La crise chinoise peut-elle couler l’économie mondiale ?

La crise chinoise peut-elle couler l’économie mondiale ?

Avec la fin de la politique zéro covid, la croissance de la Chine était attendue en hausse. Après avoir été la grande gagnante de l’année 2020 en fournissant des masques et du matériel de santé à l’ensemble de la planète mise à l’arrêt, la Chine s’est enfoncée dans une réelle léthargie de laquelle elle ne s’est extraite que pour un éphémère rebond. 

Les difficultés de l’économie chinoise ne sont pas sans incidences pour les autres pays compte tenu de son poids. Deuxième puissance économique mondiale derrière les États-Unis, la Chine est la première puissance industrielle et commerciale mondiale. Un ralentissement de la croissance en Chine pèse sur le cours des matières premières et de l’énergie. Le pays consomme près d’un cinquième du pétrole mondial, la moitié du cuivre raffiné, du nickel et du zinc ainsi que les trois cinquièmes du minerai de fer. 

Toute inflexion de la consommation chinoise se fait ressentir sur les prix

Toute inflexion de la consommation se fait immédiatement ressentir sur les prix. Des pays comme la Zambie voire l’Australie dépendent des importations en matières premières de la Chine. Cette dernière serait à l’origine de 20 % du PIB de la Zambie qui est un important producteur de cuivre. Les résultats des mines australiennes sont au plus bas en raison de la faiblesse des commandes chinoises. 

Les pays industrialisés sont également affectés par la faible croissance chinoise. L’Allemagne est la plus exposée, la Chine étant devenue au fil des années son premier client. Elle y vendait notamment des voitures de luxe, des machines-outils, des produits chimiques et des médicaments. L’Allemagne n’est pas la seule à être concernée. 

En 2021, les deux cents plus grandes multinationales américaines, européennes et japonaises ont réalisé 13 % de leur chiffre d’affaires en Chine, soit l’équivalent de plus de 700 milliards de dollars. Tesla réalise un cinquième de ses ventes en Chine ; Qualcomm, un fabricant de microprocesseurs, plus des deux tiers. Malgré tout, il ne convient pas de surestimer le poids de la Chine. Les Occidentaux effectuent une grande partie de leurs échanges entre eux et en particulier celle qui concerne des biens à forte valeur ajoutée.

crise chinoise
Les pays industrialisés sont également affectés par la faible croissance chinoise

La Chine ne représente que 4 à 8 % de l’activité de l’ensemble des sociétés cotées occidentales

Les ventes en Chine ne représentent que 4 à 8 % de l’activité de l’ensemble des sociétés cotées aux États-Unis, en Europe et au Japon. Les exportations des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France et de l’Espagne représentent 1 à 2 % de leur production respective. Pour l’Allemagne, ce taux atteint 4 %. 

Un effondrement de la Chine ne favorisera pas la croissance de l’Allemagne mais ne la plongera pas immédiatement dans la récession. Les États-Unis, par la force de leur marché intérieur, par le rôle de ses multinationales, par leur intégration économique et financière, jouent un rôle sans comparaison avec la Chine en matière de croissance. Or, l’activité des États-Unis demeure en progression malgré la hausse des taux directeurs. Les consommateurs américains ne réduisent pas leurs achats.

Le ralentissement de l’économie chinoise pourrait être une bonne nouvelle pour certains.

En diminuant la tension sur les prix des matières premières et de l’énergie, le ralentissement de l’économie chinoise est une bonne nouvelle pour certains. La baisse de la demande en énergie et matières premières favorisera la décrue de l’inflation. Pour d’autres, il y a, en revanche, un véritable risque d’emballement avec un possible krach immobilier qui pourrait avoir un effet domino sur les places financières tout autour de la planète. 

Une étude publiée par la Banque d’Angleterre en 2018 a révélé qu’un atterrissage brutal en Chine provoquant son entrée en récession entraînerait une baisse du prix des actifs mondiaux et une hausse des devises des pays occidentaux, les investisseurs privilégiant les pays les plus sûrs comme les États-Unis. Une baisse du PIB de 1 à 2 % pourrait alors survenir au Royaume-Uni qui du fait de HSBC est plus exposé que les autres pays de l’OCDE aux risques financiers en provenance de l’Asie. 

La Chine confrontée à une crise économique majeure pourrait réduire ses investissements à l’étranger. Or, ce pays est devenu le plus grand créancier bilatéral du monde en 2017. Avec les nouvelles routes de la soie, la Chine a investi en Afrique et en Asie afin de conforter ses approvisionnements ainsi qu’en Europe (Roumanie, Hongrie, Grèce) pour sécuriser ses routes d’exportation. Depuis la Covid, les flux sont moins importants. Les négociateurs chinois se montrent plus exigeants en termes de retour sur investissement.

Les autorités chinoises ont échoué dans le développement d’une demande intérieure

La Chine a longtemps bénéficié de la mansuétude des pays occidentaux pour développer son industrie et ses échanges. L’arrivée de Donald Trump a marqué une rupture. La multiplication des sanctions commerciales pèse sur les échanges et sur l’activité. La Chine semble en avoir fini avec le processus d’émergence qui l’a fait passer de puissance subalterne à puissance de premier rang. Les autorités chinoises qui puisent leur légitimité dans le maintien d’une forte croissance ont échoué pour le moment dans le développement d’une demande intérieure qui devait prendre le relais des exportations. Les autorités chinoises découvrent que les derniers mètres pour devenir le numéro 1 sont les plus longs. 

De réelles difficultés intérieures modifieraient également la façon dont le monde perçoit la Chine. Une croissance rapide associée à des prêts étrangers généreux a renforcé la réputation du pays. Selon une enquête récente réalisée par l’institut Pew dans deux douzaines de pays, les habitants des régions riches ont une vision généralement défavorable de la Chine. La situation était différente dans une grande partie du monde émergent : les Mexicains, les Kenyans, les Nigérians et les Sud-Africains voyaient tous la Chine sous un jour plus favorable et accueillaient favorablement les investissements chinois. La question est de savoir si cela sera encore vrai dans un an.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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