Depuis des semaines, la question du pouvoir d’achat est au cœur du débat public. Les Français seraient au bord de la rupture. Certains n’arriveraient plus à payer leurs courses alimentaires, d’autres seraient contraints de ne plus utiliser leur véhicule pour se rendre au travail. Un nombre croissant de Français serait à découvert et recourrait aux crédits à la consommation pour boucler leurs fins de mois. Paradoxe, dans le même temps, les réservations de vacances sont au plus haut, au point de se rapprocher du record de 2019. La SNCF a annoncé un record de vente de billets pour le premier week-end de départ en vacances. Les compagnies aériennes qui avaient désarmé de nombreux avions sont contraintes de les remettre en exploitation. Même les A380 jugés il y a quelques mois inadaptés aux nouvelles conditions du marché du tourisme reprennent du service face à l’affluence de la demande.
Un même pays, plusieurs réalités ; un même pays, une confusion d’images et de ressentis
Malgré des rendements réels négatifs, malgré la baisse du pouvoir d’achat, le taux d’épargne ne baisse pas. Sur les six premiers mois de l’année les ménages français ont placé 17 milliards d’euros sur leur livret A et plus de 12 milliards sur leur assurance-vie. Ces deux produits largement diffusés au sein de la population battent record sur record en matière d’encours. Celui des dépôts à vue atteint un niveau inconnu de 522 milliards d’euros, ce qui représente plus de 17 000 euros disponibles sur les comptes courants des ménages.
Un même pays, plusieurs réalités ; un même pays, une confusion d’images et de ressentis. Ces données illustrent sans nul doute la France fragmentée, cet archipel décrit par Jérôme Fourquet. Ils traduisent également une France déboussolée en manque de repères, où la modération et la prise de distance ne sont plus de mise.
« Le quoi qu’il en coûte » qui devait être exceptionnel est en voie de devenir la norme
Après une succession de crises, les Français ont une résilience à géométrie variable. Si elle s’est renforcée sur le plan individuelle, elle s’est affaiblie sur le plan collectif. Ils n’entendent plus subir les conséquences des aléas économiques, sanitaires ou géopolitiques. S’ils soutiennent le peuple ukrainien, ils ne veulent pas supporter les contrecoups de cette guerre qui se déroule à 2 000 kilomètres de nos frontières. « Le quoi qu’il en coûte » qui devait être exceptionnel est en voie de devenir la norme.
L’État est ainsi devenu l’assureur en premier ressort de la population, celle-ci oubliant souvent que derrière l’État il y a les contribuables … Les vacances sont une parenthèse dans la vie des individus comme dans celle des nations. Comme en 2020 ou en 2021, cette année, de nombreux Français partiront en souhaitant oublier les problèmes du quotidien.
La croissance française est faible et le pays décline par rapport à ses partenaires
Pour autant, il faudra un jour ou l’autre s’interroger sur la nature réelle des problèmes du pays. Pourquoi le système de santé est-il en grande difficulté ? Pourquoi est-il compliqué d’obtenir un rendez-vous chez un médecin dans un délai raisonnable et pourquoi dans ces conditions les urgences sont-elles devenues la seule voie d’accès à la médecine ? Pourquoi le niveau d’éducation baisse-t-il ? La réponse est simple, la croissance française est faible et le pays décline par rapport à ses partenaires. Dans de nombreux pays, les médecins généralistes sont des chefs d’équipe disposant d’équipement de diagnostics sophistiqués. Les établissements sociaux et universitaires sont des lieux accueillants et dotés de matériels modernes. Cette liste pourrait être déclinée. Il serait utile de regarder un peu plus les pratiques étrangères, d’en tirer quelques enseignements.
La fuite en avant dans le toujours plus d’argent public sans donner la possibilité d’accroître la création de richesses est une voie sans issue connue de toutes et de tous mais que, par déni, tout le monde semble vouloir ignorer.
Laisser un commentaire