roué de coups par les motards. Mais il tient là un récit du tonnerre. C’est un livre à vous faire aimer la route, le rejet de la sobriété, un livre pour ceux qui trouvent que les vacances en camping avec mamie autorisent des lectures plus enlevées.
Car la guerre en Ukraine c’est pas toujours marrant : Un livre pour rire avec les Ukrainiens
Andreï Kourkov est certainement le plus francophile des écrivains ukrainiens. Comme nous sommes un peuple naturellement cocardier et sourcilleux quand il s’agit des Lettres, voilà déjà une bonne raison de lire cet auteur au style mordant qui dresse un tableau rocambolesque de son propre pays.
L’anti-héros du « pingouin » est en effet chargé d’écrire des nécrophilies de notables et politiques ukrainiens…qui finissent par mourir après publication. Et tout cela sous le regard stoïque d’un pingouin adopté après que le zoo de Kiev ait décidé de se débarrasser de l’animal à sang froid.
Un roman publié en 1996 mais qui reste très actuel par l’ironie amère d’une nation où les mafias et la corruption tiennent souvent le dessus du pavé et où la meilleure résistance consiste parfois à rire de l’absurdité de certaines situations.
Avec Carton Jaune, faire un carton avec Nick Hornby.`
C’est un auteur Britannique comme on les aime. Nick Hornby n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche et assume totalement ses origines populaires. Fan de Pop, il est aussi un supporter fanatique d’Arsenal.
Alors pour tous ceux que l’Euro de football aura laissés sur leur faim, pour toutes celles qui se disent qu’il faudrait enfin comprendre la règle du hors-jeu, et bien sûr pour tous les allumés du ballon rond ce récit tombe à point nommé.
C’est à onze ans que le jeune Hornby va pénétrer pour la première fois dans ce temple du football qu’est Highbury, le stade mythique de l’équipe londonienne d’Arsenal. Ce récit de l’adolescence d’un individu en construction, avec un père absent et des copains rencontrés dans les tribunes, révèle une belle nostalgie et témoigne de la fraternité des fans entre eux. On découvre l’épopée d’une équipe qui ne joue pas encore au sommet et la passion de supporters qui n’hésitent pas à faire tous les sacrifices pour assister à des matchs souvent pénibles de médiocrité et arrosés d’une peu jouissive pluie anglaise.
Hornby rend aussi sa pleine dignité à ce petit peuple anglais qui faisait vibrer les stades de la première division jusqu’aux plus obscures équipes des divisions inférieures dans les années 70. Jusqu’à ce qu’aujourd’hui un certain foot business ne le chasse des stades ultramodernes aux tarifs prohibitifs.
Pédaler avec sensibilité et intelligence : à vélo avec Eric Fottorino
« L’homme qui m’aimait tout bas » (2010) ravira les amateurs d’une écriture à la fois sensible, Eric Fottorino nous parle de ses rapports avec son père adoptif après que ce dernier se soit suicidé. Il procurera aussi un immense plaisir aux amoureux de la petite reine que le Tour de France aura tenu en haleine cet été.
L’ex patron du Monde, aujourd’hui directeur du magazine « le 1 » possède une écriture fine et chargée d’émotion. Le livre est d’abord le portrait d’un père et un hommage aux valeurs qu’il a transmises à son fils adoptif âgé de 38 ans au moment de sa disparition. Fottorino procède par impressionnisme et petites touches successives pour rendre toute son épaisseur à cet homme qui l’a élevé, un kinésithérapeute qui aura vécu une enfance solaire en Tunisie et ne se sera jamais réellement remis de son déracinement.
La passion du vélo qui habite profondément le journaliste écrivain est un des fils rouges du récit et ravira tous ceux qui voient le cyclisme amateur comme un art de vivre et un éloge de la découverte des paysages et des autres à un rythme humain.
Chercher la veine avec Keith Richards
Le guitariste des Rolling stones a fait mieux que de vivre une seule vie. À la lecture de sa biographie on a l’impression que ce survivant, totalement camé et border line, a vécu, disparu et ressuscité cent fois en faisant de l’urgence de se défoncer une philosophie et une inspiration pour ses riffs endiablés.
On découvrira dans le livre des pages épiques, autour d’un cocktail qui sans surprise marie le sexe au rock’en roll. La relation avec Mick Jagger, plus cérébral et calculateur, est finement analysée et montre à quel point le groupe légendaire a pu s’appuyer sur deux individus pas forcément compatibles par leurs origines sociales mais totalement en phase dans leur musique.
On croise dans le bouquin électrique d’autres figures de légendes, un Brian Jones à la dérive et qui finira en martyr sacrifié par le groupe, des femmes ensorceleuses et empoisonnées comme seuls les rockeurs savent en traîner dans leur sillage même si Richards ne s’attarde pas sur ses conquêtes.
Dans les pages mythiques on retiendra le cauchemardesque concert d’Altamont et des descentes de police à répétition pour faire tomber le célèbre Junkie. Conscient que sa survie passait aussi par des sevrages, Richards nous livre aussi cette phrase à méditer à l’heure de reprendre le pastis de trop :
« Il n’y a rien d’héroïque à prendre de la dope, mais tu peux devenir un héros en arrivant à décrocher ».
En attendant que, chers lecteurs, vous ne soyez sevrés de toutes vos addictions, je vous souhaite des lectures jouissives et détendantes. Et « Enjoy, have fun, and let’s keep smiling » comme disent les francophones qui se prennent pour des anglais.
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