Pour la dette publique l’important, c’est le taux d’intérêt réel et le taux de croissance. Toute hausse des taux d’intérêt donne lieu à des cris d’orfraie. Pour beaucoup, elle est synonyme d’augmentation du coût des emprunts, notamment pour les États. Or, ce qui importe, c’est le taux d’intérêt réel, c’est-à-dire après prise en compte de l’inflation et l’écart avec le taux de croissance en volume à long terme de l’économie.
Par le passé, et en particulier en France, les ménages ont supporté des taux d’intérêt plus élevés qu’aujourd’hui sans que cela constitue un réel problème. Depuis la fin du troisième trimestre 2024, les taux d’intérêt à long terme sont orientés à la hausse dans les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).
Les annonces des États européens concernant l’augmentation de leurs dépenses militaires se sont traduites par une hausse des taux. Cette montée inquiète de nombreux investisseurs et observateurs, car elle est censée entraîner une augmentation des paiements d’intérêts sur la dette publique. Aux États-Unis, le service de la dette représente 4,2 % du PIB, contre 3,7 % en Italie, 3,3 % au Royaume-Uni, 2,4 % en Espagne, 1,8 % en France et 1 % en Allemagne. Ces ratios pourraient s’accroître de 1 à 2 points dans les prochaines années.
Dette soutenable, une question simple.
Pour évaluer la soutenabilité de la dette, ce n’est pas le niveau absolu des taux d’intérêt nominaux à long terme qui compte, mais leur hiérarchie par rapport à la croissance nominale à long terme. De manière équivalente, il convient de comparer les taux d’intérêt réels à long terme à la croissance en volume sur la même période.
Tant que le taux d’intérêt réel à long terme reste inférieur à la croissance du PIB à long terme, le taux d’endettement public converge vers une limite finie, égale au ratio du déficit public primaire sur l’écart entre le taux de croissance en volume à long terme et le taux d’intérêt réel à long terme. Même en cas de déficit public primaire élevé, le taux d’endettement public se stabilise à long terme, garantissant ainsi la soutenabilité de la dette publique.
En revanche, si le taux d’intérêt réel à long terme dépasse la croissance à long terme du PIB, la stabilisation du taux d’endettement public suppose l’existence d’un excédent budgétaire primaire supérieur au produit du taux d’endettement public par l’écart entre le taux d’intérêt réel et le taux de croissance à long terme.
Il est essentiel de comparer les taux d’intérêt aux taux de croissance et au taux d’inflation. Pour être totalement rigoureux, il faudrait projeter ces variables sur une période de dix ans.
L’Espagne et les États-Unis bénéficient d’une forte croissance, ce qui agit favorablement sur leur niveau d’endettement. L’inflation est plus élevée en Allemagne et en Espagne, ce qui contribue à l’érosion de la dette publique. Elle est plus faible en revanche en France.
Interrogations au Royaume-Uni et en France.
Le taux d’intérêt nominal à 10 ans au mois de février (avant la hausse en Europe intervenue au cours du mois de mars) était de:
- 4,25 % aux États-Unis ;
- 4,50 % au Royaume-Uni ;
- 3,20 % en France ;
- 3,10 % en Espagne ;
- 2,45 % en Allemagne.
La croissance nominale du PIB est sur la période courte est de :
- 5,2 % aux États-Unis ;
- 5,9 % en Espagne ;
- 3,7 % en Italie ;
- 3,4 % au Royaume-Uni ;
- 3,0 % % en France
- 2,0 % en Allemagne.
Le problème de soutenabilité de la dette pourrait se poser à terme au Royaume-Uni et en France. Aujourd’hui, seule l’Italie a un excédent budgétaire primaire. Tous les autres pays ont des déficits budgétaires primaires, notamment le Royaume-Uni, les États-Unis et la France.
La décision des États européens d’augmenter leurs dépenses de défense a provoqué une hausse des taux d’intérêt du fait qu’elle accentue les déséquilibres financiers et augmente le risque d’emballement des dettes publiques surtout si la croissance reste faible.
Pour certains, la relance des dépenses militaires pourrait alimenter la croissance et pour d’autres l’inflation, ce qui réduirait l’acuité du problème du financement de la dette…
Laisser un commentaire