La fée électrique n’a pas fini de briller

La fée électrique n’a pas fini de briller

Dans un monde en pleine transition énergétique et numérique, l’électricité s’impose comme la colonne vertébrale des économies modernes. Les infrastructures électriques sont au cœur des défis stratégiques du XXIᵉ siècle. Notamment avec la décarbonisation et l’essor de l’intelligence artificielle. Mais aussi l’électrification des transports, Pourtant, alors que la demande explose et que les investissements atteignent des sommets, des risques comme les pénuries d’équipements, les catastrophes naturelles ou encore les tensions géopolitiques menacent de freiner cette révolution.

L’avenir de nos réseaux électriques n’a jamais été aussi crucial pour soutenir une croissance durable et résiliente. En Italie, l’usine de Schneider Electric à Conselve ne chôme pas. Elle produit des systèmes de refroidissement avancés pour les centres de données, véritables clefs de voûte de l’intelligence artificielle (IA). Au cours de l’année écoulée, la valeur boursière de Schneider Electric a augmenté de plus d’un tiers, atteignant environ 140 milliards de dollars. La capitalisation boursière d’Hitachi, un conglomérat japonais, a triplé depuis le début de l’année 2022, en partie grâce à l’expansion rapide de sa division d’équipements électriques. L’action de Siemens Energy a progressé de 300 % l’an dernier, portée par la forte croissance des ventes de son activité liée à la technologie des réseaux électriques.

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Les entreprises impliquées dans les infrastructures électriques ont enregistré des hausses significatives de leur valeur. Ce qui a surpassé les indices boursiers auxquels elles sont rattachées. La demande pour des équipements tels que les transformateurs, les appareillages de commutation et les câbles de transmission à haute tension est en plein essor. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que les investissements mondiaux dans les infrastructures de réseau ont atteint près de 400 milliards de dollars en 2024, contre un peu plus de 300 milliards en 2020. L’AIE prévoit que ces dépenses augmenteront à environ 600 milliards de dollars par an d’ici 2030.

Facteurs de croissance des infrastructures électriques

La décarbonisation de la production d’électricité est l’un des principaux moteurs de cet essor. Souvent située dans des zones reculées, la production d’énergie éolienne et solaire, exige une extension des lignes électriques. Mais également des investissements dans du matériel et des logiciels pour gérer leur intermittence. Au Royaume-Uni, l’ambition d’atteindre un réseau à zéro émission nette d’ici 2030 a conduit les opérateurs de réseau à soumettre des propositions d’investissement de près de 100 milliards de dollars sur cinq ans. Même aux États-Unis les investissements dans les énergies renouvelables devraient continuer à croître. Cela est dûe à la baisse des coûts de l’énergie solaire et éolienne. Bien que le nouveau président reste sceptique face au changement climatique,

Un autre facteur est le poids croissant de l’électricité dans la consommation énergétique. L’AIE prévoit que la demande en électricité, qu’elle soit issue de sources propres ou polluantes, augmentera six fois plus vite que l’énergie globale au cours de la prochaine décennie. Cette augmentation est alimentée par l’adoption des voitures électriques, des systèmes de chauffage domestique et des processus industriels. La Californie à elle seule aura besoin de 50 milliards de dollars pour moderniser son réseau de distribution d’électricité d’ici 2035 afin de recharger ses véhicules électriques.

Un besoin énergétique en expansion

Les besoins énergétiques mondiaux continuent de croître, notamment dans les pays en développement, où la croissance économique et l’usage croissant de la climatisation nécessitent de nouvelles centrales électriques et des réseaux adaptés. Goldman Sachs estime que le réseau électrique indien nécessitera 100 milliards de dollars d’investissement entre 2024 et 2032. Rystad, un cabinet de conseil, prévoit que les investissements annuels dans le réseau électrique chinois passeront d’environ 100 milliards de dollars en 2024 à plus de 150 milliards d’ici 2030.

Les dépenses des géants de la technologie en matière d’IA alimentent également la demande en électricité. Certains centres de données consomment désormais autant d’énergie qu’une petite centrale nucléaire. Ce qui oblige les opérateurs de réseau à moderniser transformateurs, lignes électriques et équipements de contrôle. Tokyo Electric, la plus grande compagnie d’électricité japonaise, prévoit de dépenser plus de 3 milliards de dollars d’ici 2027 pour moderniser ses infrastructures et répondre à la croissance des centres de données.

Cet essor stimule également les ventes des fabricants d’équipements de refroidissement et autres appareils auxiliaires. La multiplication des catastrophes naturelles accroît également les dépenses dans les réseaux électriques. Comme les tempêtes meurtrières à Mayotte ou les incendies de forêt à Los Angeles. Ces événements ont généré plus de 100 milliards de dollars de dommages dans le monde en 2023. Dont seulement la moitié était couverte par les assurances. Aux États-Unis, le ministère de l’Énergie a récemment accordé une garantie de prêt de 15 milliards de dollars à PG&E, une compagnie californienne, pour améliorer la résilience de ses infrastructures. En Europe, où les réseaux électriques ont en moyenne plus de 40 ans, une modernisation est également nécessaire.

Défis et risques

Face à la hausse de la demande en équipements, les pénuries se multiplient. Ce qui entraîne une augmentation des prix de 60 à 80 % pour certains composants, comme les transformateurs, depuis 2020. Les délais de livraison ont triplé, atteignant parfois cinq ans ou plus. Cette situation pousse les fournisseurs à augmenter leurs dépenses en recherche et développement ainsi qu’en capacité de production. Cependant, le secteur de l’électricité reste vulnérable à un retournement de cycle. Une surproduction pourrait émerger si les investissements dépassaient les besoins réels. La croissance des ventes de véhicules électriques ralentit déjà dans plusieurs pays occidentaux, et l’essor de l’IA pourrait marquer une pause.

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Malgré ces incertitudes, les dépenses consacrées aux infrastructures électriques ne montrent aucun signe de ralentissement. Les opérateurs de réseau restent confrontés à une consommation d’électricité croissante. Mais aussi à un mix de production en évolution et des infrastructures vieillissantes. Face à une consommation électrique en forte hausse, un mix énergétique en pleine transformation et des infrastructures vieillissantes, le secteur électrique est à un tournant.

Les investissements colossaux actuels témoignent d’un effort sans précédent pour répondre aux enjeux environnementaux et technologiques, mais les défis restent nombreux. Pénuries de matériaux, risques de surproduction ou encore besoin d’une meilleure résilience face aux catastrophes naturelles. La question n’est plus seulement de construire des réseaux plus puissants. Mais aussi de les rendre plus flexibles, durables et adaptés aux besoins de demain. À l’heure où l’électricité devient la pierre angulaire de notre économie, c’est notre capacité à innover et à anticiper qui déterminera si cette transition sera un succès ou un échec.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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