La Chine malade de Xi

<strong>La Chine malade de Xi</strong>

Xi contrôle tout : la Chine, l’avenir, le virus. Dut-il enfermer le monde comme il enferme les Chinois pour les protéger du virus. Rien n’échappe à son sourire. Joe Biden et Emmanuel Macron l’ont vu au G7 de Bali ; Olaf Scholz qui lui a rendu visite, sous un flot de critiques, s’étonne :  « Je suis donc surpris de voir à quel point certaines entreprises se sont rendues dépendantes de marchés individuels et ont complètement ignoré les risques« . Comment se passer de la Chine quand elle réalise 50% des ventes de BASF, 25% de celles d’Airbus ou d’Apple ? Peut-on se libérer de ses dépendances, pétrole, gaz, puces, dollar ? L’enfer, c’est les autres. Peut-on isoler la Chine ? Elle s’isole toute seule, hélas. 

Armée d’argile, les 2296 délégués du Parti, un seul corps et une seule âme, écoutaient les 30.000 caractères du « Rapport préliminaire » du Secrétaire général, le Grand Xi. Le PCC, 96 millions de membres. 1.5 millions, accusés de corruption, ont été purgés, y compris à la veille du Congrès. Il reste des corrompus, soit, mais des pro Xi.

L’alternative à l’Occident 

Xi a présenté l’œuvre future, l’alternative à l’Occident : « La modernisation à la chinoise offre à l’humanité une nouvelle option pour se moderniser ». 

Moderniser, le mot est faible. Grâce au Web 3.0, 4.0, 5.0… jamais les Chinois n’auront été aussi bien observés, scrutés, fichés. Si tout sourire est décrypté, l’absence de sourire aussi. Les plus analysés sont les plus élevés dans la hiérarchie. Hu Jintao, dix ans aux commandes de la Chine, a été évincé de la tribune, comme un petit vieux qu’on raccompagne à sa chambre. Il ne souriait pas. Xi n’a pas tourné la tête. Li Qekiang, ancien rival, avait avoué que “600 millions de personnes disposent d’un revenu mensuel moyen de 1 000 yuans (125 euros).” Il quittera son poste de Premier ministre. 

L’Empereur Hongwu serait-il le modèle de Xi ? Moinillon chasseur de rats devenu seigneur de guerre, il fonda la dynastie Ming, inventa le premier système totalitaire : chaque villageois devait être un délateur. Chaque juge avait derrière lui son prédécesseur, empaillé, image de son avenir. Aujourd’hui, Xi, qui s’identifie à la stratégie géniale du « zéro covid », enferme le quart de la population chinoise, empaillée.

Les ouvriers se révoltent, désertent, font le mur, affrontent la police

Dazibao vieux style, une banderole criait : « Nous ne voulons pas de tests covid, nous voulons manger ; nous ne voulons pas de confinement, mais être libres ; pas de mensonge, mais la dignité. Ne plus être des esclaves, mais des citoyens. ». Parqués dans leurs usines, les ouvriers se révoltent, désertent, font le mur, affrontent la police. Les émeutes se multiplient. Du jamais vu. Aucune chance, évidemment.

Xi Jinping concentre plus de pouvoir que n’en eût aucun autre homme sur la terre. « Le pouvoir politique, disait Lin Biao, c’est le pouvoir d’opprimer les autres ». Il en savait quelque chose avec Mao.  Xi croit en l’irrésistible ascension de la Chine, comme beaucoup dans le monde. Il croit aussi que cette fascination le sert.

Acheter les dirigeants, installer une dépendance 

En Asie centrale, les anciens affidés de la Russie passent à la Chine : Kazakstan, Tadjikistan, Ouzbékistan. En pleine Coupe du monde, le Qatar signe le plus important contrat de fourniture de gaz à la Chine : plus de 25 ans. L’Iran s’est mise dans l’orbite chinoise, comme désormais, la Russie. Laos, Sri Lanka, Bengladesh, Birmanie, Malaisie, Indonésie, Cambodge se noient dans les prêts chinois. En Afrique, 62% de la dette bilatérale, celle que signent les gouvernements, l’est avec la Chine. Acheter les dirigeants, installer une dépendance. Dans cinq pays, la dette chinoise dépasse 30% : Ethiopie et Cameroun, Congo, Angola, Djibouti (57% !). 

