La Chine, un modèle fissuré ! 

La Chine, un modèle fissuré ! 

Pour compenser les effets dévastateurs de la crise immobilière, les autorités chinoises entendent favoriser le développement des batteries lithium-ion, des voitures électriques et des panneaux solaires. Ces technologies deviendront, selon le Président chinois, Xi Jinping, les « piliers de l’économie ». Grâce à l’électrique, la Chine est devenue le premier producteur et le premier exportateur mondial de voitures. 

La crise sans fin de l’immobilier

L’immobilier a porté une partie de la croissance chinoise ces vingt dernières années. Un grand nombre de ménages ont acquis des logements afin de se constituer un patrimoine en vue de la retraite. L’immobilier représente plus de 70 % de leur patrimoine. Le poids du secteur de l’immobilier représenterait en Chine jusqu’à 30 % du PIB, contre 13 % en France. 20 % des Chinois en âge de travailler sont employés dans le secteur de l’immobilier. Le nombre de constructions de logements est de plus de 15 millions par an en Chine. Avec une population en baisse, la demande de logements est faible. 

Fin 2023, selon Reuters, 648 millions de mètres carrés seraient invendus, représentant plus de 7 millions de logements. Dans ce contexte, les ménages hésitent à acheter des logements par crainte de ne pas pouvoir trouver de locataires. Les ventes de logements des cent plus grands promoteurs immobiliers chinois ont, par voie de conséquence, baissé de 17 % en 2023, et l’investissement global dans les immeubles résidentiels s’est contracté de 8 %. Les promoteurs Country Garden et Evergrande ont connu des défauts de paiement sur leur dette. 

Chine
©Ng Han Guan Associated Press

Le tout industrie inquiète de plus en plus

La crise persistante dans l’immobilier conduit à une réallocation des capitaux qui s’orientent de plus en plus vers l’industrie, aidée en cela par l’existence d’allégements fiscaux. Au cours des 11 premiers mois de 2023, les dépenses d’investissement dans la métallurgie, la fabrication de véhicules et la production d’équipements électriques ont augmenté respectivement de 10 %, 18 % et 34 % par rapport à la même période de 2022. Ces investissements contribuent à asseoir la domination du pays dans les secteurs de l’automobile et des énergies renouvelables. Cette dernière suscite une hostilité croissante de la part des pays occidentaux. 

Depuis 2001, année de l’adhésion de la Chine à l’Organisation Mondiale du Commerce, ses exportations ont augmenté de plus de 460 %. En conquérant des parts de marché dans l’intelligence artificielle, l’énergie et dans les véhicules, la Chine touche directement des secteurs clefs des pays de l’OCDE. 

De longue date, le pays est accusé de pratiquer le dumping, à travers la vente de marchandises à l’étranger au-dessous des prix pratiqués sur le marché intérieur. Ce dumping était plus ou moins toléré, offrant aux consommateurs occidentaux des gains de pouvoir d’achat. Avec le débat sur la destruction des emplois industriels et depuis la crise sanitaire, les Occidentaux ont durci leurs positions. L’élection de Donald Trump en 2016 a modifié les rapports avec la Chine. Son successeur, Joe Biden, a un discours plus policé mais a conservé, en grande partie, la même politique commerciale à l’égard de la Chine. 

Les investissements opérés par la Chine dans le secteur industriel inquiètent car ils devraient aboutir à une forte progression de la production. Le secteur manufacturier qui pèse 28 % du PIB pourrait atteindre, d’ici 2030, 31 à 36 % du PIB. Ces investissements sont en pourcentage de PIB deux fois plus élevés que ceux des États-Unis. Ils sont financés par l’abondante épargne des ménages chinois qui délaissent l’immobilier. Le taux d’épargne de ces derniers avoisine 40 % du revenu disponible brut, contre 18 % en France ou 8 % aux États-Unis.

La Chine est menacée d’une surproduction

Compte tenu de la demande intérieure, la Chine a un cruel besoin de maintenir un haut niveau d’exportation. La Chine est menacée d’une surproduction. Avec des taux d’intérêt maintenus faibles par les pouvoirs publics pour sauver les promoteurs immobiliers et les collectivités locales fortement investis dans la pierre, les entreprises investissent. Les entreprises métallurgiques augmentent ainsi leur production d’acier au moment où la demande fléchit en raison de la baisse de la construction. Cette surproduction aboutit à des baisses de prix et à des pertes importantes. Les prix industriels ont diminué de 2 % au cours des 11 premiers mois de 2023 et les bénéfices de 4 %. 

Chine
©Stockadobe

Un modèle de plus en plus fragilisé

Avec la baisse des échanges avec les États-Unis et le ralentissement de la croissance, la monnaie chinoise se déprécie. Le yuan a perdu, de 2022 à 2023, 9 % de sa valeur sur une base pondérée par les échanges commerciaux. Les contentieux commerciaux tendent à se multiplier. 

En novembre dernier, Le Royaume-Uni a engagé une enquête sur les excavatrices chinoises, après que la société britannique, JCB, a, a affirmé que ses concurrents chinois recouraient au dumping. 

L’Union européenne a lancé une enquête antisubventions sur les véhicules électriques chinois et une enquête antidumping sur le biodiesel chinois. L’administration de Joe Biden a demandé à l’Union européenne de taxer les produits chinois. En contrepartie, elle était prête à réduire les droits de douane américains sur l’acier européen. En rétorsion, la Chine a annoncé, le 5 janvier, des enquêtes antidumping sur des produits agroalimentaires. 

Les sanctions commerciales à l’encontre de la Chine ne sont pas une exclusivité occidentale. En septembre 2023, l’Inde a institué de nouveaux droits antidumping sur l’acier en provenance de Chine. En décembre, elle a introduit de nouveaux droits sur les machines laser industrielles. Le Mexique est confronté de son côté à un problème cornélien, accepter des usines chinoises sur son territoire qui contribueront à la croissance du pays mais au risque d’indisposer les Etats-Unis. Ces derniers estiment que ces usines visent à contourner les sanctions qu’ils prennent contre les produits chinois. Pour éviter toute suspicion d’entente avec la Chine, le Mexique a récemment décidé de relever de 80 % ses droits de douane sur les importations d’acier en provenance de ce pays. 

La Chine à la croisée des chemins

La Chine est confrontée à une série de défis. Elle doit surmonter les effets du vieillissement et des sanctions commerciales. Aujourd’hui, devenue premier exportateur mondial, elle ne peut plus compter sur la mansuétude des pays développés. Le statut de la nation la plus favorisée au sein de l’OMC est difficilement tenable. En vertu de ce statut qui est accordé aux pays en développement, la Chine pouvait exporter librement tout en maintenant des dispositifs de protection sur son marché intérieur. Les pratiques de dumping et les aides aux entreprises feront l’objet d’une attention croissante de la part des autres pays. 

La Chine est amenée à renouveler son modèle en privilégiant les productions rentables. Le gouvernement chinois ne peut pas accepter un ralentissement rapide de la croissance et une montée du chômage. La pérennité du régime communiste repose, depuis l’ouverture de la Chine au monde en 1978, sur l’amélioration des conditions de vie et donc du pouvoir d’achat. Un moindre enrichissement pourrait déboucher sur des revendications sociales ou politiques, ce que ne veut en aucun cas le pouvoir en place.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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