Italie : la hausse de la flat tax à 300000 € fait débat…

Italie : la hausse de la flat tax à 300000 € fait débat…

L’annonce d’une hausse de la flat tax italienne, un régime fiscal forfaitaire réservé aux plus fortunés, a suscité de nombreux commentaires, notamment dans la presse économique internationale. Pourtant, en Italie même, la perception est bien plus nuancée. À en croire Gaëlle Barré, élue des Français de l’étranger et présidente du conseil consulaire (circonscription de Rome, Malte et État de la Cité du Vatican), « la majorité des expatriés français… ne se sentent tout simplement pas concernés ». La hausse de la flat tax à 300 000 € fait débat… mais son impact réel reste très limité.

Dans un contexte où Moody’s relève la note souveraine du pays et où le gouvernement Meloni cherche à concilier rigueur budgétaire et attractivité fiscale, la flat tax demeure un symbole. Mais un symbole dont l’impact économique réel reste modeste, loin du récit parfois alarmiste véhiculé à l’étranger.

Petit rappel : qu’est-ce que la flat tax italienne ?

Créée en 2017, la flat tax italienne est un régime d’imposition forfaitaire réservé aux nouveaux résidents fiscaux, qu’ils soient étrangers ou Italiens revenant après un long séjour à l’étranger. Contrairement au système progressif traditionnel, elle propose de s’acquitter d’un montant fixe annuel sur ses revenus de source étrangère, quel que soit leur volume. Ce montant a été fixé à 100 000 € à l’origine, est passé à 200 000 € en 2023, et devrait atteindre 300 000 € en 2026 selon le projet de loi budgétaire.

« La flat tax concerne un groupe extrêmement restreint de nouveaux résidents, composé de personnes très fortunées, déjà entourées d’avocats fiscalistes »

Gaëlle Barré, élue des Français de l’étranger
et présidente du conseil consulaire (Rome)

Ce régime offre, en parallèle, des avantages annexes tels que la non-imposition des successions d’actifs situés hors d’Italie et l’absence d’obligation déclarative pour les avoirs étrangers. Il s’agit donc d’un dispositif très spécifique, taillé pour des contribuables internationaux à très hauts revenus, et sans commune mesure avec le régime fiscal appliqué aux résidents ordinaires.

Un dispositif qui ne concerne qu’une fraction infime des expatriés

D’emblée, Gaëlle Barré balaie l’idée selon laquelle les Français d’Italie seraient déstabilisés par la hausse de la flat tax de 200 000 € à 300 000 €. Selon elle, « c’est un non franc et direct ». La réalité est simple : « la flat tax concerne un groupe extrêmement restreint de nouveaux résidents, composé de personnes très fortunées, déjà entourées d’avocats fiscalistes, de holdings familiales et de conseillers financiers chevronnés ».

Gaëlle Barré, Conseillère des Français de l'étranger, Présidente du conseil consulaire (Rome)
Gaëlle Barré, Conseillère des Français de l'étranger, Présidente du conseil consulaire (Rome)

Ces profils n’entrent « pratiquement jamais en contact avec les élus consulaires » ou les services de proximité souligne notre compatriote. Leur installation en Italie s’inscrit dans une logique patrimoniale sophistiquée, très éloignée des préoccupations quotidiennes de la grande majorité des expatriés français. Il est d’ailleurs utile de rappeler que la flat tax n’est pas née d’un gouvernement de droite. Créée en 2017 sous Paolo Gentiloni, alors président du Conseil issu du centre-gauche, elle visait d’abord à inciter la diaspora italienne aisée à rapatrier ses capitaux. Avec un résultat mitigé : la Cour des comptes italienne estime que cette politique n’a pas eu d’effet significatif sur l’économie nationale.

Une inégalité exagérée par la presse internationale ?

