La France, les racismes, les aveugles

La France, les racismes, les aveugles

Dans une école primaire française, au Maroc,  l’institutrice distribue un exercice aux enfants. « Replacez les grands singes dans leur environnement naturel : chimpanzé, orang outang, bonobo, gorille, femme »[1]. La femme est noire,  une gamelle à ses pieds. L’image est tellement choquante, qu’on croit d’abord à une « fake news ». Hélas non. Racisme ordinaire, sexisme ordinaire, monstrueux de bêtise, que l’on distribue aux enfants. 

Emotion des parents, excuses du directeur, enquête de l’AEFE dont dépend l’école. Il semblerait que le dessin et l’exercice sont utilisés depuis les années 90, sans que personne n’ait dénoncé son caractère raciste et sexiste. Tant de bonnes personnes, de parents, directeurs, inspecteurs, autant d’aveugles ! La faute est d’autant plus grave qu’elle est permanente. L’AEFE doit d’abord faire une enquête sur elle-même, la prestigieuse Fondation « La main à la pâte », fondée par Georges Charpak, qui aurait laissé le document être diffusé, aussi. Et faire plus encore.

Autant d’aveugles depuis si longtemps

La mission des écoles françaises, en France comme à l’étranger, est de transmettre des valeurs universelles, celles portées par la France depuis longtemps. Elles doivent être des centres de vaccination contre le racisme, le sexisme. C’est donc une faute professionnelle collective lourde.

Ce scandale arrive à un moment d’extrême confusion dans la lutte antiracisme, où la France est mise en accusation comme ancien pays esclavagiste et colonialiste. 

Le 25 mars, journée internationale contre l’esclavage, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a honoré « la mémoire des millions d’esclaves africains qui ont souffert du système brutal de l’esclavage et de la traite». Il a ajouté que si la traite a pris fin, « les idées de suprématie blanche qui la sous tendaient restent vivantes ». A la suite du mouvement « black lives matters », s’est en effet développée une mise en accusation de « l’homme blanc ». L’UNEF, syndicat étudiant, organise des réunions interdites aux blancs, inventant un apartheid à l’envers, celui de la victimisation. On débaptise, aux Etats-Unis, des écoles au nom de Churchill, parce qu’il défendait l’impérialisme britannique. Confusion historique, intellectuelle, morale et politique.

Aucun peuple sans tache

Churchill a sauvé le monde libre, la Grande Bretagne n’a pas inventé l’impérialisme, ni l’Europe la traite, moins encore l’esclavage. Sur les centaines de sociétés humaines étudiées par les anthropologues, rares sont celles qui ne connaissent pas l’esclavage. Aucun peuple sans tâche. Des Indiens de Californie à la Papouasie, des Slaves aux Chinois, des Arabes et aux peuples Bantous, l’esclavage est universel.

Il en est de même de la colonisation. Quand un dirigeant turc ou arabe dénonce la colonisation en Algérie, il oublie que les Turcs viennent de l’Altaï et les Arabes d’Arabie. Juger le passé est un exercice immoral.

L’invention de la liberté 

Hélas, personne n’a eu à inventer l’esclavage, le colonialisme, la razzia, de vol, le viol,  la guerre. Homo sapiens est un homo domesticus,  un homme « domestique », soumis à la servitude autant qu’au désir de domination, cette libido dominandi, source de tous les maux. 

A ceci près : il est aussi des cultures qui, face à cet asservissement « naturel » de l’espèce humaine ont proclamé comme plus naturelle  encore, sa liberté. L’invention de la liberté, vient de Grèce, il y a quelques millénaires. Sa « découverte » comme principe universel, vient d’Europe, des Lumières, de la Révolution. Ce sont les Nations de la Traite -France, Angleterre- qui l’abolirent. Qui combattirent aussi, partout dans le monde, l’esclavage, enraciné dans l’histoire des peuples.  

Paradoxe : c’est la colonisation française qui, avançant en Afrique du nord et de l’ouest mit fin à l’esclavage dans cette partie d’Afrique ; comme ce sont les Anglais qui négocièrent son abolition dans les pays musulmans. 

La culpabilisation de « l’homme blanc » est donc encore une vision occidentale. Ce qui gêne le plus, c’est qu’elle semble aussi raciste. Il faut donc viser juste. Juger ? Plutôt lutter, mais contre les vrais criminels, ceux d’aujourd’hui.

Faire passer la France comme complice du racisme est un mensonge et une faute 

Que la jeunesse européenne dénonce le racisme plutôt que l’inverse est la moindre des choses, pourvu que ce soit utile, car aucune victoire n’est définitive. On entend des appels à mépriser les femmes, à nier une quelconque égalité des droits – hier en Turquie, mais aussi en Inde, dans les pays arabes, en Afrique -. Les appels se multiplient pour haïr le voisin. On voit des hommes et des femmes vendus, sous une forme ou sous une autre. L’esclave, d’ailleurs, c’est toujours l’étranger. 

Où sont les pays de servitude ? Sont ils plutôt dans les démocraties ou bien ailleurs ? En Europe ou ailleurs ? Les pays au banc des accusés, sont-ils plutôt des acteurs de libération ou d’oppression ? 

Le scandale de l’école de Casablanca doit obliger tous les responsables à extirper la moindre graine de racisme

La France combat le racisme et la servitude sous toutes ses formes, du mieux qu’elle peut. La faire passer comme complice du racisme est un mensonge et une faute. Cela affaiblit son combat, qui est un combat de libération, de liberté.  

Le scandale de l’école Renan de Casablanca doit obliger tous les responsables éducatifs, mais aussi politiques, à extirper la moindre graine de racisme dans toutes les écoles et toutes les institutions associées à la France. Visiblement, le travail n’a pas été fait. La faute commise doit être réparée par un engagement plus grand encore, l’occasion d’un travail de fond, en profondeur. 

Mais il ne faut pas se tromper : Les campagnes menées contre la France ne le sont pas au nom de la libération des hommes, mais plutôt pour des dominations nouvelles. Il s’agit de moquer ses principes, sous prétexte qu’elle les applique mal. C’est vrai que les droits de l’homme ne font pas une politique, mais visiblement ils agacent les tyrans et les cyniques  pour qu’ils cherchent à affaiblir ceux qui en sont porteurs, pays ou individus. 

Il faut donc continuer à ouvrir encore et encore des écoles où l’on apprend le français, où l’on doit aussi apprendre à chasser la bêtise raciste et sexiste ordinaire, où l’apprend à ouvrir les yeux. C’est vrai pour les enfants et pour les adultes.

Laurent Dominati

A. Ambassadeur

A. Député de Paris

Président de la société éditrice du site « Lesfrancais.press »


[1] Voir l’article de Fabien Ferasson : « Casablanca : consternation à l’école Renan », lesfrancasi.press, vendredi 26 mars.

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