Karim Ben Cheïkh : « Il faut trouver la parade efficace à l'évasion fiscale » 

Karim Ben Cheïkh : « Il faut trouver la parade efficace à l'évasion fiscale » 

Les 2,5 millions de Français résidants à l étranger serontils imposables en France quels soient leurs pays de résidence ? Serontils « taxés » sur les mêmes bases que les Français vivant en France ? Pour Karim Ben Cheïkh, Député Nouveau Front Populaire (NFP) de la 9ème circonscription des Français établis hors de France, « c’est tout à fait faux de présenter le débat ainsi ». Nous l’avons reçu pour comprendre la proposition de Lucie Castets, étayée depuis par Éric Coquerel.

Rachid Hallaouy : Quelle est votre position sur la proposition de l’Alliance de la gauche et plus précisément celle de Lucie Castets, de taxer les Français de l’étranger comme ceux qui résident en France ? 

Karim Ben Cheïkh : Le NFP et sa candidate Lucie Castets n’ont jamais proposé ou dit qu’ils “taxeraient les Français de l’étranger comme ceux de France”. C’est tout à fait faux de présenter le débat ainsi. Les propos auxquels vous faites référence portent sur la nécessité de lutter contre les “exilés fiscaux”, c’est-à-dire ceux qui installent leur résidence fiscale hors de France dans le seul but d’échapper à l’impôt. Ces propos ont été réinterprétés pour faire croire qu’ils visent tous les Français de l’étranger. Elle parle pourtant d’un sujet précis qui concerne un petit nombre de Français très fortunés qui se jouent des règles pour échapper à l’imposition de revenus générés en France et se déclarent résidents dans des pays à faible fiscalité. 

Cet exil fiscal de grandes fortunes est une réalité insupportable en face du déficit budgétaire et de la situation sociale en France. Le NFP et Lucie Castets savent bien que les 2,5 millions de Français établis à l’étranger ne sont pas des fraudeurs et que, bien souvent d’ailleurs, ils paient bien plus d’impôts dans leur pays de résidence qu’ils n’en paieraient en France. Pour rappel, les résidents à l’étranger rapportent plus d’1,4 milliards d’euros par an à la France alors même que le volume des dépenses qui leur est consacré avoisine un bien maigre 140 millions d’euros. 

Rachid Hallaouy : Comment expliquez-vous l’ampleur prise par l’annonce de cette mesure que certains considèrent comme « inapplicables » ? 

Karim Ben Cheïkh : C’est plutôt à vous, journalistes, de l’expliquer. Ce que je remarque c’est que comme à son habitude la droite macroniste cherche à faire peur aux Français de l’étranger en racontant partout, comme lors de leurs campagnes législatives, que le Nouveau Front Populaire a le projet de les taxer. Probablement pour masquer un bilan anémique sur la question des services publics des Français de l’étranger, de leur protection sociale et de l’accès à la scolarité ou pour préparer une autre élection législative en cas de dissolution, qui sait ? 

Rachid Hallaouy : Pour Roland Lescure, ministre démissionnaire en charge de l’Industrie, « cette mesure est complexe administrativement, faiblement rentable financièrement et injuste politiquement », êtes-vous de son avis ? 

Karim Ben Cheïkh : Encore une fois, de quelle mesure parle-t-on ? D’une demi-ligne d’interview réinterprétée de manière politicienne? Libre à M. Lescure, ministre démissionnaire, vice-président de l’assemblée nationale, probable candidat législatif après la prochaine dissolution – on ne sait plus comment le désigner – de faire de la surenchère démagogique. Je ne suis pas élu pour répondre à des mesures fantasmées et prêtées, avec beaucoup de mauvaise foi, au Nouveau Front populaire. 

« Ce que propose Eric Coquerel, c’est un outil fiscal de taxation limité dans le temps et ciblant les grandes fortunes françaises délocalisées dans des pays à basse fiscalité ». 

Karim Ben Cheïkh, Député Nouveau Front Populaire (NFP) de la 9ème circonscription des Français établis hors de France.

Rachid Hallaouy : Que pensez-vous de la proposition d’Éric Coquerel, président de la commission Finances à l’Assemblée nationale, visant à instaurer une taxe basée sur la nationalité et non plus sur le lieu de résidence fiscale ? 

Karim Ben Cheïkh : Encore une fois, c’est une mauvaise façon de présenter ce que dit Eric Coquerel qui a travaillé avec sérieux sur la question de l’évitement fiscal. Ce que propose le président de la commission des finances, c’est d’élaborer un outil fiscal de taxation limité dans le temps et ciblé sur les grandes fortunes françaises et qui se sont délocalisées vers des pays à basse fiscalité. On parle de pays qui ont des taux d’imposition inférieurs de plus de 50% à ceux de la France, voire nuls. Ces revenus générés en France seraient alors taxés à la hauteur du différentiel existant avec le barème français de l’impôt sur le revenu. L’objectif serait donc de faire un dispositif pour recréer une forme d’ “exit tax” contre l’évasion fiscale qui avait été supprimée dès 2018 par les gouvernements de M. Macron, un cadeau fait aux ultra-riches. Ce “trou dans la raquette fiscale” permet aujourd’hui à de très grandes fortunes de ne pas payer d’impôt alors qu’elles font des profits substantiels en France. Personnellement je verrai et échangerai sur pièce lorsque cette proposition sera posée par écrit. Je souhaite qu’on évite les usines à gaz fiscales mais il faut trouver la parade efficace à l’évasion fiscale. 

Rachid Hallaouy : Il se dit que la proposition faite par Lucie Castets pourrait être revue et reformulée sans pour autant être définitivement abandonnée, qu’est-ce que cela vous inspire ? 

Karim Ben Cheïkh : Je ne commente pas les on-dit. Le Nouveau Front populaire s’est construit autour d’un programme qui est le fruit d’un consensus et qui ne mentionne nulle part cet impôt universel. Si le NFP est appelé à gouverner, il appliquera son programme et y a déjà beaucoup à faire ! Je ne nie pas, pour autant, qu’il y a une réflexion à gauche sur l’évasion fiscale, et heureusement, car c’est un fléau contre lequel il faut lutter sans relâche, au nom de la justice et de l’équité. Mais les débats ne se situent pas là où les macronistes veulent nous le faire croire. 

D’autre part, avez-vous examiné le bilan des gouvernements sortants et battus électoralement sur la question de l’évasion fiscale? Leur avez-vous demandé leurs propositions pour lutter contre ce phénomène ? 

Rachid Hallaouy : Comptez vous prendre position voire des dispositions sur le sujet auprès des Français établis dans la 9ème circonscription des FDE ? 

Karim Ben Cheïkh : Qu’y a-t-il à en dire ? 16 pays composent la 9ème circonscription ; aucun ne peut être qualifié de pays à “fiscalité privilégiée” ! 

Dans ma circonscription je vois davantage d’exilés sociaux que d’exilés fiscaux, des Français modestes qui viennent s’établir avec des pensions de retraite modestes et des petits compléments de revenus locatifs taxés par de la CSG-CRDS sans contrepartie sur leur protection sociale. Les Français de l’étranger sont en attente de justice fiscale et ce point de vue je le défends au sein du NFP. 

Auteur/Autrice

  • Rachid Hallaouy

    Rachid Hallaouy est journaliste et éditorialiste installé au Maroc depuis 2006. Après avoir collaboré avec de nombreux médias en presse écrite (L’Economiste), électronique (Yabiladi) et audiovisuel (France 24), il a rejoint Luxe radio pour y lancer en 2011 un concept de débat d’idées traitant de sujets politiques et économiques.

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