À l’étranger, les titres sont plus tranchés. Le Financial Times évoque une hausse des inégalités entre Italiens et nouveaux résidents, ainsi qu’une pression immobilière accrue. Une vision qui, sur le terrain, ne correspond pas aux observations de Gaëlle Barré : « Ce n’est pas mon impression », affirme-t-elle. Sa lecture est limpide : « avec un salaire moyen d’environ 2 500 € bruts mensuels, la majorité des Italiens évoluent sur un marché résidentiel et dans un environnement économique totalement distinct de celui des très hauts revenus attirés par la flat tax ». Les deux populations ne se croisent quasiment jamais, ni dans les mêmes segments immobiliers, ni dans les mêmes circuits économiques.

« La majorité des Italiens évoluent sur un marché résidentiel et dans un environnement économique totalement distinct de celui des très hauts revenus attirés par la flat tax »,

Gaëlle Barré, élue des Français de l’étranger
et présidente du conseil consulaire (Rome)

Quant à l’impact budgétaire du dispositif, il reste marginal. Les rentrées fiscales générées par la flat tax sont estimées à quelques centaines de millions d’euros. Rapporté à un budget prévisionnel de 500 milliards d’euros en 2026, avec un solde positif dépenses/recettes d’environ 18 milliards, l’effet économique global apparaît comme une goutte d’eau. Le contraste entre perception internationale et réalité locale est frappant : là où certains journaux décrivent une politique fiscale déstabilisatrice, les chiffres comme le vécu quotidien racontent une tout autre histoire.

Une mesure avant tout politique et communicationnelle

Si son poids économique est limité, la flat tax reste bel et bien une arme politique. Elle l’était déjà en 2017 lorsqu’elle visait à séduire la diaspora italienne, et elle l’est encore aujourd’hui pour le gouvernement Meloni, qui s’adresse à un électorat soucieux de voir revenir des capitaux sur les places financières italiennes.

Le Palais Montecitorio, le Parlement italien
Le Palais Montecitorio, le Parlement italien

La hausse à 300 000 € suit la même logique : montrer que les plus fortunés contribuent davantage dans un contexte de discipline budgétaire renforcée. Une façon pour l’exécutif italien de dire : nous restons attractifs, mais nous ne faisons pas de cadeaux disproportionnés. Car l’Italie doit conjuguer plusieurs impératifs : rassurer Bruxelles, maintenir une trajectoire budgétaire stable, tout en continuant d’attirer investisseurs et talents à l’heure où le Royaume-Uni a démantelé le statut de non-domiciled (non-résident) et où le Portugal réduit ses avantages fiscaux pour expatriés.

Loin des fantasmes, un dispositif stable mais marginal

Dans les faits, la hausse de la flat tax ne bouleverse rien. Les bénéficiaires actuels ne devraient pas être affectés, et ceux qui envisagent une installation disposent déjà des conseils nécessaires pour anticiper ce changement. L’attractivité de l’Italie ne s’en trouve pas entamée : qualité de vie, culture, stabilité relative, montée en puissance de Milan, autant de facteurs qui prennent souvent le pas sur la fiscalité pure. Quant aux Français d’Italie, l’essentiel est ailleurs : obtenir des services consulaires efficaces, naviguer dans un environnement administratif parfois complexe, ou encore comprendre les règles de scolarisation et d’emploi locales. La flat tax ? Un sujet de niche, éloigné des préoccupations quotidiennes de la grande majorité d’entre eux.

La flat tax : beaucoup de bruit, peu d’impact

L’Italie augmente sa flat tax pour les nouveaux résidents fortunés, mais l’essentiel n’est pas là. L’impact économique est limité, l’effet social largement surestimé par la presse internationale, et les Français d’Italie ne se sentent pas concernés. Pour Rome, cette hausse constitue d’abord un signal politique, un outil de communication, un marqueur de rigueur budgétaire combiné à la volonté d’attirer des capitaux. Mais certainement pas une réforme de rupture.

La vraie question, au fond, est peut-être celle-ci : pourquoi un dispositif aussi marginal occupe-t-il autant de place dans le débat public international ? La réponse tient sans doute au fait qu’il concentre à lui seul tous les fantasmes : fiscalité privilégiée, expatriés fortunés, globalisation… alors qu’en Italie, la vie continue, loin de ces images souvent simplifiées.

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