Dans sa traditionnelle lettre annuelle au président de la République publiée ce lundi 24 avril, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau fait de l’inflation l’ennemi à abattre, tout en encourageant le gouvernement à reprendre le contrôle de ses dépenses publiques.
Le remède face à cette « maladie économique et sociale », selon le gouverneur, passe par une reprise en main de la dépense publique après trois ans de « quoi qu’il en coûte », la réussite des transformations énergétique et climatique, et une libéralisation du marché du travail.
Si l’inflation est une « maladie contagieuse » et « pernicieuse », elle n’est pas pour autant « chronique », écrit le gouverneur dans sa lettre. Ainsi, l’inflation devrait commencer à baisser « au cours du premier semestre » 2023, bien que les causes internes – qui ne sont pas dues à des chocs géopolitiques – se multipliassent : « le renchérissement des coûts de production des entreprises les a conduites à répercuter cette hausse dans leurs prix de vente, notamment dans les secteurs des produits manufacturés et de l’agroalimentaire », peut-on lire dans la lettre.
Ainsi, l’inflation « sous-jacente » – hors prix de l’énergie et de l’alimentation – se stabilise à 4,6 % sur un an, un chiffre qui traduirait une surchauffe de l’économie française et rendrait donc légitime une inquiétude de la part d’une large majorité des Français : « l’inflation ressentie dépasse d’ailleurs aujourd’hui largement l’inflation effectivement mesurée », souligne le document.
Les prix de l’alimentation ont quant à eux augmenté de 15 % en un an, bien au-delà des prix de l’énergie, qui n’augmentent « que » de 5,2 % sur la même période.
La fin du « quoi qu’il en coûte »
Selon les analyses de la Banque de France (BdF), une politique monétaire ambitieuse peut ramener l’augmentation des prix « vers 2 % d’ici fin 2024 à fin 2025 », alors que le bouclier tarifaire, mis en œuvre dès les premiers soubresauts de l’invasion russe en Ukraine, a su « amortir temporairement le choc énergétique » d’une séparation brutale avec le pétrole et gaz russe.
En revanche, le « quoi qu’il en coûte » budgétaire qu’Emmanuel Macron avait acté pour faire face aux pires effets de la pandémie – 240 milliards d’euros depuis le début de la pandémie, selon les chiffres de Bercy – n’est plus justifié, précise la lettre. L’heure est plutôt au resserrement de vis et à des aides plus ciblées.
Un discours qui va de pair avec la mission que s’est donné le ministre de l’Economie Bruno Le Maire la semaine dernière dans le cadre de la présentation du « Programme de stabilité de la France » : réduire de 4 points de pourcentage la dette publique française, aujourd’hui l’une des plus élevées d’Europe à 111,6 % du PIB, contre une moyenne de 90 % environ dans toute la zone euro. Et bien loin des 60 % de PIB au cœur du Pacte de stabilité et de croissance européen, qui guide les politiques budgétaires des Etats membres depuis la fin des années 90, et dont une proposition de réforme est attendue mercredi (26 avril).
« Nous accélérons le désendettement de la France », martelait M. Le Maire la semaine dernière, faisant craindre à ses détracteurs qu’une coupe sèche dans les dépenses publiques augurait une nouvelle vague d’austérité.
En plus d’une politique monétaire « justifiée » qui devrait se « poursuivre », François Villeroy de Galhau préconise la mise en œuvre de « quatre transformation pour muscler notre économie », qui incluent des transitions énergétique et digitale « plus radicales encore » tant au niveau français qu’européen. Une libéralisation du marché du travail serait tout aussi nécessaire, notamment chez les jeunes et seniors, « laissés-pour-compte » du monde du travail.
Enfin, le gouverneur appelle de ses vœux une réelle transformation publique, qui passerait par une révision du management public. « Notre pays peut et doit adopter une stratégie de transformation économique globale, juste, et persévérante » a-t-il conclu.
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