QatarEnergy CEO and Qatar’s Minister of Energy Saad al-Kaabi attends a signing ceremony with Sinopec, in Doha, Qatar, November 21, 2022. REUTERS/Imad Creidi

Mais la Chine cale. L’économie chinoise n’est plus aussi florissante, la crise immobilière alimente une crise de la dette, la croissance plonge, la démographie annonce une baisse de la croissance à venir. L’avenir radieux est derrière Xi. 

Accroitre le contrôle, stimuler l’esprit de revanche, promouvoir, à l’échelle planétaire, l’anti-occidentalisme, tel serait le « rêve chinois ».  Mais plus Xi s’affirme, plus les oppositions à la Chine se fédèrent, plus le leadership américain ressuscite. « La Chine ne renoncera jamais à l’usage de la force » s’aventure Xi en pleine guerre russe.

La Chine n’a aucune chance de l’emporter dans une confrontation

Toute action engendre une réaction. « La crise ukrainienne n’est qu’un échauffement. Le grand conflit arrive ; il ne faudra pas longtemps avant que nous soyons testés » s’alarme l’amiral Richard, patron du commandement stratégique au Pentagone. Le budget militaire américain est trois fois celui de la Chine. 

Dans aucun domaine, la Chine ne peut devenir dominante : ni la monnaie, ni la recherche, ni les forces militaires. La Chine n’a aucune chance de l’emporter dans une confrontation. Les pays de l’OCDE représentent cinq fois le PIB chinois. 

Le Renminbi ne remplacera pas le dollar, tous les essais en ce sens ont échoué : personne n’a confiance en une monnaie contrôlée par le PCC. Le durcissement du régime freine investissement et créativité. 

Bien sûr, la Chine investit : dans la marine, le cyber, l’intelligence artificielle, les supercalculateurs, l’espace, mêlant toujours le civil et le militaire, comme les Etats-Unis, toujours moins que les Etats-Unis et l’Occident (surtout en y intégrant Corée, Japon et Taïwan). Biden a encore restreint l’exportation de de technologie servant à la fabrication de puces. La Chine proteste, et puis ? Huaweï chute.

Ne céder ni à la fascination, ni à la peur

La Chine vieillit, elle est soumise à des tensions internes.  Elle est plus dépendante de l’Occident que l’inverse, dépendante de ses clients, des routes qui ne sont pas de soie et restent contrôlées par d’autres. 

Mais considérer la Chine comme un adversaire seulement, n’est qu’une posture en réponse à une autre posture, double imposture. Ce qui évite le conflit, c’est la multiplication des dépendances, pas l’isolement.

Il faut faire vivre les routes de la soie, dans les deux sens. Les Chinois sont comme … les Taïwanais : ils préfèrent une société ouverte à une société fermée. Ce n’est pas à l’Occident de fermer les frontières, de se renfermer, de se replier. Scholz n’est pas Daladier, Biden ne sera pas Churchill. On n’en a pas besoin, heureusement.

Le danger serait de limiter les échanges avec la Chine 

Il serait idiot de penser l’avenir du monde sans la Chine. Ne céder ni à la fascination, ni à la peur. Xi a raison, comme Poutine, comme Khomeini : l’Occident est très fort. L’avenir de la Chine pourrait être radieux, une fois que Xi aura abandonné son « rêve chinois », qui est tout sauf le paradis. Le système totalitaire, celui de Hong Wu comme celui de Xi, disparaitra. « Vaincre l’ennemi sans combattre », n’est-ce pas le summum de la stratégie ? 

Une société ouverte est plus forte qu’une société fermée. Il y a peu de chances que Xi soit aussi stupide que Poutine. Il y a donc peu de chances qu’il choisisse une confrontation militaire ; peu de chances que les États-Unis perdent leur première place mondiale, en termes de monnaie, de défense, d’alliances, d’influence, de recherche. Il n’y a donc aucune raison pour l’Europe de limiter les échanges avec la Chine. Les rééquilibrer est une autre affaire.

La vraie menace chinoise, ce sera quand la Chine éclatera

La vraie menace chinoise, ce sera quand la Chine éclatera. Alors viendrait le temps des troubles. Mais peut-être, au lieu d’éclater, se transformera-t-elle en une société plus libre… Alors elle aurait toutes les chances d’être la première puissance mondiale, mais elle ne le fera pas, tant qu’il y aura des Xi et des soldats d’argile. Aux pieds d’argile, justement.

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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